Accès gratuit
Foreword
Numéro
Perspectives Psy
Volume 51, Numéro 4, octobre–décembre 2012
Page(s) 346 - 347
Section Vers le dépassement d’épistémologies locales et cloisonnées
DOI https://doi.org/10.1051/ppsy/2012514346
Publié en ligne 20 novembre 2012

Depuis son avènement au XIXe siècle, parcours que décrit Jean Garrabé, la psychiatrie inscrit au cœur de sa praxis ses réflexions et expérimentations en psychothérapie. Cette dernière repose sur une croyance : l’existence d’une réalité psychique irréductible au seul fonctionnement neuronal sous-jacent, sur lequel on va pouvoir agir ; ce qui différencie d’emblée une visée strictement comportementale de changement. De multiples directions seront ensuite explorées, du traitement moral de Pinel, au magnétisme, au sommeil provoqué et à l’hypnose, en passant par la suggestion, la psychanalyse, puis le psychodrame, la relaxation, l’éducatif, l’institution, jusqu’à son articulation avec la pharmacothérapie... Ce qui permet aujourd’hui de dégager près de 400 techniques différentes, répertoriées en 6 catégories par l’Académie médicale : magico-religieuses, intersubjective, rationnelle, morales, médiatisée (corps, art,…), à visée humaniste. Pour se pencher sur une métathéorie de ces praxis, soulignons 3 paradoxes au préalable. Tout d’abord, la prescription s’effectue selon le patient, là où la pratique se fonde sur thérapeute (personne, convictions, expériences) : il n’est donc ni de certitude absolue ni de technique mécaniciste, mais au centre, la rencontre de deux personnes qui créent un « espace », où vont se jouer des phénomènes avec une part inéluctable d’imprévus ; ainsi qu’une part impalpable aux allures « magiques » de « levée des symptômes ». Ensuite, il semble impossible de théoriser la psychothérapie sans en avoir soi-même fait l’expérience, mais la réalisation de toutes les techniques précipite l’esprit qui s’y prête dans la folie. Enfin, l’université centre son enseignement et son évaluation sur des capacités cognitives, là où prévalent dans la pratique l’attitude, l’être et la disposition d’esprit. En conséquence, la plupart des thérapeutes se forment hors de ces lieux institutionnels, privilégiant l’hétérogénéité, l’inégalité d’accès, le secret et le risque de dérives dans les pratiques.

Colette Chiland propose ensuite 11 points de réflexions pour penser les psychothérapies. Le 1er point met en avant la relation intersubjective, où prévaut l’alliance dans la relation, la compréhension et l’empathie soutenant les représentations du monde du patient, et l’engagement du thérapeute. Le 2e point indique le médiat utilisé : parole ou autre. Le 3e questionne la place du corps. Le 4e le statut de la conscience. Le 5e souligne le subtil équilibre qu’établit le gradient entre émotions et cognitions. Le 6e point se penche sur le contenu des représentations travaillé : « Plus que la vérité historique compte ce que le sujet a fait de ce qu’on lui a fait ». Quelle que soit la part accordée à la suggestion, à l’interprétation, au moment de mentalisation, la psychothérapie fournit une « matrice symbolique » pour mieux penser sa vie. Le 7e point interroge les buts de la psychothérapie, dont le gradient différencie à un pôle la « disparition des symptômes », et à un autre un « changement radical de la personne et de sa vie », entre lesquels se place la « prévention des rechutes », tout en rappelant la traditionnelle contingence du « hasard des circonstances » auxquelles les psychothérapies n’échappent pas. Les 2 points qui suivent parlent de durée et de modalité d’application. Le 10e point introduit la dimension culturelle. Le 11e point enfin, conclut sur l’équilibre à définir entre la nécessité scientifique d’un « manuel » d’enseignement des théories et pratiques, à croiser avec la nécessité de susciter sans cesse l’émerger de créativité, par définition non traçable a priori.

Ainsi se traduit ici le souci d’un maillage serré, au cœur de la praxis, entre recherche, questionnements et occurrences offertes par la clinique. L’époque actuelle tend à nier la richesse de l’expérience transmise par les générations de thérapeutes, privilégiant le « grade des études » au bon sens, à l’expérience clinique et aux élaborations théoriques. Le « déni du psychisme », nous dit Jean-Michel Thurin conduit à l’exclusion des interventions thérapeutiques. À partir de l’« étude de cas », des élaborations de subjectifs collectifs constitués par les groupes de pairs, il propose un pont ignoré depuis plus de 20 ans, entre la rigueur de la recherche scientifique, et la richesse, la complexité, et la fiabilité offerte par la pratique clinique. D’autres voies seront certainement à développer, dépassant le dualisme cartésien, dans une dialectique riche et constructive entre qualitatif et quantitatif, entre cliniciens et chercheurs, entre EBM et EBP, entre scientifique et humanisme.


© GEPPSS 2012

Les statistiques affichées correspondent au cumul d'une part des vues des résumés de l'article et d'autre part des vues et téléchargements de l'article plein-texte (PDF, Full-HTML, ePub... selon les formats disponibles) sur la platefome Vision4Press.

Les statistiques sont disponibles avec un délai de 48 à 96 heures et sont mises à jour quotidiennement en semaine.

Le chargement des statistiques peut être long.