Philippe Mazet nous a quittés le 12 juillet 2020 après une vie consacrée à la Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, dont il a certainement été l’un de ceux qui l’ont aidée à passer d’une époque trop exclusivement psychanalytique à une vision plus éclectique, nourrie d’un dialogue fécond entre les différentes approches. Il a été aussi l’un de ceux qui ont toujours défendu la Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent et le dialogue avec la psychiatrie générale, comme le raconte très bien Jacques Fortineau lorsqu’il reprend le rôle éminent de Philippe Mazet au sein de la Fédération française de psychiatrie (voir l’hommage de J. Fortineau, page 310 de ce numéro). Ce n’est probablement pas pour rien qu’il s’intéressera tout particulièrement aux parents, aux effets sur le développement des interactions précoces, et des vicissitudes environnementales.

Comme chercheur clinicien, il a prolongé les concepts d’interactions fantasmatiques, de transmission intergénérationnelle, et d’empathie métaphorisante proposés par Serge Lebovici, en intégrant les apports plus directs de l’observation du bébé à partir des travaux sur l’attachement de John Bowlby et de ses propres recherches sur la dépression maternelle, faites en collaboration avec Serge Lebovici, mais également sur la mort subite du nourrisson. Il s’est aussi beaucoup intéressé aux conséquences de la maltraitance infantile, pas seulement de la maltraitance physique mais également des abus sexuels et de la négligence, à la suite des travaux d’Ed. Tronik. Il insistait souvent sur les conséquences dramatiques chez l’enfant en termes de sentiment de dévalorisation, d’humiliation, de déni de l’intersubjectivité et au final du déni du vécu de l’autre.

Il a bien sûr prolongé en tant qu’enseignant cette position spécifique prise au sein de la discipline à travers plusieurs Diplômes Universitaires dont certains très novateurs (par exemple DU sur la psychopathologie du bébé avec Serge Lebovici ou le DU sur l’accompagnement des personnes atteintes de maladies génétiques et de leur famille avec Marcela Gargiulo, Alexandra Durr et Martine Frichman).

Personnellement je l’ai connu lorsqu’il est revenu à la Salpêtrière en 1999 en tant que chef de service. Philippe Mazet s’est toujours reconnu une double filiation, celle de DidierJacques Duché avec qui il a débuté sa carrière à l’hôpital de la Salpêtrière, auprès entre autres de Michel Basquin, Michel Dugas et Bernard Gibello, pour ne citer que certains d’entre eux. Et celle de Serge Lebovici qu’il a rejoint en 1985 à l’hôpital Avicenne pour prendre assez rapidement sa suite. C’est avec lui qu’il a été un pionnier de la psychiatrie périnatale en France. Élève de Michel Basquin, il m’a « récupéré » avec les meubles et assez rapidement adopté. J’ai découvert audelà du clinicien, du chercheur et de l’enseignant engagé, un homme d’une grande culture, d’une profonde ouverture à l’autre et aux idées à partir du moment où l’on savait présenter les choses avec précisions et simplicité. Il m’a fait découvrir et initier à la clinique du tout petit que je ne connaissais que de très loin. Il n’aimait pas les fioritures inutiles, les effets de langage et voulait transmettre que, si la psychopathologie pouvait être complexe, elle devait être explicitée en terme simple autant que faire se peut. J’ai personnellement beaucoup apprécié chez lui cette rigueur intellectuelle, sa curiosité et son soutien aux projets les plus divers à partir du moment où il les reconnaissait pertinents. Je lui suis aussi profondément redevable pour avoir accepté de rester pendant des années après sa retraite à ma demande pour poursuivre ses enseignements et ses DU tant appréciés. Il m’a permis en tant que jeune chef de service d’être pendant un temps un peu moins submergé. C’est toute l’équipe de la Salpêtrière à travers moi qui lui est reconnaissante.

À l’ami

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