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Perspectives Psy
Volume 57, Numéro 4, octobre-décembre 2018
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Page(s) | 247 - 248 | |
Section | Éditorial | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ppsy/2018574247 | |
Publié en ligne | 15 avril 2019 |
Quel réel espoir pour la psychiatrie ?
What real hope for psychiatry?
Psychiatre, président de la FFP, 16, rue José-Maria De Heredia, 75007 Paris, France
Le contraste va s’aggravant depuis quelques années, entre le discours politico-médiatique sur la psychiatrie et le désarroi croissant des professionnels de santé : alors que ces derniers sont le plus souvent débordés, tant en libéral que dans les secteurs de psychiatrie adulte ou infanto-juvénile, alors que la complexité administrative s’est développée de façon exponentielle, en proportion inverse des moyens disponibles au quotidien, les attaques se sont multipliées contre les pratiques d’une psychiatrie trop facilement ringardisée ou caricaturée du fait de certains excès. Les plans et les promesses se sont succédés, mais certaines réalités ont la tête dure : le vieillissement préoccupant de la population des psychiatres (la moyenne est autour de 60 ans), la charge de travail de plus en plus pesante au fil des ans, notamment à l’hôpital où les équipes sont trop souvent incomplètes et dominées par la gestion de la pénurie, la réduction du temps disponible effectif du fait de l’inflation des réunions à finalité administrative, le manque de temps et de valorisation de l’élaboration commune dans les équipes (pourtant essentielle dans notre domaine), la demande de plus en plus importante de prise en charge de tous problèmes avec l’extension de la psychiatrie vers la santé mentale, la sédimentation au fil des ans dans les consultations d’une population assez bien fidélisée par des soins au long cours pour des pathologies de longue durée, par exemple… l’inventaire serait bien trop long, de toutes les causes d’un vécu de marasme parmi les professionnels, dont on se plait trop souvent à dénoncer les insuffisances sans jamais prendre le temps de relater la qualité de l’engagement et la pertinence du travail au quotidien. Qu’attendre aujourd’hui des promesses de « modernisation » ?
L’expérience nous a rendus quelque peu méfiants : on a bien vu comment la psychiatrie a fait les frais d’un système de financement de l’hôpital où elle a très souvent fait office de variable d’ajustement d’un système toujours au bord de la rupture, on a vu stagner depuis près de de vingt ans les tarifs de consultation libérale pour les psychiatres, on a vu et on voit encore des normes de qualité définies et brandies de façon trop souvent théorique et générale, etc.
Or, nul psychiatre ne peut ignorer que la qualité de son acte est totalement tributaire d’éléments contextuels dont il est loin d’avoir la maîtrise : motivation du patient, positionnement de l’entourage, nature et niveau des pressions exercées sur la situation, nature de l’équipement médico-social environnant, degré de disponibilité des services de tout ordre, de celle du médecin généraliste à celles des divers accompagnements souhaitables, et bien d’autres.
Il est sans doute indispensable de développer des outils permettant aux équipes comme aux praticiens de s’appuyer sur des repères solides ; il est sans doute nécessaire de trouver des solutions pour améliorer la transversalité entre les services de soins et d’accompagnement, en allant jusqu’aux domaines du travail et du logement, et la prévention est aujourd’hui comme une évidente nécessité, tant il paraît évident que prévenir vaut mieux que guérir…
Mais il nous semble qu’un facteur décisif de qualité et d’efficacité du dispositif est lié au temps accordé à la réflexion et à la parole : quelle que soit la pertinence des recommandations de bonnes pratiques, quels que soient les dispositifs de traçabilité ou de contrôle envisagés, le soin en psychiatrie reste une pratique de l’intimité psychique et de sa lecture, toujours complexe, toujours sujette à caution, toujours exigeante en termes d’engagement personnel, en termes d’adaptation à chaque situation pour chaque patient, avec ce que cela comporte de formation et d’inter-formation continues à cet esprit-là, qui est un peu l’âme de la psychiatrie.
Le seul vœu que nous pouvons soutenir est qu’un projet de modernisation se souvienne à chaque page de cette réalité.
Liens d’intérêt
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
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