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Perspectives Psy
Volume 61, Numéro 4, Octobre-Décembre 2022
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Page(s) | 301 - 302 | |
Section | Éditorial | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ppsy/2022614301 | |
Publié en ligne | 4 janvier 2023 |
Searles avec Ferenczi
Searles with Ferenczi
Rédacteur en chef de Perspectives Psy. Psychologue Clinicien, Psychanalyste et Thérapeute Familial. Professeur émérite en Psychologie Clinique à l’Université de Picardie Jules Verne d’Amiens, 1, chemin du Thil, 80000 Amiens, France.
* michel.wawrzyniak@u-picardie.fr, michel.wawrzyniak@wanadoo.f
Notre revue témoigne des pratiques cliniques et aussi de recherche en psychiatrie, en s’ancrant tant dans la psychologie, la psychopathologie et la psychanalyse que dans les apports des sciences humaines et sociales, de la littérature, du cinéma et, plus largement, de toute forme de création artistique. On se souvient de ce mot de D.W. Winnicott : « S’il y a quelque chose de vrai dans ce que je dis, il se trouvera que les poètes en auront déjà parlé1.»
Les séries ont, elles aussi, fait leur entrée dans notre revue avec une analyse menée par Eric Ghozlan de En thérapie, des séries avec leurs effets si particuliers « de transe » comme les décrit Olga Tokarczuk, dans son discours de réception du prix Nobel de littérature 2018, Le tendre narrateur2.
L’évocation de cette forme nouvelle de narrativité prolonge l’éditorial de Jacques Hochmann, « A just so story », publié dans notre dernier numéro, contextualisant les liens entre la psychopathologie et les grandes narrations notamment de l’entrecroisement entre le mythe et le roman qui se retrouve dans le soin psychique : « Cette construction modifiée tout au long d’une thérapie n’est qu’une fiction romanesque mais elle lui permet de “tenir” face à une entreprise de destruction psychique qui éloigne de l’autre, aliène les protagonistes et gêne l’établissement d’une relation. » S’il « se fonde sur un certain nombre de théories générales… », le soin psychique s’ancre aussi dans une clinique des transferts, puisque, dans chaque situation clinique, le soignant se trouve impliqué et concerné.
Ainsi, les deux volets consacrés récemment à l’inceste et à la réanimation renvoient à une clinique extrême du trauma; tandis que deux autres volets consacrés aux équipes mobiles, avec leur « aller vers », manifestent un puissant souci de soins. Ils convoquent, à leurs manières, les noms et les travaux de deux praticiens majeurs de la clinique psychanalytique, Harold Searles et Sandor Ferenczi.
Le fil rouge reliant ces deux cliniciens est constitué par ce que Pierre Delaunay, dont l’ouvrage se trouve présenté complémentairement à cet éditorial, dans la rubrique d’Analyse de livres, nomme les syndromes de Searles et de Ferenczi.
Le syndrome de Ferenczi, parce que celui-ci est le premier, dans son Journal clinique3, à en faire une description remarquable. Écrit en 1932 par Ferenczi, celui-ci est traduit en France en 1985. Sandor Ferenczi ne parle que des traumatismes graves qui mettent « l’être hors de soi » ou même le fragmentent : « Les symptômes de “l’être hors de soi” (vus de l’extérieur) sont : absence de réaction du point de vue de la sensibilité, crampes musculaires généralisées (“être parti”)… Cet “être parti” n’est pas forcément un non-être, mais seulement un “ne pas être là”… Mais alors être où ? On apprend quelque chose comme ils sont partis loin dans l’univers, ils volent… là où ils sont, il n’y a pas de temps; passé, présent, futur sont présents en même temps… » (Journal clinique, 14 février 1932, p. 79). Comme le souligne Delaunay : « C’est le processus primaire » (p. 288).
On ne peut mieux décrire en quelques mots cet état que Pierre Delaunay appelle le syndrome de Ferenczi : anesthésie douloureuse, paralysie et clivage.
En ce qui concerne le syndrome de Searles, retenons ce principe qu’il énonce dans Le contre-transfert4: « Chacun a besoin de la personnalité de l’autre pour compléter la sienne. » C’est patent quand la mère fait défaut comme lieu où réaliser ce qui arrive à l’enfant et, souvent, à elle-même. Les raisons peuvent en être diverses… C’est encore plus patent quand elle fait défaut comme lieu où recevoir ce qui lui arrive. Quand, par ex. elle est sujette à un syndrome traumatique de Ferenczi : anesthésie, paralysie et clivage.
Searles nous dit que l’enfant peut alors être amené à mettre en jeu ce qu’il appelle « pulsion » ou « souci thérapeutique », c’est-à-dire de soins. Il tente de compléter l’appareil psychique défaillant de l’adulte, ou même de son entourage. Searles en définit le mouvement. Ce qu’il appelle « le thérapeute symbiotique » est « celui dont l’individuation personnelle n’est pas complètement réalisée et pour qui les relations humaines les plus significatives consistent à compléter les zones incomplètes du moi chez les autres ». Les effets de ces syndromes sur le thérapeute sont explorés dans Les quatre transferts5 de Pierre Delaunay, livre qui s’appuie, entre autres, et prolonge les deux ouvrages majeurs mentionnés plus haut. Nous renvoyons le lecteur à cette réflexion puissante déclinant, à côté du transfert direct freudien, les transferts inversé, provoqué et interne. Puisse-t-elle l’éclairer dans ses rencontres et ses pratiques de soins avec et auprès des patients plongés dans les situations extrêmes, comme celles qu’évoquent continûment nos dossiers et articles. Dans cette prise en compte de la réalité psychique des soignés et des soignants, Searles et Ferenczi sont avec nous.
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