Numéro
Perspectives Psy
Volume 57, Numéro 3, juillet-septembre 2018
Page(s) 166 - 167
Section Avant-Propos
DOI https://doi.org/10.1051/ppsy/2018573166
Publié en ligne 22 mars 2019

Le journal Le Monde, dans son édition du 28 novembre 2018, rapporte la tentative de suicide par défénestration, survenue quelques jours plus tôt, d’un mineur étranger isolé.

Il s’agissait d’un jeune Burkinabé de 15 ans, arrivé récemment à Paris, après un long périple, et qui, désespéré, s’est jeté du quatrième étage de Palais de justice de Paris. Il rencontrait des difficultés, insurmontables pour lui, dans sa procédure d’évaluation de minorité d’âge, qui, seule, pourrait lui garantir un accueil et une prise en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance…

Alors qu’en 2015, à Paris, 1 500 mineurs étaient dans la même situation que lui, 8 000 le sont en 2018, c’est dire l’ampleur croissante de ce phénomène dramatique, impliquant des mesures d’aides sociales, éducatives, juridiques, médicales, et psychiatriques, complexes…

Plusieurs pays d’Europe et les États-Unis, notamment, sont confrontés à cette question de l’accueil des migrants. Les passions se déchainent à ce sujet, avec les dérives politiques que l’on sait…

Le dernier congrès annuel de l’Association des Pédopsychiatres du Nord de la Californie, auquel j’ai pu participer, à Carmel, a abordé le thème de la souffrance psychique des enfants migrants, rendu particulièrement aigu, dans ce pays, par une politique, se voulant dissuasive, de séparation des enfants des parents… C’est dire la détresse de ces jeunes, de leurs familles... et des pédopsychiatres californiens... Ces collègues devaient, depuis de nombreuses années, s’occuper de situations cliniques présentées par les jeunes migrants venus seuls d’Amérique Centrale et du Mexique, et ils doivent maintenant, faire face, en plus, aux problématiques douloureuses liées à ces séparations imposées. Beaucoup de collègues américains se sont mobilisés, et ont notablement contribué à l’arrêt de ces mesures administratives traumatisantes, mais les expertises de nombre de ces enfants ont montré des dégâts psychiques déjà perceptibles.

Le comité de rédaction de la revue Perspectives Psy a été sensible à ces phénomènes sociétaux, et a donc souhaité l’aborder, dans ce dossier sur les enfants migrants, sous l’angle de l’analyse psychopathologique, et des soins psychologiques et psychiatriques.

Ainsi, l’article d’Henry Massie, de San Francisco, détaille les syndromes psychiatriques rencontrés chez les enfants réfugiés de guerre qui rejoint celle des enfants migrants. Après le choc initial, ces enfants peuvent présenter des syndromes de stress-post-traumatiques. Il en évoque les conséquences psychopathologiques éventuelles à l’âge adulte, et considère les limites du concept de résilience. Son propos est complété par des illustrations cliniques variées, et diverses interventions psychothérapiques.

Dans mon texte, je présente une observation, agrémentée d’un riche matériel onirique et pictural. Il s’agit d’une enfant africaine que j’ai eu l’occasion de recevoir, plusieurs fois, en consultations, dans le cadre d’une mesure éducative en milieu ouvert. Le cas de Fatou, mineure sans papier… et qui mange du papier… m’a semblé démonstratif de l’intrication psychopathologique fréquente, chez ces enfants, d’une carence affective, de traumatismes psychiques, de distorsions relationnelles, précoces, et de circonstances traumatiques et anxiogènes plus récentes, liées à l’exil, et aux difficultés d’adaptation aux nouvelles conditions de vie, en France.

Les articles suivants décrivent des dispositifs institutionnels susceptibles d’accueillir et d’aider ces mineurs, aux États-Unis et en France.

Maria Mosqueda décrit le fonctionnement d’un Centre de Santé pluridisciplinaire original, au sein même d’une école d’Oakland. Cette institution peut apporter une aide sociale, médicale, juridique, et psychothérapique, à des enfants migrants isolés, avec notamment des activités créatives tenant compte des origines de ces jeunes « latinos » exilés. Enfin, Chantal Hungbo et Jacques Fortineau exposent un exemple français, celui d’une MECS (Maison d’Enfants à Caractère Social), gérée par une Association Loi 1901 mandatée par l’Aide Sociale à l’Enfance, et qui reçoit des mineurs non accompagnés, avec une aide sociale, éducative et psychothérapique. Les cas rapportés confirment les préexistences fréquentes de situations traumatisantes, et permettent aux auteurs de proposer des hypothèses théoriques stimulantes.

Nous espérons que ces textes contribueront à apporter quelques réponses aux questions multiples posées par la souffrance des enfants migrants. Ils requièrent beaucoup de disponibilité et d’énergie de la part des professionnels concernés, qui doivent avoir un souci de continuité dans le nouvel étayage proposé, afin de tenter de les aider à panser (et à penser) leurs blessures mentales…

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.


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