La psychiatrie française souffre de graves pénuries et est soumise à de rudes tensions, depuis 2019, trois rapports importants ont été réalisés par l’IGAS, la cour des comptes et le CESE. Le comité de pilotage de psychiatrie et santé mentale, instance de réflexion qui fédère les représentants des usagers et les professionnels de la psychiatrie se réunit depuis plusieurs années. Il devrait apporter un éclairage et un appui au déploiement de la feuille de route « santé mentale et psychiatrie », il est lui-même soumis à des tensions, il a changé de coprésident psychiatre, puis de nom, avec un nouveau coprésident, il se nomme désormais commission nationale de la psychiatrie, il y a beaucoup de réunions, beaucoup de monde, il est important d’en faire partie, les discussions sont riches mais quelles vont être les retombées pour la psychiatrie ?

Le FIOP, fond d’innovation organisationnelle en psychiatrie dont le jury s’est réuni il y a quelques mois, a examiné des projets intersectoriels et multipartenariaux, tous très intéressants, son enveloppe a été doublée en 2020, il s’agit de projets de plateforme, d’équipe mobile, de consultations ultra spécialisées, par exemple pour les malentendants, etc., ces projets novateurs ont le vent en poupe, mais finalement ils ne ratent rien sauf l’essentiel, c’est-à-dire une psychiatrie publique et privée généraliste de qualité avec un maillage territorial satisfaisant. Les CMP situés loin des grandes villes peinent à recruter des psychiatres, étant devenus fort peu nombreux par rapport aux besoins, devant cette forte pénurie, les hôpitaux recrutent des psychiatres intérimaires, les patients changent de psychiatres tous les mois... Une équipe stable, qui fonctionne bien ensemble, qui se connaît bien, qui offre des soins au long cours aux patients, n’est-ce pas un critère suprême de qualité, les liens transférentiels sont profondément perturbés, à la pathologie mentale des patients se rajoute ces dysfonctionnements, ces ruptures du lien, qui peuvent induire une souffrance de l’ordre de la dépression anaclitique induisant une réification de la relation soignante.

Le rapport de l’IGAS : « Les centres médico-psychologiques de psychiatrie générale et leur place dans le parcours du patient » propose des pis-aller afin de conforter la place des CMP dans les parcours de soins, la mission formule un ensemble de recommandations, différenciées selon la densité de professionnels disponibles avec la mobilisation des psychologues cliniciens et des ressources psychiatriques privées, l’organisation de plateformes d’appui, de mutualisation et de recours à l’échelle régionale, le déploiement des téléconsultations... Il faut s’adapter à la pénurie ! Le ministère propose la création de 160 postes de psychologues pour ces 1 780 centres au cœur de la psychiatrie ambulatoire. Le rapport de la cour des comptes : « Les parcours dans l’organisation des soins en psychiatrie » épingle le parcours de soin en psychiatrie, il préconise de filtrer l’accès aux CMP et de recentrer le secteur sur les soins complexes.

Le rapport du CESE : « Améliorer le parcours de soin en psychiatrie » préconise un plan d’urgence pour la psychiatrie pour compenser un trop long sous-investissement, qu’il soit entendu !

Sur cette psychiatrie vulnérable, fragilisée, se greffe l’irruption de la pandémie de COVD 19 qui contribue à accroître encore la demande de prise en charge psychiatrique, allons-nous aussi être confrontés à une nécessité de trier les patients ? Une ère nouvelle s’ouvre devant nous, elle n’est pas très réjouissante.

Liens d’intérêt

L’auteure déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

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