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Perspectives Psy
Volume 51, Numéro 4, octobre–décembre 2012
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Page(s) | 323 - 324 | |
Section | De la transmission à la transformation : une éthique de la parole et de sa réception | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ppsy/2012514323 | |
Publié en ligne | 20 novembre 2012 |
Avant-propos : De la transmission à la transformation : une éthique de la parole et de sa réception
Foreword: Ethics, transmission and teaching process
1
Psychiatre, Psychanalyste, membre de la Société Psychanalytique de Paris, 104, quai Louis Blériot, 75016 Paris, France
2
Pédopsychiatre, Hôpital Erasme, Unité d’Hospitalisation pour Adolescents, 92160 Antony, France
Dans un contexte de crise de la transmission, la Journée de formation aux psychothérapies tenue le 4 mai 2012 à Paris, s’inscrit dans un esprit de retissage du lien entre anciens et modernes, reliant l’héritage d’une tradition « de la présence du temps » au « temps présent » (Secret-Bobolakis, 20121). Le commencement de la publication des actes de ce colloque se situe au triste moment de la disparition de notre regretté collègue le Docteur Antoine Besse, à qui nous tenons à rendre hommage. Son parcours à travers l’Association Mondiale de Psychiatrie, en tant que responsable de l’unité Psychanalyse en Psychiatrie, traduit cet effort d’un psychiatre de terrain à transmettre aux plus jeunes la richesse d’une trajectoire, d’un savoir-faire relationnel qu’il a lui-même contribué à façonner. Ces rencontres s’inscrivent effectivement au cœur d’une époque au paradigme objectivant la relation de soin, frisant parfois l’idéologie néopositiviste. C’est dans ce contexte qu’émane avec insistance la demande d’internes insatisfaits de leur formation à la relation de soin, qui se retrouve démunis face au patient, que le seul bagage de connaissances pharmacologiques ne peut suffire à contenir. Sans remettre en question les précieux apports des 30 dernières années en matière de neurobiologie, neurosciences, etc., l’exercice de la psychiatrie implique que « le médecin qui sait et qui soigne doit faire une place au médecin qui apprend et qui écoute » (G. Schmit).
Or, en traversant son externat, l’étudiant se formate à une clinique du « signe » (du syndrome, de la maladie), où le discours est préconstruit : son habilité se développe pour intégrer au jargon spécialiste les données éparses et imperméables pour lui, des maux et mots du patient. Arrivé au seuil de sa 7e année, un courant antithétique se soulève en lui face au patient. La mise en œuvre d’un soin psychique implique un certain degré de renoncement à une position confortable d’observation et d’objectivation : la pente s’amorce de la maitrise vers la réception, du visible et manifeste vers le ressenti et le latent. Petit à petit, le jeune praticien en formation accepte d’accueillir le « symptôme » métapsychologique, dans un lieu où habite une « probabilité incalculable et imprévisible d’un sens à venir, à partir d’une parole qui se construit dans le champ d’une écoute, qui lui est accordée de personne à personne »(J.J. Bonamour du Tartre). De même que le soin psychique est lié à la capacité du thérapeute à instaurer un climat de confiance avec le patient (G. Diatkine).
Une des grandes difficultés que représente ce travail réside probablement dans l’acceptation, « avec une sérénité relative », du destin de cette « intranquillité durable et féconde, que représente la position d’écoute et d’ouverture sur les mystères de la parole ». Différenciant « soutien » et « travail » dans l’angoisse qui émerge, le praticien découvre à force qu’il se mesure au « qu’est-ce que parler veut dire ? ». Se dévoile entre errances et éprouvés successifs, une « parole » dont la portée dépasse de loin son énoncé, et dont le devenir dépendra de l’écho qui résonne en lui.
Ainsi, on peut dire que le travail de formation à la psychothérapie se fait en écho au cheminement subjectif que l’interne opère durant son internat. A l’urgence des décisions-réactions, il se plonge dans la temporalité de l’humain. Aux prescriptions de « conduites à tenir », il s’immerge dans un long processus de transformation progressive. Néanmoins, ce travail subjectif implique un accompagnement de qualité par des aînés dont l’expérience clinique, les élaborations théoriques et la praxis fondent des assises narcissiques solides. Ce qui assure à l’interne une sécurité dans ces mouvements instables. Sans un travail de supervision bienveillant donc, il semble difficile d’affronter seul la violence des éprouvés émergeant au contact des patients, qui implique de « pouvoir se déformer suffisamment pour accueillir l’insolite », sans destruction consécutive à la poussée (P. Delion). Et lorsque l’interne se retrouve trop longtemps, trop jeune, seul à gérer une unité d’hospitalisation, au risque de vaciller soi-même dans la folie, l’interne peut y préférer, à juste titre, un refuge dans des catégories diagnostiques et thérapeutiques froides et désaffectées. Il sera plus difficile de déconstruire une fois investis les bénéfices qu’amènent de telles catégories : déni du psychisme et de la charge d’angoisse informe et effrayante des projections pathologiques ; rationalisation autour de l’efficacité des psychotropes, en excluant du champ praxique l’efficacité du lien psychothérapeutique, etc. En revanche, un travail de supervision « suffisamment bon » accompagnant le mouvement de subjectivation permettra de cerner par la suite des contours identitaires plus affirmés d’un exercice humaniste assumé et revendiqué. Et notamment face aux contraintes et logiques imposées par l’administration et par les politiques de santé actuelles. Permettant le discernement entre hiérarchie subjective (du point de vue du patient) et statutaire (du point de vue structurel), le travail d’élaboration personnelle de l’interne évite au futur praticien qu’il devient, de céder à l’écueil d’un autoritarisme défensif. Cette attitude rigide risquant d’émerger en réactions aux angoisses suscitées par les projections pathologiques des patients, autant que celle émanant des projections liées à l’exercice de sa fonction en institution (fonctionnement groupal, contraintes budgétaires, sécuritaires…).
Nous invitons le lecteur à découvrir ces quatre premiers textes cliniques tels qu’ils ont été choisis et coordonnés par notre regretté éminent ami Antoine Besse et Isabelle Secret-Bobolakis qui a présidé le groupe d’organisation du Collège de Psychopathologie de la Fédération Française de Psychiatrie.
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