Dépathologiser et dépsychiatriser sans apsychiatriser. Le cas de la prise en charge hospitalière des demandes de réassignation sexuelle. Quel modèle professionnel ?

Depathologize and depsychiatrize without apsychiatrizing. The case of hospital care for sex reassignment requests. What professional model?

¹ Maîtresse de conférences en sociologie, psychologue clinicienne, psychanalyste, Université de Reims Champagne-Ardenne, Centre d’études et de recherche sur les emplois et les professionnalisations
² Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, Université de Reims Champagne-Ardenne, Centre d’études et de recherche sur les emplois et les professionnalisations

^* odile.piriou@univ-reims.fr
^** jerome.thomas@univ-reims.fr

Résumé

Cet article traite de la prise en charge hospitalière des demandes de réassignation sexuelle à partir d’entretiens semis-directifs auprès d’un échantillon de praticiens travaillant dans des services dédiés à cette prise en charge. Dans une incitation à la réflexivité des praticiens, il dévoile l’épistémologie professionnelle face à un phénomène social objet de vives controverses. Loin d’une démarche militante, les chercheurs tentent de saisir ce que les discours des médecins sur leur propre pratique témoignent des références à un modèle professionnel qui privilégie la nécessité de prendre en considération l’environnement. L’article décrit ainsi la manière dont les discours sur les pratiques rendent compte de la combinaison complexe entre professionnels, environnement, et patients qu’est la prise en charge des demandes de réassignation sexuelle comme réalité sociale et professionnelle. L’article focalise son attention sur la question de la dépathologisation qui ressort de cette complexité. Le processus de dépathologisation s’appuie sur divers mécanismes : la nomination des patients, la porosité des frontières et la nature exogène des causes. L’article conclut d’une part sur la résonance professionnelle d’un processus plus large d’acculturation aux normes de genre et, d’autre part, sur la subtilité d’une dépathologisation qui ne conduit pas à apsychiatriser.

Abstract

This article addresses the hospital management of requests for gender reassignment based on semi-structured interviews with a sample of practitioners working in services dedicated to this care. In an invitation to practitioner reflexivity, it reveals the professional epistemology in the face of a social phenomenon that is the subject of intense controversy. Far from a militant approach, the researchers attempt to grasp what the doctors’ discourses about their own practice reveal about references to a professional model that prioritizes the need to consider the environment. The article thus describes how discourses on practices account for the complex combination of professionals, environment, and patients in the management of requests for gender reassignment as a social and professional reality. It focuses on the question of depathologization that arises from this complexity. The process of depathologization relies on various mechanisms: the naming of patients, the porosity of boundaries, and the exogenous nature of causes. The article concludes, on the one hand, with the professional resonance of a broader process of acculturation to gender norms, and on the other hand, with the subtlety of a depathologization that does not lead to a-psychiatrization.