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Perspectives Psy
Volume 59, Numéro 4, octobre-décembre 2020
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Page(s) | 403 - 406 | |
Section | Hommage | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ppsy/202059403 | |
Publié en ligne | 5 mars 2021 |
Hommages à Mony Elkaïm (7 novembre 1941-20 novembre 2020)
Tributes to Mony Elkaïm (1941-2020)
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Directrice de la formation Institut d’Études de la famille et des Systèmes Humains Bruxelles, Belgique
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Professeur émérite en psychopathologie clinique à l’UPJV, Rédacteur en chef de Perspectives Psy
3
Psychologue
4
Psychiatre
5
Médecin
Chers amis et collègues J’ai la profonde tristesse de vous annoncer le décès de Mony Elkaïm, qui nous a quittés ce vendredi 20 novembre, à Bruxelles, après un long combat contre la maladie.
À tous ceux qui l’ont connu, Mony laisse le souvenir d’un être au charisme exceptionnel, d’un théoricien brillant, d’un thérapeute hors du commun à l’intelligence et aux intuitions prodigieuses, d’un pionnier de la thérapie familiale qu’il a contribué à introduire en Europe.
Après une formation en neuropsychiatrie à l’Université Libre de Bruxelles et un séjour aux États-Unis, il créa en 1979 à Bruxelles l’Institut d’Études de la Famille et des Systèmes Humains avec lequel il organisa les premiers grands congrès de thérapie familiale en Europe en 1981, 1983,1986 et 1989, auxquels furent invités les pionniers américains et européens de la thérapie familiale ainsi que les représentants de l’antipsychiatrie (dont il avait coordonné le réseau dans les années 1970). Ces congrès servirent de modèles à ceux organisés ensuite par EFTA. Après avoir coordonné (avec Maurizio Andolfi) le réseau européen des thérapeutes familiaux, il a été à l’origine de la fondation d’EFTA qu’il a présidée pendant de nombreuses années jusqu’à ce que, lors de la subdivision d’EFTA en 3 chambres, il préside celle des Instituts de Formation (EFTA-Tic). Mony a toujours été soucieux de défendre le statut des thérapeutes familiaux européens.
Il avait également créé en 1979 la première revue de thérapie familiale francophone - les Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux - qui publiait aussi bien des traductions des textes américains des pionniers de notre champ que des articles témoignant du développement de ces pratiques dans les différents pays européens.
Mony Elkaïm était un formateur hors pair, stimulant le déploiement de la sensibilité et des compétences des très nombreux thérapeutes qu’il a formés et supervisés à travers le monde, pratiquant avec nous, pauvres psys balbutiants, une maïeutique brillantissime qui nous faisait croire parfois que c’était nous qui avions trouvé la solution pour sortir de l’impasse où l’on se trouvait avec nos patients.
Il était un homme constamment en marche - à l’image d’une sculpture bien connue de Giacometti - nous transmettant ses connaissances et questions et son humanité, en marchant en long et en large devant les regards émerveillés qui tentaient de le suivre de gauche à droite tout en prenant des notes.
À nous de continuer à transmettre ce qu’il nous a apporté.
Édith Goldbeter
Directrice de la formation Institut d’Études de la famille et des Systèmes Humains Bruxelles, Belgique
Hommage à Mony
Nous sommes très nombreux à partager la douleur du décès de Mony Elkaïm. Nous sommes aussi très nombreux à être heureux de l’avoir connu, d’avoir travaillé avec lui, d’avoir été formés par lui, nous, ses élèves et amis, qui avons sans trêve été impressionnés par son esprit, sa créativité et sa générosité. C’est un bébé et sa mère insomniaque(s), reçus dans une consultation de pédopsychiatrie, qui m’ont fait me tourner vers une formation aux approches systémiques et aux thérapies familiales. Mony m’a accueilli dans son groupe de formation parisien où, pendant quatre années, nous étions initiés à un regard nouveau, à des manières de faire nouvelles. Comment s’y prenait-il, Mony, lui le neuropsychiatre, à recourir si rarement à la nosographie psychiatrique en mettant à chaque fois l’accent sur les raisons et sur la construction du monde de chacun.
Il y avait quelque chose d’Ericksonien dans les supervisions qu’il menait et qui nous entraînaient, à chaque fois, dans un malstrom vertigineux et finalement résolutoire. Ce souffle dans sa relation à l’autre était toujours capitonné aux plus hautes exigences éthiques. Pour être entraîné dans pareille magie, valait-il mieux être passé préalablement par un travail psychanalytique avant de s’engager ainsi dans une formation avec Mony ? C’est une question que nous nous sommes souvent posée. La lecture des transferts et celle de leur généalogie s’articulait, dans cette formation, avec celle de la résonance qui élargit les premiers avec la question posée par l’exploration de celle-ci : « à quoi cela sert-il à ce patient que je vive ce que je vis dans cette situation ? ». Pareil questionnement nous aura systématiquement servi de boussole dans la complexité des situations familiales ou des constellations familiales que nous recevions.
Lui qui a « défamilialisé » la thérapie familiale, a su créer des groupes de formation dans lesquels le sentiment d’appartenance était puissant en faisant advenir chez ses élèves des liens fraternels nouveaux et très durables : Compagneros.
Il a su créer, avec une puissance d’esprit et une chaleur humaine rayonnante, des moments de puissante convergence au travers des nombreux congrès nationaux, internationaux et de sessions de formation qu’il a animés (ces heures ferventes passées dans le Palais des Papes en Avignon...). Avec Elkaïm Formations, Mony nous a fait mettre en place une formation à Amiens, en 2008, qui a abouti, entre autres, à la création d’une unité fonctionnelle de thérapie familiale faisant converger dans un regard et une pratique systémiques différentes équipes de pédopsychiatrie et de psychiatrie adulte. Puis, dans la foulée de cette première séquence de formation (2008-2013), se sont mis en place deux Diplômes d’Université à l’Université de Picardie Jules Verne (UPJV), d’Approches et d’Interventions Systémiques pour le premier et de Thérapie Familiale Systémique pour le suivant, diplômes qui ont constitué de formidables matrices de formation et de brassages interprofessionnels dans les Hauts-de-France. Deux expériences de formation qui ont profité des enseignements et des expertises d’Édith Goldbeter, Gérard Schmit, Silke Schauder, Sokhna Fall, Nathalie Duriez, Régine Scelles, Laure Zeltner...
Mony est parti, son esprit est là. Profonde gratitude.
Michel Wawrzyniak
Professeur émérite en psychopathologie clinique àl’UPJV Rédacteur en chef de Perspectives Psy
Hommage à Mony Elkaïm
Lorsque nous avons, au centre Métaphore1, appris le décès de Mony Elkaïm, nous nous sommes adressé des messages, les uns aux autres... Certains d’entre nous, ceux qui ne l’ont que peu ou pas directement connu, ont même été étonnés de l’effet que sa disparition a suscité chez eux, jusqu’à désirer témoigner de cette singulière expérience...
Voici donc, en guise d’hommage, quelques mots des thérapeutes familiaux de Métaphore... Après les émotions paradoxales, émotions vécues comme un moment suspendu, voici le moment des mots... Comment commencer ce petit mot en hommage à ce grand thérapeute ? Comment parler de cet homme qui m’est inconnu personnellement mais qui m’est si familier car ses écrits et sa voix entendues lors de vidéos m’accompagnent presque tous les jours depuis plusieurs mois ?... En effet, tel un navigateur chevronné et admiré, tant par sa prestance unique que par son intelligence, il inspire et entoure dans le monde merveilleux des thérapies. Ses brillantes transmissions orientent et donnent un cap pour nous permettre d’arriver jusqu’aux cartes du monde. Tels les chants des sirènes, la résonance demande à être entendue sans y succomber afin que l’équipage puisse continuer son voyage systémique. Le majestueux Mony Elkaïm tire sa révérence. Il emporte avec lui mon projet de le rencontrer et de lui dire beaucoup. Il semble laisser le monde des familles (thérapeutes et tous les autres aussi) continuer d’autres aventures et explorations, sans lui, mais aussi, avec lui, car aidé de tous les outils qu’il nous a laissés avec beaucoup de générosité... Merci Monsieur Mony Elkaïm ! »
Géraldine Bonniot
Psychologue
Fin janvier 2019. Vous intervenez à un colloque sur la thérapie de couple, à Marseille. C’est la première fois que j’assiste à une conférence de vous, après avoir lu et relu Si tu m’aimes, ne m’aime pas. Vous évoquez quelque chose... qui m’apparaît dans un premier temps un peu étrange... j’écoute... je suis intrigué... Vous parlez d’esthétique... de votre amour pour l’art... et vous évoquez « l’enjeu esthético-éthique » du soin... voir ce que les gens font de beau... s’en émouvoir... faire d’eux nos maîtres... une petite fenêtre s’ouvre. Vous animez une consultation, sur scène. Je souris. Quel beau métier faisons-nous... Vous êtes de ceux qui me l’ont, de différentes façons, montré et, parfois, rappelé... et pour cela... merci.
Brice Martin
Psychiatre
Ma première rencontre avec le personnage de Mony Elkaïm fut en Avignon, au Palais des Papes, fin avril 2010. Je me souviens d’avoir été impressionnée par le talent, touchée par la sincérité, surprise par l’apparente simplicité de ce qui caractérisait le style Elkaïm. Je me souviens surtout de son épuisement après, le souffle court et la sueur du showman en coulisses. La fluidité et la légèreté de sa prestation ne laissaient rien paraître de l’intensité de l’exercice. Car ce n’était pas feint, il fallait entrer en résonance avec une grande salle pour inviter une personne à ce voyage. Et c’est l’image d’un artiste qui me vient toujours quand je pense à lui, un des piliers du grand chapiteau. Ma tristesse à l’annonce de son décès m’a attrapée par surprise. Il était aussi le gardien vivant du parcours théorique de la pensée systémique, avec son célèbre panorama, comme s’il pouvait tenir dans ses bras et donner cohérence à cet ensemble, tout en le transmettant, sans cesse renouvelé et animé. Le chapiteau est en deuil mais conserve sa joie en essence et le mouvement libre et léger inspiré par cette personnalité hors du commun.
Séverine Antin
Psychologue
Je crois que nous sommes en 1998, je suis assise sur un banc de l’amphi Barrat de l’IRTS de Montpellier... vous apparaissez.
Votre bonhomie est évidente et saute aux yeux. J’ai rapidement envie de vous connaître mieux.
Vous prenez toute la scène et en quelques minutes le décor a disparu pour en créer un autre. Toute l’attention est vers vous.
Parfois, au bord du rire, votre voix se fait plus aiguë comme pour nous inviter à vous rejoindre.
Vous maniez l’humour et le bon mot... les émotions sont rapidement mises en vibration, vous êtes impressionnant de précision.
Vous jouez et les gens jouent avec vous. Étrangement, il semble que vous parlez de ce que je connais, vous parlez de ce que je ressens.
Étrangement, vous parlez de ma famille, et de moi dans ma famille...
Étrangement, alors que je suis invisible dans la masse de l’amphi c’est à mes tripes, mon foyer émotionnel que vos mots s’adressent. On dirait que vous me parlez, que vous me comprenez.
Par le jeu de votre danse improvisée sous nos yeux à tous, vous bluffez, dérangez, faites rire, charmez, gênez... vous ne laissez pas indifférent...
Un peu plus de 20 ans se sont écoulés depuis le jour de cette rencontre.
Je vous ai revu plusieurs fois.
Je vous ai lu et relu.
À nouveau, chaque fois, vous m’avez fait rire et sentir, vous m’avez émue, appris, transmis. Les traces de cette rencontre originelle ont sensiblement évolué, le dessin s’est fait plus précis et il reste heureusement imparfait. Merci Monsieur Elkaïm.
J’ai une profonde estime pour ce que vous m’avez donné sans même le savoir.
Je continuerai de chérir notre relation inconnue de vous, mais si chère à la personne que j’espère devenir un peu plus chaque jour quand des familles viennent, je l’espère, m’apprendre mon métier. Merci.
Isabelle Perri
Psychologue
Un géant est parti sur la pointe des pieds habiter le grand vide de sa belle présence...
Il a posé en moi avec légèreté, le livre grand ouvert du chant des résonances...
Cadeau qui nous relie, il accompagne maintenant mon chemin vers le sens D’un malicieux regard, avec sa pétillance, au- delà du langage il a noué un fil...
Un vent de gratitude souffle sur les feuilles du temps...
Merci, Monsieur Elkaïm.
Denis Félus
Médecin
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