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Numéro
Perspectives Psy
Volume 50, Numéro 1, janvier-mars 2011
Page(s) 5 - 6
Section Hommages
DOI https://doi.org/10.1051/ppsy/2011501005
Publié en ligne 24 mai 2011

Notre ami Pierre Privat a été emporté l’an dernier par la maladie qu’il avait jusque-là réussi à dominer. Tout en luttant, il maintenait son activité scientifique et l’animation des groupes qu’il avait créés autour de lui.

Notre première rencontre remonte au moment où, jeunes internes, nous avons constitué le Comité des jeunes psychiatres en réunissant les internes de la Seine et ceux de l’Assistance Publique. Nous voulions dépasser les clivages et les conflits identitaires de ceux qui nous avaient précédés. Nous nous sommes situés dans le mouvement de L’Évolution Psychiatrique qui a rédigé le Livre Blanc. Il s’agissait alors de préparer l’évolution de la psychiatrie française. Les changements qui ont suivi mai 68 ont permis d’individualiser la psychiatrie et de modifier ses pratiques.

Après avoir travaillé dans le CMP d’Aubervilliers, au sein du secteur de psychiatrie infanto-juvénile, Pierre Privat a pris la responsabilité du CMPP d’Auxerre. Plus tard, il a dirigé le centre Claude Bernard à Paris avec Serge Boimare. Il s’est engagé dans le développement de la recherche concernant les groupes d’enfants et il a réuni autour de lui et de Jean-Bernard Chapelier, au sein du CIRPPA (Centre d’information et de recherche en psychologie et psychanalyse appliquées), des praticiens psychanalystes soucieux d’aborder les difficultés des enfants et de leur permettre de tirer profit de la situation de groupe avec des psychanalystes.

Ils ont ensuite créé en 1991 l’Institut de recherche et de formation pour l’approche psychanalytique des groupes. Sa propre créativité, son souci de l’autre lui ont permis de mettre en place les références théoriques et cliniques permettant à un psychanalyste d’animer un groupe d’enfants. Il s’est ainsi attaché à préciser les éléments constitutifs du cadre et n’a pas hésité à aborder la difficile question de la violence dans les groupes thérapeutiques d’enfants.

Son souci de montrer les mouvements d’élaboration dans le groupe l’a amené à réfléchir sur les processus de pensée dans le groupe. En 2003, le titre d’un de ses articles était : « Penser le groupe, penser en groupe, se penser en groupe ». En présentant à de jeunes internes en formation ce travail de psychanalyste, il leur permettait de se rendre compte qu’un adulte pouvait permettre à des enfants de jouer en groupe. Il avait le talent de montrer comment cet adulte pouvait assurer la fonction de contenance des mouvements pulsionnels infantiles.

Son livre, Travailler avec les groupes d’enfants, écrit avec Dominique Quélin-Souligoux, contient l’ensemble de son approche théorique et clinique fondée sur sa pratique. Il situe le travail avec des groupes d’enfants dans la démarche de psychanalystes qui se sont intéressés au groupe mais aussi dans la démarche de D.W. Winnicott mettant en valeur ce qui se déroule dans le jeu avec l’enfant. En évoquant le fonctionnement groupal et le dispositif groupal, il permet d’approcher ce qui se déroule à l’intérieur du groupe, les éprouvés et les capacités de mise en mots de l’expérience groupale. Ainsi retrouve-t-on son souci de suivre l’élaboration psychique et les transformations qui se déroulent dans un groupe d’enfants en présence d’un psychanalyste. Son livre se termine en insistant sur l’indispensable inscription du travail groupal dans la dynamique de l’institution afin que les groupes d’enfants puissent y trouver harmonieusement leur place.

La perte de cet ami nous pousse à resserrer nos liens de solidarité qui s’était établis dans les années 1960 au moment où se mettaient en place les nouvelles institutions de psychiatrie. Dans la situation difficile qui est faite actuellement aux équipes de psychiatrie, il est important que ceux qui, comme Pierre Privat, ont créé des institutions, animé des groupes de cliniciens et de chercheurs, continuent d’être les transmetteurs de la dynamique qui a permis le développement de la psychiatrie française à partir des années 1970.


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