Analyse dʹun blocage et ouverture vers lʹavenir

Lʹexpérience de la féderation française de psychiatrie

Analysis of a blockage and vistas of the future - The experience of the French Federation of Psychiatry

CESP, Inserm U1018 1178, Univ. Paris Descartes, Paris, France, Society for Psychotherapy Research, PdtCollège Recherche de la Fédération Française de Psychiatrie, École de psychosomatique. Psychiatre, psychanalyste, 9, rue Brantome, 75003 Paris, France

^* jmthurin@internet-medical.com

Résumé

Le 16 janvier 1992, à l’issue d’une année de travail de part et d’autre, les représentants de 21 associations et sociétés scientifiques signent les statuts de la Fédération Française de Psychiatrie (FFP) dans les locaux de l’Inserm. Les objectifs de la toute nouvelle Fédération sont que les recherches dans tous les domaines de la psychiatrie et de la santé mentale soient le point d’ancrage d’une ouverture et d’échanges tout azimut de la psychiatrie, aux niveaux professionnel et institutionnel sur les scènes nationales et internationales. Des actions d’envergure sont immédiatement engagées. Leur recensement et leur correspondance par rapport aux besoins recensés et aux objectifs traduisent la cohérence de l’ensemble.

Le contraste qui s’établit entre les 15 premières années de fonctionnement de la FFP et les suivantes est considérable. Un début de réflexion à ce sujet a été mené par Comité de rédaction de ce numéro de Perspectives psychiatriques pour le comprendre. Le rôle des antinomies individuelles ou institutionnelles n’a pas été retenu comme facteur principal. Les antagonismes ont toujours existé en psychiatrie. Ils n’avaient pas réussi à interrompre le processus initial. Nous nous sommes alors orientés, à partir des publications et documents dont nous disposons, sur ce qui a pu se modifier dans les relations avec les grandes institutions qui ont apporté leur dynamisme, leur accompagnement et leur soutien à la Fédération, à savoir l’Inserm, l’Andem-Anaes-Has et la DGS.

L’histoire de la Fédération Française de Psychiatrie s’est trouvée largement concernée par le développement de l’EBM et les questions particulières qui se sont trouvées posées par la spécificité de la psychiatrie dans le champ scientifique. La crise qui s’est produite à l’occasion des premières expertises collectives Inserm et le travail intense du comité d’interface qui a permis sa résolution au moins partielle apportent un éclairage important sur les conséquences que peuvent produire la différence dans la construction des savoirs qui existe entre l’abord biomédical général et l’abord individualisé de la psychiatrie et disciplines connexes. Le problème s’est retrouvé dans la génération des recommandations pour la pratique clinique alors que les conférences de consensus, qui ont toujours inclus la participation des familles, n’ont jamais posé aucun problème, bien au contraire.

La méthodologie de la recherche et des recommandations pour la pratique qui en découlent doivent prendre en compte l’apport de la clinique en psychiatrie et santé mentale, et notamment la dimension multifactorielle individualisée qui sous-tend les dysfonctionnements et leurs manifestations symptomatiques et comportementales. Les cliniciens ont appris à travailler avec la complexité dynamique et à ajuster leur pratique à l’individualité de chaque cas. La formalisation de cette activité représente une base potentielle de connaissances considérables. Mise en relation avec d’autres niveaux d’approche, notamment physiologiques et biologiques dans différentes conditions comme celles du stress, elle peut conduire à une recherche pragmatique ouverte dont chacun bénéficiera.

Abstract

On January 16, 1992, after a year of work on the part of all concerned, the representatives of 21 associations and scientific societies met at the Inserm (medical research centre) to sign the statutes of the French Federation of Psychiatry (FFP) The objective of the newly formed Federation is for research in all areas of psychiatry and mental health to be anchored in the idea of an open and full exchange of psychiatric practices, at a professional level and on the national and international stage. Major actions are immediately initiated. The cataloguing of these actions and their relationship to identified needs and objectives reflect the coherence of the whole.

The contrast apparent between the first 15 years of operation of the FFP and those that follow is considerable. In order to understand this, the Editorial Board of this issue of Psychiatric Perspectives met to consider the question. The role of individual or institutional conflict was not thought to be the main factor. Antagonisms have always existed in psychiatry. They have not succeeded in halting the initial process. We then turned our attention to the publications and documents available to us to see if they could help us to determine what could have changed with regard to relations with those major institutions that have brought their dynamism, guidance and support to the Federation, namely the Inserm, the Andem-Anaes-Has (national French health assessment organization) and the DGS (French Department of Health).

Historically the French Federation of Psychiatry has largely concerned itself with the development of EBM (Evidence-Based Medicine) and the particular questions posed by the specificity of psychiatry in the scientific field. The crisis that occurred during the first collective Inserm surveys and the intense work of the interface committee that allowed for at least partial resolution provide an important insight into the consequences that can result from the difference in the construction of knowledge that exists between the general biomedical approach and the individualised approach of psychiatry and related disciplines. The problem stems from the creation of guidelines for clinical practice, while consensus conferences, which have always included family involvement, have never posed any problems, quite the reverse.

The research methodology and resulting guidelines for practice must take into account the contribution of the clinical aspect in psychiatry and mental health, including the individualised multifactorial dimension that underlies dysfunctions and their symptomatic and behavioural manifestations. Clinicians have learned to work with dynamic complexity and to adjust their practice to the individuality of each case. The formalisation of this activity represents a potential base of considerable knowledge. Together with other levels of approach, including physiological and biological ones in different conditions such as stress, it can lead to open pragmatic research from which everyone will benefit.