Changer notre regard sur la « schizophrénie » au XXI^e siècle ?

Histoire et perspectives cliniques contemporaines

Changing our look on schizophrenia in the XXI^th century? History and contemporary clinical perspectives

¹ Maître de Conférences en psychologie
² Professeur de psychologie. Laboratoire de Psychopathologie et de Neuropsychologie (LPNEA2027), Université Paris 8, 2, rue de la liberté, 93200 Saint-Denis, France

^* marie-carmen.castillo@univ-paris8.fr

Résumé

L’approche théorico-clinique de la schizophrénie s’est profondément modifiée ces cinquante dernières années. Une pluralité de facteurs scientifiques, thérapeutiques et socié-taux ont permis de renouveler nos modèles de compréhension du trouble et d’accompagnement des personnes, parallèlement à la modification du statut des patients. Alors que la théorie de la dégénérescence a longtemps contribué à figer le « schizophrène » dans un destin irrémédiablement sombre, les politiques de désinstitutionnalisation, puis de réhabilitation psychosociale, ont orienté une conception moins déterministe du trouble et des soins centrés sur l’interface entre le patient et son environnement. Les concepts de rétablissement (recovery), d’empowerment et d’inclusion sociale, émergeants en France, bousculent à nouveau nos modes d’appréhension de la schizophrénie, en plaçant les ressources, le savoir expérientiel et la citoyenneté des usagers au cœur de nos préoccupations thérapeutiques et éthiques. Ces nouvelles orientations questionnent en profondeur nos pratiques de soins, en même temps qu’elles renouvellent nos interrogations sur le statut épistémique de la « schizophrénie ».

Abstract

The theoretical-clinical approach of schizophrenia has profoundly changed over the last fifty years. A number of scientific, therapeutic and societal factors allowed us to renew our conceptual models of schizophrenia, in parallel with the modification of patients’ status. While the theory of degeneration has long contributed to freeze the “schizophrenic” in an irremediably dark destiny, the deinstitutionalization politic, and then the psychosocial rehabilitation, have guided a less determined conception of the disease and centralized care on the interface between the patient and its environment. The concepts of recovery, empowerment and social inclusion, emerging in France, are once again shaking up our ways of understanding schizophrenia, placing resources, experiential knowledge and citizenship at the core of our therapeutic concerns and ethical issues. These new orientations question in depth our practices of care, and at the same time they renew our reflections about the epistemic status of “schizophrenia”.