Numéro |
Perspectives Psy
Volume 51, Numéro 1, janvier-mars 2012
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Page(s) | 5 - 6 | |
Section | Éditorial | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ppsy/2012511005 | |
Publié en ligne | 26 mars 2012 |
Psychanalyse en psychiatrie
Psychoanalysis in psychiatry
Professeur de Psychiatrie Infanto-Juvénile, Service Universitaire de Psychiatrie Infanto-Juvénile, CHU de Brest, Hopital de Bohars, Route de Ploudalmezeau Bohars, 29820 Brest, France
Schématiquement, très schématiquement, il y a trois manières de faire face au désaveu que paraît subir la psychanalyse dans plusieurs domaines de la psychiatrie. Une première, classique, c’est le retrait sur l’Aventin de la pureté théorique avec la certitude que c’est dans l’or des concepts que réside la valeur de la psychanalyse ; cette première manière s’accompagne généralement du constat amer qu’il n’y a rien à attendre de la psychiatrie, rien de bon en tous cas, tant elle se ridiculise à singer la science biomédicale avec la foi du charbonnier et une revendication naïve à l’objectivité et à l’indifférence. C’est donc dans la dureté des concepts et la pureté des pratiques psychanalytiques que les tenants de cette première manière envisagent le salut, quitte à se caricaturer eux-mêmes en se coupant entièrement de la psychiatrie et des psychiatres. Au point qu’il n’est pas exceptionnel que la psychanalyse devienne pour eux la première des antipsychiatries.
Peut-être plus subtile, et en tous cas plus politique dans le contexte du moment, la deuxième manière ne refuse ni la psychiatrie ni les méthodes de validation que celle-ci valorise aujourd’hui, en référence au modèle de l’Evidence Based Medicine (EBM), mais elle le fait en s’en tenant exclusivement aux techniques classiques de la psychanalyse : la cure de parole, de la cure type à la psychothérapie psychanalytique individuelle qui en serait la seule dérivée acceptable. En quête de solution pour démontrer l’efficacité de ces techniques aux yeux des décideurs et des payeurs, notamment aux États Unis et en Grande-Bretagne, c’est cette deuxième manière qui a actuellement le vent en poupe au sein de l’IPA, comme l’a montré son dernier congrès international en 2011 à Mexico.
Les textes du symposium organisé par la section Psychanalyse en psychiatrie de l’Association Mondiale de Psychiatrie1 rassemblés dans la rubrique Libre cours de ce numéro de Perspectives Psy, relèvent d’une troisième manière, sans doute plus rude car directement articulée sur les pratiques de la psychiatrie avec de vrais patients , ceux qui , pour une raison ou une autre, ne peuvent se laisser réduire aux entités « stylisées » que nous proposent le DSM-IV et les classifications qui s’en inspirent. Cette troisième manière s’inscrit dans les suites d’une tradition ancienne dans notre pays, celle qui avec les grands anciens comme Lebovici, Diatkine, Misès, Racamier et Tosquelles, Oury, Hochmann et beaucoup d’autres, s’est constamment attachée à tresser étroitement psychanalyse et psychiatrie. Dans une interaction permanente entre ces deux disciplines, cette tradition recherche des méthodes de soins et des théories pratiques permettant d’appliquer la psychanalyse aux patients psychiatriques très au-delà des indications classiques de la cure de parole et donc très au-delà de son modèle. Cette véritable épopée a, comme on le sait, laissé des traces profondes dans l’organisation de notre psychiatrie (du psychodrame à la psychothérapie institutionnelle) dont elle a largement contribué à façonner l’organisation publique (autour du secteur de psychiatrie), ce qui n’est quand même pas rien. C’est dans cette ligne que s’est inscrite la création en 2001 de la section « psychanalyse en psychiatrie » (PIP) au sein de l’Association Mondiale de Psychiatrie (WPA), afin de mettre un terme à l’absence de toute référence à la psychanalyse dans une association qui, depuis sa création, 50 ans auparavant, regroupait pourtant tous les autres courants de la psychiatrie. Prise à l’incitation de S.D. Kipman, cette initiative se fixait l’objectif de faire reconnaître par les membres de l’association internationale la plus représentative de la psychiatrie ce que la psychanalyse pouvait apporter à la psychiatrie d’aujourd’hui. Dans ce but, la section se proposait de centrer son propos non sur les différentes formes de psychothérapies analytiques, mais sur l’influence que le modèle et la théorie psychanalytiques pouvaient avoir sur des pratiques psychiatriques traditionnelles2 dans le traitement de patients présentant des troubles psychiatriques dépassant de beaucoup les indications classiques de la psychanalyse3
Adopté grâce à l’appui résolu du Pr Mezzich, président élu de la WPA, la section PIP a pu multiplier les interventions, ateliers et symposiums dans les différents congrès internationaux organisés par la WPA depuis 2001. Les textes du dossier présenté dans ce numéro de Perspectives Psy, proviennent de deux de ces actions : un symposium à Istanbul en 2006 et un symposium à Lima en 2008. Au-delà de ce que chacun de ces textes apportent sur le thème qu’ils abordent, leur ensemble illustre les formes prises par l’entreprise et témoigne de ce que cela a permis de travailler avec des psychiatres qui, souvent loin de nos bases conceptuelles, n’en sont pas moins inquiets de l’évolution de la psychiatrie dans le sens d’une réification déshumanisante et dé-subjectivante.
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