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Numéro
Perspectives Psy
Volume 59, Numéro 1, janvier-mars 2020
Page(s) 94 - 95
Section Hommage
DOI https://doi.org/10.1051/ppsy/202059094
Publié en ligne 12 août 2020

Mesdames et Messieurs,

Le Conseil d’administration de la Fondation l’Élan Retrouvé, que je préside, la direction générale et médicale et les personnels de la Fondation souhaitent rendre hommage au docteur Jean de Verbizier, décédé le samedi 25 janvier 2020 dans sa quatre-vingt-seizième année. Durant plus de 30 ans, de 1962 à 1994, Jean de Verbizier occupa les fonctions de médecin-directeur du premier Hôpital de Jour psychiatrique créé en France, l’Institut de psychiatrie La Rochefoucauld, à Paris, devenu en 1992 l’Institut Paul Sivadon, puis celles de médecin-directeur des services médicaux de l’Association l’Élan Retrouvé. Il fut ensuite, de 1994 à 2016, jusqu’à la transformation de l’Association l’Élan Retrouvé en Fondation, conseiller médical du Conseil d’administration de notre institution. Jean de Verbizier a également été président de la fondation John Bost durant de nombreuses années. Il a ainsi participé directement au rayonnement des institutions sanitaires, sociales et médico-sociales du secteur privé non lucratif, du secteur privé solidaire.

Au cours de sa longue et fertile existence, Jean de Verbizier aura eu rendez-vous avec l’histoire.

Il naît en Syrie à Damas le 1er juin 1924 où son père Henri, médecin militaire, occupait les fonctions de major. La Syrie était à l’époque sous mandat de la Société des Nations, exercé par la France. Son père décède en 1925 lors d’une opération militaire pour laquelle il s’était porté volontaire.

Plus tard, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, Jean de Verbizier est confronté à l’état innommable de la psychiatrie et des malades mentaux dans notre pays. Dans l’ouvrage intitulé « Pour une psychiatrie sociale », sous le titre : « Premiers pas hors les murs - Du CTRS de Ville-Évrard à l’Élan Retrouvé », il décrira la situation au début des années 1950. Je le cite : « Avec recul, à un moment où la mémoire fait place à l’histoire, le début de ces années 1950 apparaît à la charnière de deux mondes : l’un où règne l’accablement et la misère, l’autre où s’amorcent les espoirs et les premiers pas d’une rénovation effective de la psychiatrie. En 1945, les asiles se sont en partie vidés de leur population, une population décimée par la famine. Quarante mille malades mentaux sont morts de faim et de froid, de tuberculose pendant l’Occupation. Mais très vite, dès les trois années suivantes, des malades de plus en plus nombreux refluent vers ces hôpitaux. [...] Dans les hôpitaux psychiatriques, un médecin-chef, assisté d’un ou deux internes, a le plus souvent la charge d’un service de plus de cinq cents malades. Et le nombre de psychiatres, dont la grande majorité travaille dans le cadre du service public, ne dépasse pas six cents. Lorsque, à cette époque, l’adversité survient, une famille n’a d’autres recours face au trouble mental de l’un des siens, ne pouvant le soigner à domicile, que l’admission du patient soit dans une rare et onéreuse clinique, soit à l’hôpital psychiatrique, son dénuement, son encombrement, sa violence, son désert relationnel, l’ombre de l’internement. » Fin de citation.

Ici se situe alors un rendez-vous de Jean de Verbizier avec l’histoire. Avec le professeur Paul Sivadon, dont il est le petit-neveu, et quelques autres, il va s’attacher à à expérimenter puis pérenniser une voie alternative à l’hospitalisation psychiatrique telle qu’il l’a décrite. Il va s’inscrire dans le courant de la psychothérapie institutionnelle, du soin et de l’accompagnement en milieu ouvert de personnes souffrant de troubles mentaux.

Jean de Verbizier a ainsi été un artisan actif d’une évolution majeure de la psychiatrie et de la santé mentale en France.

Attaché à la psychopathologie du travail, il crée, en 1952, avec Paul Sivadon, un lieu de rencontre, d’écoute et de conseil pour les salariés du secteur du bâtiment, puis intègre l’Association l’Élan Retrouvé devenue rapidement, sous l’égide du professeur Paul Sivadon et du docteur Claude Veil, l’épicentre d’un certain nombre d’activités étroitement articulées au monde du travail destinées aux anciens malades mentaux dans des années où l’ouverture des esprits à la présence de malades mentaux dans la cité demeure réduite. Le docteur de Verbizier y assurera, dans un premier temps, avec ses pairs, des consultations destinées aux assistantes sociales et au personnel des services sociaux des hôpitaux et des entreprises, aux médecins du travail et aux psychologues sociaux pour les ouvrir aux questions concernant la prévention des troubles mentaux et de sauvegarde de la santé mentale comme aux difficiles problèmes de la réadaptation sociale, du reclassement professionnel des anciens malades. Il accompagnera ensuite l’évolution de l’Élan Retrouvé dans l’élargissement de ses activités.

Jean de Verbizier, au travers de son humanisme, son écoute, son professionnalisme empreint d’empathie pour la personne, sa profonde gentillesse, sa pudeur, sa modestie et son élégance a marqué les esprits des patients, des usagers et de leurs familles, mais aussi de ses proches collaborateurs et des équipes dont il avait le souci permanent.

La psychiatrie sociale perd l’un de ses pionniers et ses plus grands défenseurs, la Fondation l’Élan Retrouvé perd l’un de ses fondateurs qui marqua durant des décennies son évolution et la richesse de ses pratiques. Visionnaire, Jean de Verbizier a puissamment aidé l’Élan Retrouvé à se renouveler et avancer dans le respect de ses valeurs fondatrices. Nous lui en sommes particulièrement reconnaissants.

Je souhaiterais ajouter quelques mots dans une dimension plus personnelle. Je n’oublierai jamais son accueil chaleureux lors de mes premiers pas à l’Élan Retrouvé, sa présence fidèle, discrète mais au combien féconde aux réunions du conseil d’administration de l’Élan, son enthousiasme lors de la célébration du 70e anniversaire de la création de l’Élan Retrouvé fin 2018. Je n’oublierai jamais son rayonnant sourire. Je ressens à son égard une gratitude émue.

Mesdames et messieurs, la Fondation l’Élan Retrouvé est affligée par le décès du docteur Jean de Verbizier mais sa profonde empreinte restera, c’est une certitude.

Nous partageons le chagrin de sa famille et de ses amis.


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