Philippe Mazet a occupé une place éminente en Psychiatrie de l’en fant et de l’adolescent pendant plus de quarante ans. Quatrième d’une fratrie de onze enfants, il évoquait modestement en privé qu’il était l’aîné des garçons. Il avait une force de caractère dont il a fait preuve tout au long de sa scolarité primaire à Montluçon, et se condaire au lycée privé de Moulin dont il était un brillant élève, tout en veillant au devenir et à l’évolution de ses frères et sœurs.

Il fit ses études de médecine à Paris. Ses in térêts pour la Clinique et la Psychopathologie lui firent préférer la psychiatrie à la pédiatrie. Il mena de front les deux internats de CHU des Hôpitaux de Paris et des Hôpitaux Psy chiatriques de la Seine. Il poursuivit parallè lement sa psychanalyse à la Société Psycha nalytique de Paris. Il soutint sa thèse sur les ulcères gastro-duodénaux sous la direction de Michel de M’Uzan, ce qui lui valut une mé daille d’argent.

Lorsque nous fîmes connaissance en 1965, il était déjà déterminé à s’orienter vers la pédo psychiatrie, comme je l’étais moi-même.

C’est à cette époque que je lui fis visiter le service enfants du Dr Beley au CHS de Per ray-Vaucluse où j’effectuais une année d’in ternat. Il fut intéressé par l’importance de ce service de 150 enfants et l’histoire de la créa tion du test de Binet et Simon au début du _XXe siècle.

Notre relation s’intensifiant, Philippe accepta de rejoindre le Comité de rédaction dont Ber nard Gibello était devenu le rédacteur en chef, en 1967. Nous coordonnames ensemble quelques numéros de Perspectives Psychia triques dont « Perspectives psychosomatiques en Médecine » en 1969 et un autre concernant les enfants que nous avions intitulé « Hopi tal... silence » en guise de tentative d’intro duction de l’écoute et de la parole en pédiatrie notamment, en 1971 .

Auparavant, les circonstances familiales nous rapprochant encore, je pus mesurer l’engage ment de Philippe en faveur de la séparation de la psychiatrie et de la neurologie au cours des Journées du Livre Blanc de L’Évolution Psychiatrique en 1965-1966 et 1967 aux côtés de Henri Ey, Serge Lebovici et Roger Misès. Lorsque la Psychiatrie fut enfin reconnue comme discipline, objectif visé par le Groupe de Perspectives Psychiatriques lors de sa créa tion en 1963 par Jean Cournut et Claude Le guen, nous avons eu conscience que nous al lions vivre l’épanouissement des divers cou rants et orientations en particulier pour l’enfant et l’adolescent de notre discipline.

Aussi, quel ne fut pas notre étonnement lors que Philippe et moi, fumes sollicités par Charles Brisset pour rédiger, tous les trois le chapitre de l’Encyclopédie médico-chirurgi cale sur « Neurologie et psychosomatique ». La boucle nous a semblé bouclée.

Brillant interne du Pr Didier-Jacques Duché à la Salpêtrière il y fit son clinicat puis il devint praticien hospitalier dans le même service de la célèbre chaire de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, il fut nommé Professeur des Universités en 1974.

Il fut nommé au CHU de Bobigny où il rejoint le professeur Serge Lebovici auquel il succéda jusqu’en 1998. Déjà préparé à l’approche des nourrissons et des très jeunes enfants, il inté gra cette orientation dans le cadre plus large du travail psychothérapeutique de la famille et des fratries en difficulté. Son passage dans le département de la Seine-Saint-Denis le sen sibilisa particulièrement à la violence, à la toxicomanie tant chez les jeunes mères isolées que chez les adolescents en errance.

Succédant au Professeur Michel Basquin en 1999, il put développer le prestigieux Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de la Salpêtrière fondé en 1944 par le Profes seur Georges Heuyer dont Duché et Lebovici avaient été les internes.

Nommé professeur de classe exceptionnelle en 2001, il développa les nombreux départe ments du Service parmi lesquels : psychothé rapie, orthophonie et psychomotricité donnè rent lieu à des enseignements renommés en France et à l’étranger. Fidèle à sa formation à l’ASM13, il poursuivit l’implication de son service, responsable du secteur infanto juvé nile créé par le Pr Duché.

Ses travaux de recherche sur le développe ment du nourrisson, de l’enfant, de l’adoles cent et de la famille le firent se rapprocher de la Fédération Française de Psychiatrie. Son propre laboratoire de recherche était rattaché au CNRS. Le rayonnement de ses travaux sur le plan international en Suisse, au Mexique comme j’ai pu le constater sur place, ainsi qu’au Brésil, parmi bien d’autres pays, contri buèrent au prestige de l’école française de no tre discipline.

Philippe Mazet continua sa participation à la revue Perspectives Psychiatriques jusqu’en 2011 où il rédigea un magnifique hommage au Professeur Didier Jacques Duché.

Il fit bénéficier la Fédération Française de Psychiatrie de son introduction auprès du Mi nistère de la Santé, intéressé par son engage ment sur les thèmes qu’il avait impulsés à par tir de sa présidence de la Fédé.

À partir de 1998, il fut successivement, au sein de la Fédération Française de Psychia trie : membre du jury de la conférence de consensus sur le sevrage des toxicomanies, président de la conférence de consensus sur la crise suicidaire (reconnaître et prendre en charge) en octobre 2000 sous le haut patro nage du Ministère de la Santé, président du jury de la conférence de consensus : « Consé quences des traumatismes sexuels » en sep tembre 2003, à Paris également.

Alors que sa retraite approchait, il a continué à publier plusieurs ouvrages dont le premier en date avec Didier Houzel, le célèbre Manuel de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent avait connu plusieurs rééditions.

Ouvert aux Arts, la Culture et l’Histoire, il choisit le Musée historique de l’AP-HP pour sa remise des insignes de chevalier de la Lé gion d’Honneur.

Sans oublier ses fonctions de membre de comité de rédaction de revues spécialisées, je terminerai cet éloge par le rappel de sa mo destie, de sa grande intelligence et de sa fidé lité à ses engagements auprès des collabora teurs, de ses étudiants et de ses patients.

Adieu, cher Philippe et merci au nom de la FFP et de ses anciens présidents.

© GEPPSS 2020