Quelques pas vers un langage de l’affect

L’environnement sensoriel dans l’advenue du langage chez un enfant autiste

En route for the language of feelings

The role of the sensory environment in the development of communication in autistic children

¹ Psychologue clinicienne, Orthophoniste, Centre Médico-Psycho-Pédagogique Plombières, Marseille, France
² Psychanalyste, Maître de Conférences en Psychopathologie Clinique et Psychanalyse, Laboratoire de Psychopathologie Clinique Langage et Subjectivité, LPCLS (EA 3278), Aix-Marseille Université, 29, avenue Robert Schuman, 13621 Aix-en-Provence Cedex 1, France

^* marirlinger@gmail.com
^** derek.humphreys manterola@univ-amu.fr

Résumé

Le sujet autiste investit le langage – quand il l’acquiert – de manière particulière, dans une communication factuelle et monocorde qui traduit une désorganisation des limites corporelles et une difficulté de psychisation. Ayant pu faire l’expérience clinique de l’avènement d’un langage de l’affect chez le sujet autiste, les auteurs proposent une articulation entre symbolisation et langage dans l’autisme à partir de l’inscription des stéréotypies sonores dans une rythmicité capable d’organiser les échanges sensoriels avec l’environnement. Dans le contexte transférentiel, cette inscription semble, en effet, donner accès à une intégration de la fonction sensorielle, sonore et musicale du discours dans l’appropriation du langage. L’article illustre cette possibilité d’appropriation musicalisée des rythmes des échanges d’affects et de sensations corporelles dans l’accompagnement d’un garçon de six ans pour lequel un diagnostic de trouble envahissant du développement avait été posé. Les vocalisations chez cet enfant ont pu prendre peu à peu corps jusqu’à le rendre présent dans la relation, montrant ainsi la possibilité de restaurer un moi-corporel effacé. L’advenue du langage fut possible dans la rencontre autour des vocalisations, entendues comme instants-trampoline surprenants venant littoraliser le contexte sensoriel de la rencontre. Rencontre où la nomination – transférentielle – des impressions et des sensations que l’enfant manifeste semble fondamentale à l’émergence du sentiment d’exister corporellement. Le processus de réapprivoisement du corps, qui passe par la réalisation singulière de la langue dans la prosodie, a ici donné accès à une forme de langage supportant une réelle rencontre qui passe notamment par le regard et la voix.

Abstract

The autistic patient invests the language – when he has an access to it – in a special way, their factual and monotone communication indicating a disruption of bodily boundaries and a difficulty of mentalisation. Having clinically experienced the emergency of a language of affect in autistic subjects, the authors of the present article establish a link between language and symbolisation in autism based on the inscription of stereotypies of the sounds produced by an autistic child. The rhythmicity created by this inscription would lead to the organization of sensorial interactions with the environment. In the context of the transference, this inscription seems, indeed, to provide access to an integration of sound, sensory and musical functions of discourse in the process of appropriation of language.

The article illustrates this appropriation of language through a musicalisation of the rhythms of exchange of affect and bodily sensations in the accompaniment of a six-year-old boy for whom a diagnosis of pervasive development disorder had been proposed. Vocalizations in this child were able to gradually make him present in the relationship, restoring a faded body-ego. The emergence of language became possible through an encounter with the other one in the vocalisations, considered as surprising trampoline-moments that were able to outline the sensory context of these encounters. The transferential nomination of the child’s impressions and sensations seem fundamental to a sense of bodily existence. The individual creation of prosody proves to be a necessary step towards the appropriation of the body and showed its capacity to provide an access to a form of language supporting the encounter of the other, primarily through the gaze and voice.