Faisant suite au numéro précédent de Perspectives Psy ¹, ce dossier thématique prolonge le dialogue introduit dans la première partie en apportant l’éclairage de cliniciens chercheurs sur l’enfant, le bébé et leur mère. Les traditions épistémologiques dans lesquelles ces contributions s’inscrivent ont été brièvement rappelées dans l’avant-propos du premier dossier. Le texte de Rachel Lefebvre et ses collaborateurs renvoie aux nombreuses études [3] de la dynamique familiale des états limites qui soulignent l’existence de difficultés de séparation réciproques des parents et des enfants, l’absence de frontières générationnelles claires et précises, et les fréquentes inversions ou confusions de rôles entre parent(s) et enfant(s). Cette fois-ci, et c’est l’un des intérêts de cette étude sur le trouble de personnalité limite (TPL), les perceptions des mères et des enfants sont recueillies simultanément et non pas rétrospectivement. La perception d’une relation mère-enfant marquée par la dimension de « contrôle sans affection » apparaît avec force. Les recherches actuelles montrent que les patients TPL rapportent de façon hautement significative plus de séparations ou de pertes parentales que les patients présentant un trouble psychotique, un trouble de l’humeur ou un autre trouble de personnalité. Aussi, on peut se demander si les résultats obtenus par R. Lefebvre et al. ne traduisent pas la mise en jeu d’une représentation croisée de la relation mère-enfant comme un « contrôle sans affection » dans un mouvement défensif contre la menace de séparation. Les deux articles suivants abordent l’une des modalités de l’organisation limite, le trouble narcissique, dont ils étudient l’association avec deux conditions cliniques : l’instabilité psychomotrice et les conduites violentes. Philippe Claudon et Claude de Tichey nous invitent à déceler précocement la constitution d’une organisation limite grâce au conte de la fourmi, un instrument projectif développé par C. de Tichey et aisément utilisable en clinique ambulatoire. Cet instrument, explorant les limites soi/non-soi et intérieur/extérieur, contribue à éclairer les fragilités de la construction de l’identité lorsqu’est menacé l’équilibre narcissique des enfants instables. Maria Sarafidou et ses collaborateurs s’attaquent à la question des problématiques narcissiques qui sous-tendent les conduites violentes de l’enfant. Cet angle de recherche suscite une résonance particulièrement intéressante avec un autre concept, celui de narcissisme malin, développé par O. Kernberg (1984) et permettant de suivre un fil rouge entre les organisations narcissiques et la psychopathie. Dans une étude d’orientation psychodynamique, les auteurs nous offrent un compte rendu très prometteur de leurs premiers résultats en appliquant à cette question la grille de repérage des mécanismes de défense de Perry. En écho à ces préoccupations de recherche, enfin, J.M. Guilé, V. Mbékou et L. Sayegh proposent une batterie d’échelles d’évaluation des conduites narcissiques pathologiques de l’enfant et de l’adolescent, instruments qui ont été élaborés dans la ligne du Diagnostic Interview for Narcissism développé par l’équipe de J. Gunderson. En annexe du dossier thématique, sont réunis quelques articles touchant la question des liens psychopathologiques entre troubles bipolaires et trouble de personnalité limite. Dans le numéro précédent de Perspectives Psy, G. Moniello et V. Biaggini avaient abordé le problème des liens entre états limites et dépressions atypiques de l’adolescence sous un angle psychanalytique. Deux articles viennent ici prolonger la discussion à l’aide d’éclairages cliniques et neurobiologiques. Le débat oppose ceux qui, à la suite d’Akiskal, voient dans le TPL une forme pauci-symptomatique de trouble bipolaire, et ceux qui, comme Paris ou Gunderson, insèrent le TPL dans le continuum des conduites impulsives. Les conclusions d’un tel débat détermineront évidemment le type de traitement médicamenteux qui sera ultimement utilisé. Un premier texte passe brièvement en revue les marqueurs cliniques et biologiques du TPL afin de positionner cette réflexion. Dans le texte suivant, introduisant le concept heuristique contemporain d’endophénotype, Chantal Henry et Donatienne Van den Bulke identifient l’impulsivité et le couplage instabilité émotionnelle/affect de colère comme traits discriminants entre le TPL et le trouble bipolaire lors des intervalles libres. Ceci est congruent avec les études longitudinales qui soulignent la stabilité de l’impulsivité [1] et de l’hostilité [2] dans l’évolution des TPL de l’adolescence à l’âge adulte. Le dossier thématique, enfin, par son dernier article, ouvre des perspectives thérapeutiques stimulantes, Gisèle Apter-Danon et Annick Le Nestour décrivent le dispositif thérapeutique qu’elles utilisent dans leur travail de consultation et de psychothérapie auprès des mères présentant un état limite. Les textes rassemblés pour les deux parties de ce dossier thématique nous rappellent que mère et bébé se construisent conjointement dans un processus simultané de re-présentation de leur relation. Ceci souligne l’intérêt d’en aborder les figures pathologiques par le biais d’une co-thérapie. Le dispositif décrit par les auteurs élargit l’attention conjointe aux mouvements du bébé et enrichit les possibilités de co-création fantasmatique et de jeux transférentiels de chacun des participants. Au terme de ce parcours, au gré des contributions diverses des deux numéros de Perspectives Psy composant ce dossier thématique, le lecteur aura pu toucher plusieurs psychopathologies de la personnalité, limite, narcissique et schizoïde, tout en dialoguant soit du côté de l’objet, soit du côté de la pulsion.

Remerciements Ces deux numéros thématiques de Perspectives Psy n’auraient pu voir le jour sans l’aide initiale de Mme Yéna Richiez pour joindre les auteurs et la patience éditoriale du Dr François Flori. Qu’ils en soient remerciés.

Références

© EDK, 2010