Numéro |
Perspectives Psy
Volume 59, Numéro 3, juillet-septembre 2020
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Page(s) | 248 - 255 | |
Section | Dépression et conduites suicidaires à l’adolescence (2) | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ppsy/2020593248 | |
Publié en ligne | 21 décembre 2020 |
Le plan de sécurité : un outil pour la prévention des récidives suicidaires
L’expérience amiénoise avec les adolescents1
The safety plan: a tool for preventing the recurrence of suicidal behaviors, the Amiens experience with adolescents
1
Service de Psychopathologie de l’Enfant et de l’Adolescent, CHU Amiens Picardie, France Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Université Picardie Jules Verne, Amiens (France). Professeur associé de psychiatrie, Université McGill, Montréal (Canada). 1 rond-point du Pr Christian Cabrol, 80000 Amiens, France
2
Pôle de pédopsychiatrie, EPSM de la Somme – CHPP Amiens, France
3
Université du Québec à Montréal, Montréal, Canada
4
Intersecteur de psychiatrie infanto-juvénile, CH Abbeville, France
5
Pôle de pédopsychiatrie, CHU-CH du Rouvray, Rouen, France
6
Université de Montréal, Montréal, Canada
* guile.jean-marc@chu-amiens.fr
Une intervention psychothérapeutique protocolisée a été mise au point par Stanley et associés pour aider à prévenir de futurs comportements suicidaires chez les personnes qui ont déjà fait une tentative de suicide. Le plan de sécurité (PS) fournit aux suicidants une planification écrite, personnalisée, étape par étape, des stratégies de protection et d’adaptation (coping) à mettre en œuvre en cas de crise suicidaire. Le PS comprend six éléments informatifs : (1) les signes avant-coureurs liés à une augmentation des impulsions suicidaires; (2) les stratégies d’adaptation internes que l’individu est capable de mettre en œuvre par lui-même; (3) les stratégies d’adaptation à mettre en œuvre avec le soutien d’amis et de parents; (4) les moyens qu’il/elle peut employer pour contacter les personnes significatives au sein de son réseau de soutien social; (5) les professionnels de la santé mentale et les services d’assistance téléphonique à éventuellement contacter en cas d’urgence suicidaire; et (6) les stratégies pour obtenir un environnement plus sûr au domicile. Les PS sont élaborés avec les suicidants au décours de la crise suicidaire. Les suicidants sont encouragés à partager le SP avec un proche de leur réseau de soutien. Ceci est obligatoire avec un suicidant mineur. Le parent ou le responsable légal doit être impliqué dans la préparation et le suivi du PS. Afin d’évaluer en permanence le risque suicidaire de l’individu, les PS sont revus tout au long du suivi thérapeutique. Le SP est une brève intervention, facile à mettre en œuvre à la suite d’une tentative de suicide. On dispose de résultats de recherche prometteurs concernant son efficacité dans la prévention des récidives de conduites auto-agressives.
Abstract
A manualized psychotherapeutic intervention has been developed by Stanley and associates to help prevent future suicidal behaviors in individuals who displayed a previous suicidal attempt. The safety plan (SP) provides suicidal attempters with a written, personalized, step-by-step planning of protective and coping approaches to be implemented in the event of a suicidal crisis. The safety plan encompasses six informative components: (1) warning signs related to an increase in suicidal urges; (2) internal coping strategies that the individual is able to self-implement; (3) coping strategies to be implemented with the support of friends and relatives; (4) means for contacting significant others within the individual’s social support network; (5) mental health professionals and hotline services to be eventually contacted in case of a suicidal emergency; and (6) strategies for providing a safer environment. SPs are elaborated with the suicidal individual in the aftermath of the suicidal crisis. Suicidal individuals are encouraged to share the SP with a close support person. With youths, this is mandatory. The parent or legal guardian has to be involved in the SP’s preparation and monitoring. In order to continuously assess the individual’s suicidal risk, SPs are reviewed throughout the therapeutic follow-up. The SP is a brief easy-to-implement intervention taking place in the aftermath of a suicidal attempt, with promising data on its efficiency in preventing later self-injurious behaviors.
Mots clés : thérapie cognitivo-comportementale / suicide / suicide prevention du suicide / adolescent
Key words: cognitive behavioral therapy / suicide / suicide prevention / adolescent
© GEPPSS 2020
Agir au décours d’une tentative de suicide demeure un défi d’accès aux soins dans un délai approprié et de prise en charge efficiente (Garny de la Rivière & Guilé, 2016).
L’expérience clinique ainsi que de nombreuses études, tant chez l’adulte (Vaiva et al., 2020) que chez les mineurs (Benarous, Guedj, Garny de la Rivière, Guilé, & Périsse, 2019; Mirkovic et al., 2014), ont montré depuis longtemps que la reprise de contact avec le patient, dans le mois qui suit la tentative de suicide, avait un effet protecteur sur la récidive suicidaire. Excellente en soi et simple à mettre en place, cette approche isolée ne permet toutefois pas d’augmenter les compétences adaptatives du patient suicidant et d’une certaine façon, risque de maintenir sa dépendance et son attente à l’égard de l’intervention professionnelle. Habituellement exercée sous la forme d’un rappel téléphonique, le re-contact peut s’avérer peu adapté aux modes de communication adolescents quand il est effectué par d’autres modalités de rappel (par ex. postal). Des modalités de rappel ou de maintien de contact par internet et objets connectés sont expérimentées dans le cadre des actions ou des recherches en télépsychiatrie.
Lorsqu’il est destiné à un mineur suicidant, le rappel téléphonique est non seulement dépendant des moyens de communication et de connexion avec le suicidant, mais également des moyens de rejoindre le parent. En effet, hors le cas d’urgence vitale immédiate, le cadre de la prise en charge des conduites suicidaires du mineur, impose de recueillir préalablement l’accord parental. De plus, il est préférable de prévoir un accès aux parents si au terme de l’entretien de rappel, un risque suicidaire significatif était constaté et consécutivement un entretien parental nécessaire. Au vu de ces contraintes, il est pertinent de proposer une intervention brève à visée de prévention de la récidive, et de la conduire au décours de la tentative de suicide et avant la sortie de la structure de soins.
Or, au sein du courant des thérapies cognitivo-comportementales (TCC) développé à l’Université Columbia de New York, Stanley and Brown (2012) ont expérimenté depuis les années 2006 un module de prévention du risque suicidaire intitulé plan de sécurité (safety plan ou safety planning intervention). Conduit initialement auprès d’anciens combattants, cette intervention brève a ensuite été adaptée aux adolescents et aux contraintes horaires des salles d’urgence. Il apparaît particulièrement adapté en réponse à la crise suicidaire en s’appuyant sur les facteurs de protection pour contrer la survenue des conduites suicidaires. Nous présenterons brièvement ces deux notions avant de détailler le développement, le contenu et la mise en pratique du plan de sécurité.
La crise suicidaire
Le travail de clarification terminologique mené par la même équipe de l’Université Columbia de New York (Posner et al., 2011) a conduit à identifier, au sein du continuum des conduites suicidaires, plusieurs manifestations associées à l’intention de mourir : 1) idéation suicidaire, passive ou active, 2) tentative de suicide, avortée (cessée par le sujet lui-même), interrompue (par l’intervention d’un tiers) ou menée à terme et non létale, 3) suicide accompli (completed suicide) et à les distinguer des conduites auto-agressives non suicidaires. Ces manifestations apparaissent, non pas comme des évènements isolés, mais comme une succession de signes et symptômes de souffrance psychique au sein d’un processus appelé crise suicidaire. La crise suicidaire survient en réaction à une situation ressentie comme stressante et source d’anxiété. La crise va progresser entraînant l’augmentation de l’anxiété, suscitant un sentiment envahissant de ne pouvoir échapper à la situation et conduisant graduellement le suicidant à n’entrevoir aucune autre solution que le suicide. Chez l’enfant et l’adolescent, sensible au cours de son développement aux variations émotionnelles de son environnement, la progression symptomatique de la crise suicidaire n’est pas linéaire, mais au contraire susceptible d’être marquée par des éclipses de l’idéation suicidaire. Sa durée est très variable, très brève et précédent un geste suicidaire apparaissant comme impulsif et inexplicable au sujet lui-même, ou bien étalée sur plusieurs jours, amenant à rechercher les composantes de suicidalité très en amont de la consultation pour un geste auto-agressif pouvant apparaître à première vue comme non suicidaire. Chez le mineur suicidant, les manifestations de la souffrance suicidaire sont polymorphes et éventuellement masquées par d’autres agirs pathologiques (voir : Benarous et al., 2019).
Le déclenchement, la progression et l’intensité de la crise suicidaire dépendent du contexte stressant de survenue et d’un ensemble de facteurs, risque et protection, venant moduler la réponse au stress.
Les facteurs de protection
Si les facteurs de risque associés aux conduites suicidaires sont bien connus, et en tout premier lieu la présence d’un syndrome dépressif et l’accès aux moyens létaux, les facteurs de protection sont moins repérés et travaillés par les cliniciens français. Outre les facteurs perpétuants, les facteurs de risque se répartissent en deux catégories :
la vulnérabilité ou facteur(s) de risque prédisposant(s);
la situation de risque ou facteur(s) de risque précipitant(s) (Knafo et al., 2012).
En mettant en lumière le rôle joué par les facteurs de protection dans l’évolution de la crise suicidaire, plusieurs cliniciens chercheurs ont renouvelé le regard clinique porté sur les conduites suicidaires et leur prise en charge (J.J. Breton et al., 2015; Knafo et al., 2012). Les facteurs de protection ne sont pas l’inverse des facteurs de risque, mais bien des déterminants à part entière qui viennent modérer la réaction psychique négative aux situations stressantes. D’un point de vue psychopathologique général, les facteurs de protection viennent influencer, modifier ou améliorer la façon dont un individu réagit à l’adversité de son environnement qui le met à risque de développer des troubles psychiques (Afifi & Macmillan, 2011). Ces facteurs de protection constituent ou renforcent la résilience de l’individu aux expériences de vie négatives et stressantes.
Facteurs de risque et de protection interagissent dans l’émergence des conduites suicidaires. Si les facteurs de risque, comme par exemple l’usage de substances et d’alcool, viennent aggraver la crise et le risque suicidaire, les facteurs de protection, comme les stratégies d’adaptation (coping) (Mirkovic et al., 2015) ou les raisons de vivre (Garny de La Rivière et al., 2020) vont au contraire atténuer la crise et le risque suicidaire. Dans une perspective intégrative, on conçoit le risque de dépression et de conduites suicidaires comme une résultante de l’interaction entre facteurs de risque et facteurs de protection au cours des étapes successives du fonctionnement psychique en situation stressante, étapes qui composent la crise suicidaire.
Le développement du plan de sécurité
Le plan de sécurité a été développé sous la direction du Pr Barbara Stanley, une universitaire de l’Université Columbia (New York, USA) appartenant à l’équipe qui a construit l’échelle SSRS d’évaluation de la sévérité des conduites suicidaires (Posner et al., 2011) utilisée en soins courants pour les conduites suicidaires chez les adultes comme chez les mineurs. Originellement développé dans le cadre des TCC de 3e génération auprès de suicidants adultes soignés dans les structures pour anciens combattants, le plan de sécurité (safety planning intervention) apparaît en 2012 à la fois dans son contenu actuel et comme une intervention en soi (Stanley & Brown, 2012). Le plan de sécurité est identifié comme meilleure intervention autonome par le Centre Ressources en Prévention du Suicide (American Foundation for Suicide Prevention Best Practices Registry for Suicide Prevention). Une étude d’efficacité a été conduite chez les adultes, avec répartition au hasard entre le groupe de suicidants avec plan de sécurité (n = 1 186) et le groupe témoin (n = 454) recevant la prise en charge usuelle (Stanley et al., 2018). Les participants étaient contactés au moins deux fois pour évaluer le risque suicidaire et réviser le plan de sécurité. En comparaison de ceux recevant les soins habituels, les suicidants du groupe avec plan de sécurité présentaient un engagement plus important en thérapie et un risque de récidive suicidaire réduit de moitié (odds ratio, 0,56; IC à 95%, 0,33-0,95, p = 0,03).
Sans assurance de revoir le patient suicidant après un court passage en situation de crise dans une ressource de soins (par ex. urgences d’un hôpital général), l’objectif est de disposer d’une intervention brève à visée préventive et adaptée aux contraintes de temps du dispositif de soins. En conséquence, diverses adaptations visant à réduire la durée d’administration ont été explorées : dispensation en salle d’urgences, hotline des centres de crise (Labouliere, Stanley, Lake, & Gould, 2020). Dans ce même esprit, d’efficience mais aussi de permanence et continuité des soins, ont été développées des modalités de mise en pratique et de monitoring conjoint patient-thérapeute du plan de sécurité en télépsychiatrie (Melvin et al., 2019). Une application nommée MYPLAN, fruit d’une collaboration dano-australienne, a été également développée et actuellement disponible en anglais, danois et norvégien pour Android et iPhone (Buus et al., 2019).
Enfin, plus récemment, une psychothérapie de groupe de type plan de sécurité, étalée sur 10 séances et dénommée « Project Life Force », a été élaborée pour les adultes. Les premiers résultats de l’études pilote indiquent une faisabilité et une acceptabilité élevées, ainsi qu’une diminution statistiquement significative des pensées et comportements de dépression et désespoir (Goodman et al., 2020).
Initialement développé et proposé aux adultes, le plan de sécurité a été très rapidement adapté aux adolescents (Stanley et al., 2009) en collaboration avec David Brent, un expert du suicide de l’adolescent. Le plan de sécurité est intégré comme un module dans l’étude TASA (Treatment of Adolescent Suicide Attempters), une étude d’efficacité d’une thérapie cognitivo-comportementale (Vitiello et al., 2009). L’étude sans tirage au sort menée chez des adolescents suicidants (n = 124 compare trois conditions de traitement : (1) seulement TCC-PS (thérapie cognitivo-comportementale incluant un plan de de sécurité); (2) pharmacothérapie seule; ou (3) combinaison de TCC-PS et pharmacothérapie. Les trois quarts des participants ont choisi la prise en charge combinant TCC-PS et pharmacothérapie. La diminution significative de l’idéation suicidaire et du score global de symptômes dépressifs à la CDRS, amenaient les auteurs à conclure que lorsqu’ils sont traités avec une combinaison de médicaments et de psychothérapie, les adolescents dépressifs qui ont récemment tenté de se suicider présentent des taux d’amélioration et de rémission de la dépression qui semblent comparables à ceux observés chez les adolescents dépressifs non suicidaires.
Le plan de sécurité a été adapté en 2016 aux adolescents francophones par l’équipe de la clinique des troubles de l’humeur de l’hôpital Rivière des Prairies de Montréal dirigé par le Dr Jean-Jacques Breton (J.J. Breton et al., 2016; Raymond, Abadie, Breton, & Balan, 2016). Une version pour adolescent avec une composante motivationnelle a ensuite été publiée en 2019 (Czyz, King, & Biermann, 2019). Enfin, à l’instar des plans de sécurité pour les adultes, des versions numériques connectées ont été très tôt développées (Labelle, Bibaud-De Serres, & Leblanc, 2013). L’équipe amiénoise, formée par Pr B. Stanley, a mis en pratique le plan de sécurité chez les adolescents suicidants, dans le cadre des prises en charge post urgences et des traitements spécialisés pour les troubles de personnalité limite, notamment la psychothérapie comportementaledialectique pour adolescents (TCD-A) (Garny De La Rivière et al., 2017). Actuellement, une reflexion est menée pour mieux associer les parents au monitoring du plan de sécurité. Dans ce contexte, une approche groupale pourrait être mise en place à titre pilote. Depuis 2016, l’équipe amiénoise (Dr de La Rivière, Pr Guilé), en collaboration avec le Pr Labelle (Montréal) dans le cadre du réseau franco-canadien d’étude des psychopathologies associées aux conduites suicidaires de l’adolescent, propose une formation modulaire à la pratique de la TCD-A avec supervisions individuelles. Enfin, un PHRC multicentrique (SécuriPlan) est actuellement en cours de recrutement pour évaluer l’efficacité du plan de sécurité dans la prévention de la récidive suicidaire chez l’adolescent, en tenant compte du sexe, du niveau de symptômes dépressifs et de traits de personnalité borderline.
Objectifs, contenu et administration du plan de sécurité
Les objectifs du plan de sécurité sont les suivants : 1) offrir une intervention immédiate lorsque l’adhésion au suivi externe n’est pas garantie, 2) réduire le risque de récidive suicidaire et 3) augmenter les capacités d’autocontrôle et d’autonomie du sujet en vue de mettre en place les stratégies d’adaptation (coping) appropriées et efficaces pour réduire la fréquence et l’intensité des conduites autoagressives en réponse aux situactions stressantes. Cet outil combine au moins trois stratégies préventives : 1) la planification cognitive (résolution de problèmes, identification des signaux d’alerte et d’aggravation d’une crise suicidaire imminente et stratégies d’autogestion); 2) encouragement à contacter les pairs et les professionnels (soutien social et soutien professionnel en cas de crise); et 3) encouragement à limiter l’accès aux moyens létaux (Buus et al., 2019; Stanley & Brown, 2012).
Le plan de sécurité comprend les composantes suivantes qui correspondent à des étapes d’un plan d’action et de prévention. Elles sont élaborées avec le thérapeute lors d’un entretien individuel :
1. Identification des signaux d’alarme associés à une aggravation de la crise suicidaire
Les signaux et étapes clés du déclenchement et de la progression de la crise suicidaire (événements, actions, sensations corporelles, émotions, cognitions) sont identifiés lors d’un retour rétrospectif sur les étapes de la crise anxieuse ayant conduit à la tentative de suicide. Avec l’aide du thérapeute, grâce à une analyse fonctionnelle ou analyse en chaîne (chain analysis) le sujet suicidant est appelé à décrire, sous forme d’un récit ou d’un scénario de film, les différentes étapes de la crise, leur enchaînement et leurs liens.
2. Stratégies internes d’adaptation (coping)
Les suicidants disposent d’un registre de stratégies d’adaptation (coping) plus restreint que celui des individus non affectés par les conduites suicidaires (Mishara, 2020). Une seconde partie de l’entretien est consacrée au repérage des stratégies que le sujet utilise spontanément pour réduire la tension anxieuse et l’idéation suicidaire, ainsi qu’à l’identification d’autres stratégies, à portée d’action du sujet suicidaire, visant à réduire le risque suicidaire et distraire le sujet de la situation stressante. Il est profitable de s’appuyer sur des auto-questionnaires de coping (Knafo et al., 2012; Mirkovic et al., 2015) afin de guider par cette médiation le sujet dans son repérage des stratégies d’adaptation.
3. Stratégies d’adaptation mises en place avec l’aide d’un tiers
Il s’agit d’activités sociales qui peuvent être réalisées par le sujet suicidant en se joignant à des activités conduites par des personnes de son entourage. À cette étape, le suicidant est libre de partager ou non ses idées suicidaires avec ses proches.
4. Réseau social susceptible d’apporter de l’aide sur des fenêtres temporelles bien identifiées
Le sujet suicidant choisit parmi les personnes composant son réseau social de proximité, celles qu’il/elle pourrait réalistement solliciter pour lui apporter un soutien actif, si la mise en œuvre des stratégies de coping précédemment décrites n’a pas entraîné de réduction significative de l’idéation suicidaire. Il est important de s’assurer du consentement de ces personnes et de leur disponibilité. Lorsque le sujet contacte les personnes de son entourage à cette étape, il peut partager ses pensées et sentiments négatifs relatifs au suicide.
5. Ressources professionnelles pouvant être sollicitées
Ceci comprend les intervenants impliqués dans la prise en charge médicale et psychosociale (coordonnées et heures de travail) ainsi que les structures d’urgence et lignes d’écoute 24/24 h, une telle ressource ultime et ouverte en permanence est à identifier et noter dans le plan de sécurité. Ce dernier, avec une planification par étapes pour lutter contre les idées suicidaires, devient un outil de communication et un plan de traitement à partager avec les professionnels.
6. Sécurisation de l’environnement en empêchant l’accès aux moyens de suicide.
Il s’agit d’une étape incontournable de toute stratégie de prévention du suicide conduisant à documenter lors du premier entretien les moyens létaux auxquels le sujet suicidant a accès (armes de chasse, médicaments et pharmacie domestique, etc.).
Le plan de sécurité est élaboré avec le suicidant et se présente sous la forme d’un document, papier ou numérisé (annexe 1 : exemple de plan de sécurité selon le modèle de B. Stanley), remis au patient, voire inséré dans son dossier médical et accessible facilement aux équipes pouvant intervenir auprès de ce patient, notamment en urgence. Il est obligatoire de se concerter avec le parent ou le représentant légal lorsque le patient est mineur. Un temps d’échange entre le thérapeute, le jeune et sa famille est recommandé. Certaines équipes formalisent le document avec une signature du jeune et du parent. Le sujet suicidant est invité à porter le document avec lui/ elle et à suivre les étapes lors d’une crise suicidaire. Toutefois, le sujet peut recourir d’emblée aux ressources professionnelles si la crise est intense.
Les entretiens de suivi ou les consultations thérapeutiques ultérieures permettent de faire le point sur l’utilisation du plan de sécurité et de le modifier éventuellement.
Le plan est élaboré avec un intervenant formé à l’administration du plan de sécurité, quel que soit le secteur d’exercice sanitaire, médicosocial, social ou scolaire. Les infirmières formées sont reconnues comme ayant de plus en plus leur place dans la prise en charge des patients présentant des conduites suicidaires, notamment les jeunes (Pugnaire Gros, Jarvis, Mulvogue, & Wright, 2012).
Perspectives futures
Le plan de sécurité, actuellement mis en place en soins courants auprès d’adultes et de jeunes, est un dispositif planifié que le sujet peut mettre en œuvre lors d’une crise suicidaire. Au terme des études d’efficacité en cours, il pourrait venir compléter les dispositifs régionaux de rappel et de prévention des conduites suicidaires. Par la suite, il sera possible d’utiliser des objets connectés pour suivre l’application du plan de sécurité et mieux accompagner les patients suicidants.
Site/liens
Renseignements complémentaires : Dr de La Rivière, Pr Guilé, secrétariat, service de psychopathologie infanto-juvénile, CHU Amiens, pedo-psychiatrie. secretariat@chu-amiens.fr
Home page Pr Stanley http://www.suicidesafetyplan.com Prevention Resource Center/American Foundation for Suicide Prevention Best Practices Registry http://www. sprc.org
Remerciements
L’auteur correspondant remercie le CRISE et son directeur Pr Mishara, pour l’accueil en résidence de recherche en 2019, ainsi que Mme Lannoy pour son aide secrétariale.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
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