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Perspectives Psy
Volume 56, Numéro 1, janvier-mars 2017
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Page(s) | 66 - 80 | |
Section | Actualités de la recherche | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ppsy/2017561066 | |
Publié en ligne | 13 juin 2017 |
Recherches qualitatives; grounded theory/théorisation ancrée, ses évolutions, sa méthodologie, son application dans la recherche médicale et psychanalytique
Qualitative researches; grounded theory, its evolutions, its methodology, its application in the medical and psychoanalytical research
1
Interne DES de psychiatrie à l’Université Reims Champagne-Ardenne, doctorant en recherche psychanalytique et interdisciplinaire, CRPMS, à l’Université Paris Diderot, Paris, France
2
Pédopsychiatre, chef de clinique assistant à l’Université Paris Descartes, Hôpital Necker Enfants Malades, 75015
Paris, France
En s’appuyant sur l’expérience de l’étude en cours : « Devenir des enfants ayant été placés en accueil familial thérapeutique », nous tenterons de décrire et de clarifier la Grounded Theory (GT). Nous insisterons sur sa valeur ajoutée dans la recherche médicale, et psychiatrique tout particulièrement. Une valeur d’ores et déjà reconnue et usitée dans le monde scientifique notamment en dehors de la France, à l’international. La GT est une méthode qualitative qui apporte une nouvelle façon de comprendre un sujet, d’aborder un fait humain. Elle favorise l’innovation scientifique par une méthode d’analyse enracinée dans les données du terrain. Une approche inductive qui fait émerger des théories nouvelles plus ou moins en lien avec des théories préexistantes. Dans un premier temps nous présenterons sa création et ses évolutions depuis la publication du livre de Glaser et Strauss en 1967. Puis nous expliquerons les différentes étapes permettant aux codeurs de se détacher de leurs préconceptions et de ne pas plaquer leurs propres catégories. Une méthodologie qui suit 6 étapes autour desquelles un cadre d’analyse facilite la lecture de la polyphonie des entretiens. Un chapitre est également consacré à la place de la GT au sein des méthodes qualitatives, ainsi qu’aux liens possibles entre GT et psychanalyse. Enfin, nous critiquerons l’intérêt de l’utilisation de cet outil dans les études médicales à venir, notamment françaises, soit comme outil seul mais surtout dans un alliage avec d’autres instruments quantitatifs.
Abstract
Using the experience of the current study: “outcome of the children having been placed in therapeutic foster care”, we shall try to describe and to clarify Grounded Theory (GT). We shall insist on his added value in the medical and psychiatric research particularly. A value already recognized and concretized by a bigger use in the scientific world all around the world, except France.
This method is a qualitative method which brings a new way of including a subject, of approaching a human fact. She promotes the scientific innovation by a method of analysis rooted in the data of the field. An inductive approach which brings to the foreground new theories in connection with pre-existent theories.
We start to present its creation and its evolutions since the publication of the book by Glaser and Strauss in 1967. Then the article explains the various steps allowing the encoders to get loose from their prejudices and not to stick their own categories. A methodology which follows 6 steps around which a frame of analysis facilitates the reading of the polyphony of the interviews.
A chapter is also dedicated instead of the GT within the qualitative methods, and the possible links between GT and psychoanalysis.
Finally we shall criticize the interest of using this tool in the future medical studies, in particular French ones, as only tool but especially in an alloy with other quantitative instruments.
Mots clés : recherche qualitative / accueil familial / psychanalyse
Key words: qualitative research / foster care / psychoanalysis
© GEPPSS 2017
Au travers de cet article nous tenterons de présenter la Grounded Theory (GT), conçue il y a 50 ans. En décrivant tout d’abord son origine et ses évolutions. Puis nous nous attarderons sur sa méthodologie, sa place au sein des méthodes qualitatives et enfin nous détaillerons les articulations existantes et futures dans la recherche (médicale, psychanalytique…). La GT, que nous avons décidé de décrire comme une méthode de théorisation ancrée, est un outil qualitatif connu et utilisé dans plusieurs disciplines universitaires et de façon mondiale, mais elle reste encore peu présente en France, et plus particulièrement dans la recherche médicale. Une étude en cours concernant le devenir des anciens enfants placés en Accueil Familial Thérapeutique (AFT) viendra étayer notre propos. Cette étude ainsi que cet article, participent à la diffusion de cette méthode, mais également à celle des analyses qualitatives dans leur ensemble. Ces dernières doivent être portées à la connaissance des chercheurs qui souhaitent évaluer un fait humain, une situation sociale autrement/en complément du versant quantitatif.
Cet article permettra aux lecteurs qui ne connaissent pas cette méthode d’en avoir un premier aperçu et d’aborder les différentes étapes de l’analyse. Toutefois cet écrit ne se prétend pas être un guide à suivre mais, associé aux références bibliographiques, il sera un appui solide pour débuter la mise en place d’une recherche qualitative ou mixte.
Naissance et évolutions
Il y a 50 ans, Glaser et Strauss publiaient le livre The Discovery Of Grounded Theory; Strategies for Qualitative Research (1967). Cet ouvrage sera le point de départ de nombreuses évolutions et applications de la GT. Il présente une méthode qui favorise l’innovation scientifique grâce à une approche inductive venant d’une analyse enracinée dans les données du terrain. Une innovation et une ambition affichée clairement par les auteurs. Cette ambition est à mettre en perspective avec celles des auteurs et de leur époque. Strauss, issu de l’école de sociologie de Chicago, souhaitait développer un outillage positiviste. Quant à Glaser, venant de San Francisco et ancien élève à l’exploitation statistique, il tentait de s’échapper des carcans inhibant la sociologie aux États-Unis dans les années 60. Il voulait sortir du paradigme hypothético-déductif.
À cette époque, les sociologues américains traversaient une crise. Ils cherchaient leur place à l’Université. Cette recherche de place et de légitimité conduisait Glaser et Strauss à un pragmatisme qui correspondait parfaitement à l’époque. Ils réfléchissaient donc à l’élaboration d’une méthode qui devait donner aux études l’utilisant un aspect conclusif et pas uniquement l’aspect exploratoire des méthodes qualitatives de l’époque. « Un exercice d’imagination disciplinée » (Weick, 1989). Un terreau scientifique fertile existait avec ses travaux et ses ouvertures. Les auteurs de la GT expliquent avoir eu recours aux travaux de George Herbert Mead et de Herbert Blumer qui s’étaient intéressés entre autres, aux méthodes de recherches qualitatives ainsi qu’à une théorie dite psychosociale, concernant l’interaction symbolique. Blumer fut d’ailleurs critique du courant positiviste dans la sociologie, auquel Strauss appartenait. Il reconnaissait néanmoins la rigueur nécessaire à la scientificité de la recherche.
Aujourd’hui, la GT fait entièrement partie des outils d’approche qualitative. Ces analyses qualitatives se structurent autour de plusieurs courants de pensée, de constructionismeconstructivisme et théories, comme la phénoménologie et l’interactionnisme symbolique. Nous reviendrons d’ailleurs sur la place de la GT au sein des analyses qualitatives dans un chapitre de cet article. Les outils issus de ces courants ont d’ores et déjà été utilisés dans la recherche concernant la santé. Dans le domaine médical français, la GT reste peu appliquée, mais un engouement apparaît depuis quelques années, avec plusieurs études intéressantes (Ricadat, 2016; Benoit, 2016). Elles rejoignent l’importante1 utilisation faite dans le monde, où elle constitue une démarche de recherche particulièrement pertinente à l’étude des faits humains et sociaux.
La GT reste une démarche qualitative à part entière, elle explore un phénomène du point de vue des personnes qui y sont impliquées, chercheur inclus. Mais sa particularité est de permettre une généralisation des théories trouvées lors de l’analyse, notamment par l’ajout de plusieurs subjectivités.
La scientificité recherchée tient aux règles de la reproductibilité et de la possibilité de généralisation. Cette scientificité passe également par la description précise des étapes d’analyse et donc du passage d’une masse imposante de données brutes à des descriptions minutieuses. Cette méthodologie rigoureuse et claire contribue à atténuer l’idée d’une activité nébuleuse, peu ou pas scientifique, qui colle à l’image des méthodes qualitatives.
Elle participe, avec la démarche hypothéticodéductive, au même objectif de généralisation et de reproductibilité, comme le souligne en 1983 Katz, qui répond aux tenants des systèmes hypothético-déductif en affirmant ces caractères scientifiques communs : « la méthode produit des données fiables… ses résultats sont généralisables… il est possible de répéter les observations… la présence de l’enquêteur ne transforme pas la nature des interactions observées ».
Néanmoins la GT s’en différencie pleinement car elle ne vient pas vérifier une hypothèse. Elle se base très profondément sur le discours des participants. Valérie Méliani dit en 2013, à ce sujet que : « Les connaissances ne sont jamais fixées. La recherche scientifique doit nécessairement se construire à partir du terrain ». Elle rappelle par cela, les mots de Jean- Pierre Pourtois : « Ce qui est scientifique est ce qui construit le réel, ce qui aboutit à un modèle d’intelligibilité du réel ».
Pour poursuivre cette description, nous avons choisi de nous arrêter sur l’une des voies d’évolution de la GT utilisée dans la recherche francophone. Becker dit en 2005 : « On produit chemin faisant. ». Cela résume l’évolution de la GT vers celle de la Théorisation Ancrée (TA) et nous a amené à parler de Méthode de Théorisation Ancrée. La TA est une « théorisation progressive d’un phénomène, son évolution n’est ni prévue ni liée au nombre de fois qu’un mot ou qu’une proposition apparaissent dans les données » (Paillé, 1994). Cette théorisation apporte l’idée d’un mouvement, d’une dynamique que prend la recherche dans son déroulement.
Les résultats d’une étude sur un sujet peuvent être perçus comme un arrêt au stand, unarrêt sur image du film en gestation. Enfin le chemin de la recherche reprendrait avec d’autres études. Ce processus amène des connaissances jamais fixées et nous rappelle les mots de Jean-Luc Godard sur la richesse d’un film qui ne vient pas de ses imagesmais du rapport de ses images.
Avec ces explications, on comprend que la théorie n’est pas le but de la TA. La TA ne fait que tendre vers une théorie, tout en restant ancré dans les données empiriques grâce aux comparaisons constantes de son analyse. Ce chemin se fait grâce aux ajustements entre théorie et données. Ce n’est d’ailleurs que sous la contrainte de la rigueur des allers-retours entre données et théories que des catégories peuvent émerger. Ce seront ces catégories qui seront les bases de la théorie issue de la recherche.
La contrainte des allers-retours est dangereuse au début de ce chemin, car les premières catégories émergeantes peuvent rapidement être remises en question, voire devenir obsolètes. Pour tenir le coup ces théories doivent affronter au fil du temps de l’analyse les possibles vacillations dues aux allers-retours. Ce ne sera d’ailleurs qu’après plusieurs retranscriptions, et comparaisons avec plusieurs discours, que ces émergeance seront confirmées comme valides. À l’image de l’ajustement permanent des interactions parents/bébé dans les premières semaines et de leurs possibles interrogation sur les catégories bonne santé de l’enfant et bonne capacité à être parents. Comme ces fameux 10 ml de lait non pris par le bébé dans les premiers jours et qui questionnent rapidement sur le risque important quant à la bonne santé de l’enfant et la capacité à être de bons parents. Ce ne sera qu’après plusieurs expériences de « mince il n’a pas pris tout son biberon… mince il a régurgité une partie… ah ben il va bien, il prend du poids, il sourit » que ce lien sera plus assuré, que les catégories bonne santé de l’enfant et bonne capacité à être parents seront validées et confirmées comme sûres et pérennes. Elles contribueront à la théorie : Cet enfant est en bonne santé car je suis un bon parent !
Pour terminer cette description de la naissance de la GT et de ses évolutions, nous ajouterons les deux grands courants retrouvés dans la littérature :
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Un courant Glaserien où aucune connaissance, ou plutôt aucune sensibilisation est préconisée.
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Un courant Straussien où une connaissance théorique préalable est laissée plus libre.
Ces deux voies apparaissent sensiblement différentes. Néanmoins elles utilisent les mêmes étapes de l’analyse. Leur différence majeure repose sur l’environnement des connaissances et de sensibilisation au sujet étudié. Dans certains cas, la durée de l’étude orientera vers l’un ou l’autre des courants. Car est-il possible de ne pas être sensibilisé à un sujet lorsqu’on l’étudie durant plusieurs mois ? Dans notre étude sur les AFT, débutée depuis 2 ans, ce fut en partie possible en regroupant autour de l’analyse différents professionnels d’autres disciplines n’ayant jamais rencontrés aucun participant. Mais, pour d’autres où la durée de la recherche est encore plus longue et l’analyse interdisciplinaire n’est pas possible, la voie s’orientera plus du côté straussien. Au total, ces deux courants ne font que souligner l’importance des connaissances qui nous entourent. Ils révèlent les effets des lectures d’articles et des résultats associés et in fine les catégories que nous intégrons à notre réflexion et qui peuvent se projeter sur nos analyses et leurs interprétations. Ces deux courants sont les extrémités d’un large éventail de recherches où encore une fois la réalité du terrain influe sur la voie prise par l’étude.
Méthodologie
Nous venons de voir les fondements de la GT, ainsi que des évolutions de son utilisation depuis le livre de Glaser et Strauss. Ces différentes branches se basent sur un socle commun avec un canevas très proche, puis elles évoluent vers « des chemins de théorisation différents », selon les termes de Paillé.
C’est un grand défi de décrire en quelques pages la méthodologie de la GT, car la circularité méthodologique qui impose des allersretours entre données empiriques et analyse, ne peut pas apparaitre dans l’écriture linéaire d’un court article. Mais les références apportées tout au long de ce texte permettront d’approfondir le sujet et d’apercevoir le maillage entre théorie et terrain.
De façon classique et comme dans les autres analyses qualitatives, la GT se compose de plusieurs étapes d’analyse. Elles sont au nombre de six, comme Paillé le reprend en 1994 :
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le codage;
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la catégorisation;
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la mise en relation;
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l’intégration;
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la modélisation;
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la théorisation.
À noter que l’on retrouve dans la littérature une autre architecture de codage de la GT, faisant état de trois niveaux :
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le codage ouvert;
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le codage axial;
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le codage sélectif.
Cette structure d’analyse n’est pas une autre manière de faire. Tout comme la méthodologie à six étapes, cette analyse tend au travers des trois étapes vers une abstraction des données. Par exemple, « le train rouge », cité par le participant, deviendra étape par étape, le code un véhicule coloré puis évoluera vers la catégorie jouet ou cadeau.
Ces trois niveaux regroupent plusieurs des six étapes. Nous continuerons donc la description de la méthodologie dans cet article avec la structure à six étapes.
L’environnement – le cadre de travail
Les étapes d’analyse selon la GT se font dans un cadre de travail soumis à quatre lignes directrices.
La suspension temporaire du recours à des cadres théoriques existants
Cet effort de suspension est comparable à celui que fait le juge, lorsqu’on lui demande lors d’une audience « ne tenez pas compte de cette parole M. le juge ». Pour y parvenir, les conseils donnés par les auteurs sont de ne lire la littérature sur l’objet de recherche que dans les derniers moments de l’analyse, et d’ignorer le plus possible les résultats des recherches comparables.
Toute cette énergie n’est pas engagée pour vider la tête du chercheur, mais plutôt pour en faire un esprit ouvert, afin de ne pas limiter l’analyse des données aux idées préconçues des résultats connus et des carcans théoriques. Il est bien sûr possible de réussir cet effort de mise à distance seul, mais très difficile de le faire pour certaines études longues, avec une phase d’entretien de plusieurs mois. Dans ces cas précis, la suspension du recours aux références théoriques apparaît comme quasi impossible. Pour aider à cette suspension temporaire de la théorie et donc faciliter l’ouverture d’esprit dans les recherches longues, nous avons pris le parti dans l’étude que nous menons actuellement sur le devenir des enfants placés en AFT, comme dans d’autres recherches utilisant la GT, d’inclure dans la phase d’analyse des chercheurs venant d’autres disciplines ou avec des repères théoriques différents.
Le nombre de trois codeurs apparaît comme un seuil intéressant. Il permet l’organisation de rencontres régulières et de pouvoir trancher lors des décisions, du fait du chiffre impair.
La précision de l’objet de recherche au cours de l’étude
La conception de la recherche permet de définir une situation sociale que l’on veut étudier, un territoire à explorer, mais sans objet de recherche explicité, ou tout du moins modifiable. L’objet de recherche est provisoire et peut donc être modifié au cours de l’analyse. Nous allons voir qu’au cours des différentes étapes de l’analyse, les catégories puis les phénomènes sont explorés dans toutes leurs variations. Ces dernières pourront faire émerger un nouvel objet ou modifier un ancien.
Le train rouge sera vu comme un jouet, mais également comme un jeu interactif ou l’outil de travail de papa ou un objet rassurant, etc. Cette modulation fait émerger une large variation de la représentation de l’objet. Elle est utile à certaines étapes de l’analyse. Ces différentes étapes et les différents codeurs permettent d’observer un objet de façon si différente que la question de recherche apparaît invalide et donc plus du tout ajustée aux éléments empiriques.
Pour exemple, dans notre recherche la situation sociale étudiée est celle des anciens patients des AFT, car c’est un dispositif peu connu et donc une population absente de la recherche. L’objet de la recherche est plus précisément le devenir des anciens patients des AFT. C’est pour cela que la phrase de début d’entretien est tout simplement Comment allez-vous ?
Plusieurs objets de recherche encore plus précis ont pu être anticipés lors de l’élaboration de l’étude, comme l’effet sur le devenir de : la séparation avec les parents, l’arrêt du suivi de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) ou de l’AFT et encore bien d’autres. Mais c’est bien le récit laissé libre aux personnes rencontrées et son analyse sans objet de recherche préfixé, qui nous ont apportés d’autres objets, éclos du terrain, comme celui de la nécessité d’un bilan étape quelques années après l’arrêt du suivi de l’AFT et de l’ASE.
Ces objets sont d’autant plus pertinents s’ils se retrouvent présents dans plusieurs récits de participants. On comprend mieux pourquoi l’objet de recherche, ou tout du moins une partie, ne peut être défini qu’au cours de l’étude.
Une boucle entre collecte et analyse des données
Une boucle, une circularité, des allers-retours; les deux parties, collecte et analyse de données sont quasi fusionnées, notamment lors des premiers entretiens. Certains auteurs parlent de processus cycliques, de concurrence. Nous ajouterons le mot de complémentarité. Ce phénomène permet à l’analyse de rester ancrée dans le terrain et de vérifier que les stades d’abstraction se (re)confirment lors du retour sur les données empiriques. Cette abstraction apparaît lorsque les mots des participants s’incorporent étape par étape dans de plus grandes catégories, ou des concepts plus globaux.
Le train rouge est devenu au cours des étapes un jouet, ou un cadeau de Noël ou un jeu de la crèche. Lorsque ce train rouge est retrouvé dans les théories des cadeaux de Noël, on revient au terrain pour vérifier s’il est dans les autres cadeaux de Noël nommés dans le récit de ce participant, ou dans celui des autres participants. Grâce à ce retour, on peut évaluer la véracité de la théorie : Le train rouge est un cadeau de Noël. Par la suite nous verrons s’il est un cadeau de Noël pour tous les enfants de l’étude, ou pour tous les enfants de cette classe d’âge en France, ou plus encore, pour tous les enfants du monde. À noter que certains mots ne se retrouvent pas dans des concepts plus abstraits. Ils restent alors jusqu’au bout de l’analyse le train rouge. Ces va-et-vient permettent au terrain d’ajuster la théorie mais également de l’élargir.
Immersion dans le contexte social
Pour développer une théorie ancrée le chercheur doit également s’immerger dans le contexte social afin d’approfondir sa compréhension du phénomène. Pour ressentir cet environnement, il se doit de :
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Prendre en considération le contexte interpersonnel et social entourant le phénomène à l’étude.
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Reconstruire le sens que les personnes donnent à leurs comportements.
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Se concentrer sur l’expérience et les processus sociaux de bases.
Il est également important de rencontrer le point de vue de plusieurs acteurs du phénomène, de tenter d’observer les positions différentes et de comprendre comment elles voient les autres personnes de ce contexte social.
Cette immersion et cette connaissance du terrain sont à différencier de l’immersion dans la littérature et les théories du sujet de la recherche. Elle est d’autant plus importante si le chercheur est seul à analyser les données. Cette compréhension de l’environnement lui apportera une certaine polyphonie de cette situation sociale.
Au total, ces quatre lignes directrices favorisent une ouverture d’esprit et facilitent l’émergence d’objet nouveau. Elles imposent une rigueur de vérification rendant possible la modulation et la modification de la théorie par le terrain. Le tout, autour d’un objet de recherche qui se définie le long de cette analyse.
Cette procédure remet en question le savoir du chercheur et laisse une grande place au doute méthodique de Descartes2. Tout cela confirme que la méthodologie de la GT est compatible avec l’un de ses buts : ne pas appliquer des théories préétablies.
L’analyse en six étapes
Le codage : Qu’est-ce qu’il y a ici, qu’est-ce que c’est ?
Il correspond à un étiquetage du discours. Les mots peuvent venir du chercheur mais à ce niveau de l’analyse on préférera le code in vivo; avec les mots du participant. C’est un niveau qui est censé dégager les propriétés essentielles de l’objet analysé. Attention le codage exhaustif et objectif n’est pas le but de l’étape, ce n’est pas une analyse du contenu. Certains éléments peuvent ne pas être révélés, ou être révélés de façon polyphonique, d’autant plus si l’analyse se fait avec plusieurs codeurs.
Il s’avère qu’à partir de l’analyse de la 12e/ 13e retranscription, la codification ligne par ligne est abandonnée, et on effectue une comparaison des codes dits enracinés (codes retrouvés dans les premiers entretiens).
Ce seuil de 12/13 entretiens, est un seuil bien connu dans les recherches qualitatives et il est à de nombreuses reprises cité (Bertaux, 1981; Fossey, 2002). Cette quantité de retranscription permet une saturation des données. Les entretiens suivants n’apportent pas aux chercheurs de nouvelle thématique.
La finalité de cette séquence est qu’un lecteur externe peut retracer l’essentiel du témoignage en lisant uniquement les mots du codage. Cette lecture peut d’ailleurs être un test pour les chercheurs. Elle permet de vérifier l’objectivité importante nécessaire lors de cette première étape de l’analyse.
Chercheur : « et dans la famille d’accueil ? »
1er participant : « C’était super ! Heureusement qu’ils étaient là. Tata n’était pas comme ma mère, elle était douce, calme… elle changeait pas d’idée toutes les deux secondes. »
2e participant : « Oh ça allait… ils ont fait leur travail… pas toujours très bien surtout le fils de tata. »
Le codage de la phrase du 1er participant a été noté : Critique positive. Famille entière évoquée. Comparaison caractère tata et mère.
Le codage de la phrase du 2e participant a été noté : Critique ambivalente. Famille entière évoquée. Fils de tata ?
La catégorisation : Qu’est-ce qui se passe ici ?
C’est le niveau le plus important de l’étude. Après avoir été dans le discours, avec les mots in vivo de l’entretien dans la première étape de codage, on y ajoute un premier niveau de compréhension d’un phénomène. Glaser parle d’observer les processus sociaux fondamentaux. Il arrive que certains codes soient déjà des concepts, des catégories. Comme la codification, la catégorisation ne sera pas faite de façon stricte et exhaustive. Pour savoir si les catégories choisies remplacent bien les codes initiaux, une analyse d’une nouvelle retranscription peut se faire directement avec les catégories trouvées.
Dans la mesure du possible cette relecture doit être faite par un chercheur qui n’a pas procédé à la codification. C’est une phase où la sensibilité théorique du chercheur est primordiale. Une sorte de méta-analyse durant laquelle le chercheur prend conscience de sa propre démarche. La catégorie doit être clarifiée, détaillée, précisée, subdivisée, remplacée, voire à revoir.
5 étapes permettent de dégager et consolider les catégories :
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Les définir.
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Dégager leurs propriétés.
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Spécifier les conditions sociales légitimant leur formulation.
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Identifier les diverses formes, répondre à la question qu’entends-tu par… ?
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Quelles sont les caractéristiques, les attributs de cette catégorie ? Pour y répondre Strauss et Corbin en 1998, proposent l’analyse flip flop. C’est la comparaison de l’élément avec son opposé, pour saisir la variabilité.
Une catégorie doit laisser place à des visions différentes de cette même catégorie, à ses dimensions différentes. Par la suite si elle est souvent citée, la catégorie sera dite saturée. On comprend l’importance de cette étape pour l’évolution de l’analyse et on perçoit encore mieux l’importance de suspendre temporairement le recours à des cadres théoriques et l’intérêt de la présence de plusieurs traducteurs pour l’analyse.
Cette dernière étape apparait comme une analyse du même son par différents instruments. De plus, on remarque qu’à ce stade de l’analyse, la catégorisation pourrait suffire à faire de l’analyse, une analyse thématique. Ce sont les étapes suivantes qui apportent la singularité de l’analyse du discours selon la GT.
Une phase abductive a été décrite par Angot et Milano en 2003, ainsi que par Benoit en 2009, qui peut s’appliquer lors de cette étape de catégorisation mais également à toutes les étapes suivantes. Ils parlent de cette phase comme d’une étape de vérification. Elle permet un premier degré de généralisation en comparant les catégories ou variables d’un concept découvert lors de l’analyse, avec les données empiriques. Les auteurs parlent d’opérationnalisation.
Cette phase abductive a une autre utilité : observer si les premières déductions ne font que répéter des théories déjà existantes, mais surtout déjà démontrées à plusieurs reprises. Car à l’inverse, une théorie préexistante mais incertaine ou manquant d’argument scientifique pourra s’appuyer sur les premières déductions de l’analyse.
Àla différence de l’étape précédente, un exemple clair est difficile à présenter dans un court article. Néanmoins on peut, à titre d’exemple, nommer une catégorie de notre étude, et utiliser les étapes citées pour la consolider :
ABANDON. Il peut être psychique, physique, quotidien, occasionnel, permanent… Cette catégorie est une valeur liée à la condition sociale « d’enfant placé ». Puis cet abandon peut être vécu seul en lien avec quelqu’un. Enfin, deux des opposés trouvés ont été AIDE et SOUTIEN.
On peut également reprendre l’exemple du train rouge, un jouet, on peut lui décrire de nombreuses dimensions : il roule ou pas, la couleur, éducatif ou pas, destiné à quels enfants, etc.
La mise en relation : En quoi et comment est-ce lié ?
Pour certains auteurs c’est le début de la véritable analyse selon la GT. À partir des attributs des catégories, des questions peuvent être posées : donc / car / alors / parce que. Pour répondre à ces questions, on peut utiliser les procédés suivants :
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L’approche empirique : relation faite dans le discours entre les catégories elle-même. Cette catégorie est liée à celle-là.
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L’approche spéculative : on peut se dire que cette catégorie est en générale liée à celle-là.
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L’approche théorique : on retrouve des liens entre ces catégories dans la littérature.
On voit apparaître, dans cette étape de mise en relation, une mise à distance des données empiriques, un niveau d’abstraction qui s’ajoute tout en gardant un ancrage aux données de la retranscription.
Comme expliqué dans l’étape précédente, les catégories possèdent plusieurs dimensions et l’on peut donc mettre en relation un nombre quasi infini de dimension entre elles. Ce fait rend compte de la complexité du réel. On peut, entre chaque catégorie, mettre en évidence plusieurs liens et donc les mettre en relation en fonction de leur dépendance, ressemblance, opposition, hiérarchie, etc.
Le père biologique peut être un facteur plus important d’abandon que celui du père de la Famille d’Accueil (FA) ou encore influer sur l’abandon en lien avec le père de la FA. Il peut le modérer, ou l’accentuer.
L’intégration : Quel est le problème principal ?
À cette étape, la grande partie du propos doitêtre cerné, en répondant à la question Mon étude porte sur quoi ? Trouver le problème général permet de définir l’objet de recherche. On comprend la difficulté, voire l’impossibilité dans certain cas, de le définir avant. Car jusqu’à cette étape les données analysées remettent en question sans cesse l’objet de la recherche potentielle. Toujours dans leur article cité précédemment, Strauss et Corbin amènent la technique du far-out/close pour évaluer la complexité au travers des dimensions macro et micro. On peut résumer cette étape d’intégration à la précision de l’objet de recherche. En prenant l’exemple d’un livre, c’est l’étape qui débute par « c’est l’histoire de… ».
Bien que l’étude soit encore en cours une des histoires de ce livre est l’abandon vécu à 18 ou 21 ans, par ces hommes et femmes lorsque le suivi de l’AFT et de l’ASE s’est arrêté.
La modélisation : De quel type de phénomène s’agit-il ?
Après le titre du livre, le style de l’écrivain : descriptif, détaillé et lent ou rythmé et rapide. On introduit à ce niveau d’analyse la dynamique. Quelles sont les propriétés du phénomène ? Est-ce qu’il se présente sous différentes formes ? Les antécédents, les causes du phénomène ? Un élément peut aider à répondre à toutes ces questions : le facteur temps. L’introduire ajoute cette dynamique au titre du livre, en établissant l’ensemble des conditions d’existence du phénomène.
La théorisation
Cette étape tend vers la théorie propre à l’objet étudié. C’est en réfléchissant à cette théorie que l’on arrive sur le chemin de théorisation où il faut renforcer les concepts émergeants et affaiblir les explications divergentes. Pour réussir cela, les auteurs décrivent des étapes qui sont pour certaines des critères de validité d’une méthode qualitative, comme l’échantillonnage théorique qui correspond à l’échantillonnage des diverses manifestations du phénomène et pas à un échantillon de personne. Cet échantillonnage fait partie de tous les courants de la GT et plus largement des études qualitatives. Il ne faut pas entendre ce terme comme dans le domaine quantitatif, où l’on parle d’échantillonnage probabiliste ou non, avec un échantillon systématique, aléatoire simple, etc.
Dans le domaine qui concerne cet article, on parle d’échantillonnage par cas unique et de ceux par cas multiple. Ils intègrent les échantillons événementiels, par quête du cas négatif, par homogénéisation, etc. Le texte de Pires (1997) approfondit et clarifie cette notion d’échantillonnage. On peut néanmoins préciser l’application de l’échantillonnage dans le cas de la GT. Lors de la recherche de phénomène des catégories, chaque retranscription n’est pas analysée comme un seul sujet mais comme plusieurs échantillons possibles au sein de chaque retranscription. Autrement dit, plusieurs phénomènes peuvent être présents au sein de la même retranscription et donc du même sujet. D’autres étapes, comme le cas négatif, seront précisées dans le chapitre des critères de validation.
Cette théorisation prend donc la forme d’une tentative de construction minutieuse et exhaustive de la multidimentionalité du phénomène. Voici une étape où l’interdisciplinarité peut aider à la conception de la théorie et vérifier l’évolution a-catégorielle du chemin. Néanmoins et malgré toute la rigueur prise par les chercheurs, la théorie restera partielle et incomplète et sous l’effet possible du temps et/ou du contexte social.
L’analyse en trois étapes
Si nous reprenons le cadre de trois niveaux de codage (ouvert, axial et sélectif). Le codage ouvert correspond aux étapes de codification et de catégorisation.
La codification axiale permet d’approfondir les catégories en fonction de 4 dimensions :
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les conditions de réalisation;
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les conséquences;
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les stratégies reliées à cette catégorie;
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les types d’interactions apparaissant entre les catégories.
Une particularité méthodologique est spécifique à cette analyse en trois étapes. Elle apparaît avant l’étape sélective, le chercheur sélectionne lors de cette étape une ou deux catégories centrales. Ces catégories centrales peuvent apparaître autour de catégories annexes qui permettront de réaxer l’échantillonnage. Les catégories qui n’ont pas de lien avec les ou la catégorie centrale sont alors mises de côté. Bien que spécifique de la méthode en 3 niveaux, cette étape peut intégrer tout autre forme d’analyse selon la GT.
Critères de validation (Lincoln et Guba, 1985)
Les critères de validation de la GT sont communs à ceux des autres méthodes qualitatives. C’est pour cela que nous ne ferons qu’aborder ces critères et qu’ils pourront être plus approfondies au travers d’articles dédiés ou d’ouvrages plus conséquent cités dans la bibliographie.
Puisque la GT n’opère pas sur des données numériques, elle ne peut pas utiliser les critères de validité interne et empirique qui sont habituellement utilisés par les méthodes quantitatives. Néanmoins la validité interne en quantitatif peut être comparée à la crédibilité en qualitatif. Elle évalue en quoi l’objet a bien été choisi. Grâce à une description détaillé des procédures utilisées, le chercheur rend vraisemblable les résultats. Il explique, par exemple, comment il a confronté ses conclusions partielles aux cas négatifs. Comment ont-ils impacté ses hypothèses ? Soit ces cas négatifs sont sans sujet avec le phénomène, et il ne le change pas; soit ils sont pertinents, et la catégorie/ le phénomène doit être modifié.
Quant à la validité empirique, elle peut être comparée dans la GT et dans les méthodes qualitatives, à la validation, principalement faite par la triangulation. Ce processus permet de vérifier les résultats auprès d’autres sources, dans une autre situation sociale ou avec une autre population.
La transférabilité, le fait qu’un autre chercheur puisse en utilisant les mêmes méthodes retrouver les mêmes résultats, sera également un autre critère de validation important. Enfin, nous avons évoqué précédemment la saturation, c’est le moment où l’ajout de nouvelles données ne modifie pas de manière significative les théories trouvées. Les catégories ne peuvent plus se déployer. De nouveaux liens ne peuvent pas se créer.
Remarques et résumé
Toujours du point de vue de la méthodologie, nous souhaitons parler de l’importance de noter et d’illustrer sans délai les idées qui émergent de l’observation et de l’analyse. La collecte des données se fait par plusieurs moyens, entrevues, mémos, journal de bord, etc. Toutes ces notes permettront aux chercheurs de conserver une certaine sensibilité de l’instant, et surtout une grande variabilité lors de l’analyse.
De plus, à l’image des catégories de l’analyse, s’il existe dans l’étude des grilles d’entretien préétablies, elles seront provisoires. Elles évolueront au cours de la recherche, du fait de l’induction des allers-retours entre l’analyse et le terrain. Ces grilles peuvent/doivent se modifier. Elles permettront d’introduire des hypothèses d’objet de recherche, ou au contraire d’éliminer des tentatives infructueuses.
Nous soulignons également l’importance du travail de groupe, et l’apport de certains logiciels, comme NVivo ou CAQDAS. Ils ne remplacent pas la richesse d’un travail pluridisciplinaire (Bandeira De Mello et Garreau 2009) mais permettent aux chercheurs travaillants seuls de tendre vers une GT rigoureuse.
Pour terminer cette partie, la restitution d’un tel travail doit rendre compte du cheminement pour apercevoir l’évolution au cours de ces nombreuses étapes. Le lecteur doit voir la rigueur scientifique (Dutton et Dukerich, 1991; Enaudeau, 1998). Strauss et Corbin parlaient de restitution analytique. Pour cela, elle doit être faite au travers de plusieurs modalités : communications orales, graphiques, articles courts, articles longs, livres, etc. Ces différentes voies d’expressions rencontreront des publics et des sensibilités multiples. Grâce à cela les théories pourront être sondées, critiquées, affinées voire même perfectionnées.
Exemple
Comme nous l’évoquons à plusieurs reprises, décrire de façon exhaustive dans un article de quelques pages le contenu d’une analyse selon la GT est impossible. Néanmoins, nous avons tenu à faire apparaître un des résultats de l’étude sur les AFT, et par ce biais, tenter de faire apparaître encore plus concrètement la méthodologie qui nous a aidé à y parvenir.
ABANDON; c’est une catégorie centrale qui est apparue dans les 33 entretiens de l’étude. À l’étape de codification, c’est avec d’autres termes que cette catégorie a émergé. On retrouve les phrases suivantes : « Mes parents m’ont laissé. » « Ils ne venaient pas me voir. » « Les éducateurs étaient là, tout le temps, ils ne me lâchaient pas et puis… plus rien. »
Le terme d’abandon n’apparait pas dans ces phrases. Néanmoins, associées à d’autres phrases où le terme pouvait exister, l’équipe des codeurs a décidé de les regrouper autour d’une seule et même catégorie : ABANDON.
Nous avons par la suite essayé de la mettre en lien avec d’autres catégories, plus ou moins centrales, comme SOUTIEN ou ISOLEMENT. Puis nous avons également ajouté la relation avec la famille, la famille d’accueil, l’équipe de l’AFT ou celle de l’ASE (lorsque la différence était faite entre ces deux équipes, dans le récit des participants).
Au sujet de cette différenciation entre l’AFT et l’ASE, nous avons décidé de faire évoluer notre questionnaire vers le terme d’équipe, avec un sens plus général, sans parler de l’équipe d’AFT, ou de l’équipe de l’ASE. Car la différence qui était claire lors de l’élaboration de la recherche, n’était pas explicitée de la même façon par les anciens patients des AFT. Voici un exemple tout à fait évocateur de l’effet des allers-retours de l’analyse au cours de l’investigation.
La catégorie ABANDON quant à elle, a été recherchée dans la littérature, celle concernant le placement principalement. C’est lors de cette recherche que plusieurs textes nous paraissaient corroborer avec l’une de nos conclusions. Celle de l’abandon réactivé de façon massive quelques années après l’arrêt, à 18 ou 21 ans, du suivi de l’équipe.
Cette catégorie est apparue dans le discours de tous participants de l’étude. Elle était également accompagnée de plusieurs réflexions : « Pourquoi ils n’ont pas pris contact avec mois plus rapidement ? » « Cela faisait longtemps que j’attendais de leur nouvelle. » « J’ai arrêté de leur envoyer des messages… ils me répondaient mais ne faisaient jamais le premier pas. »
Voici quelques phrases qui, avec la catégorie ABANDON et la littérature récente au sujet du placement (Dumaret, 2015), nous amènent à conclure sur la mise en place d’un entretien étape quelques années après l’arrêt du suivi. L’intérêt multiple de ces rendez-vous sera discuté dans le rapport final de l’étude qui sera remis à l’ONPE cet été.
La place de la Grounded theory dans les analyses qualitatives
La GT reste une démarche qualitative à part entière; elle explore un phénomène du point de vue des personnes qui y sont impliquées, chercheur inclus. Définir la place de la GT dans les analyses qualitatives supposerait l’existence d’une classification ou d’une typologie clairement établie.
Or il n’en n’est rien. Il existe des classifications selon les types de méthodes de recherche comme la classification de Wolcott en 2001, focalisée sur les techniques les plus courantes de recueil de données (observation participante, entretien et analyse documentaire), la typologie de Tesh (1990) construite à partir des procédures d’analyses des données, et la conceptualisation de Denzin et Lincoln (2005) du processus même de la recherche. D’autres tentatives de classifications ont été publiées dont celle de Flick (2002), élaborée à partir de trois perspectives de recherche : les approches subjectives, la description de situations sociales dérivées du constructivisme, les analyses herméneutiques plus proche de la psychanalyse. À chaque perspective correspond des méthodes de recueil de données et des méthodes d’analyse spécifiques. Les conceptions de la recherche qualitative ainsi que la terminologie utilisée par les chercheurs sont très différentes.
Les manières de classer ces approches et de penser ces dispositifs demeurent donc très variées et témoignent encore de difficultés à la fois conceptuelles (définition) et terminologiques. Par exemple la phénoménologie, position théorique pour Flick (2002), est une stratégie de recherche pour Denzin et Lincoln. La recherche qualitative valorise l’exploration inductive de la réalité humaine et en élabore une connaissance holistique. Si nous partons du point de vue de ce fondement spécifique d’une approche inductive commune à toutes les recherches qualitatives, nous pouvons proposer la GT comme figure de référence paradigmatique pour les autres méthodes car l’induction se déploie tout au long de ses processus de collecte, d’analyse et de conceptualisation des données.
Nous pouvons par exemple la comparer avec une autre méthode d’analyse qualitative utilisée en recherche médiale : l’approche phénoménologique et interprétative. Décrite par Smith, elle permet d’explorer en profondeur comment l’individu donne du sens à l’expérience qu’il vit, d’investiguer ce qui est perçu, vécu et comment cela est vécu. Elle s’appuie sur le modèle épistémologique constructiviste, où la connaissance émerge d’un processus humain de construction et de reconstruction. Ce modèle est issu des concepts kantiens de la connaissance des phénomènes qui résultent d’une construction effectuée par le sujet. La réalité n’est alors pas une donnée brute, intrinsèque, objective et objectivante mais bien une co-construction dans une relation d’interdépendance permanente entre le sujet, l’objet et le monde (Husserl, 1993). Le recueil et l’analyse d’un récit d’expériences permettent d’explorer le vécu interne du participant, et par là-même de co-construire avec lui une réalité psychique du vécu.
Les retranscriptions d’entretien de chaque participant sont lues au moins dix fois, puis des commentaires sont inscrits dans la marge ce qui permet d’identifier les premiers thèmes émergents et leur analyse subséquente. Des significations peuvent apparaître à chaque lecture. Les thèmes récurrents, qui représentent un partage de compréhension du phénomène entre les participants, sont ensuite repérés. Enfin les thèmes récurrents sont ensuite regroupés, organisés selon une thématique plus globale, en rapport avec notre question de départ, et répond à la catégorie des méta-thèmes ou thème super-ordinate selon la terminologie de Smith.
Cette démarche d’analyse se veut un processus interprétatif en deux temps et implique une double herméneutique. Nous supposons que la perception de chacun des participants à la recherche est unique. Nous postulons cependant qu’une certaine partie de cette réalité personnelle est partagée par d’autres. L’objectif est de mettre en évidence les similitudes et les différences entre les récits, de distinguer les schémas récurrents ou patterns en tenant compte des différences et des divergences dans les contenus des récits.
La proposition d’une approche essentiellement inductive en recherche se confronte donc à plusieurs limites (Anandòn, Guillemette, 2007). La première concerne l’échantillonnage théorique puisque celui-ci comporte une dimension déductive, nous l’avons vu précédemment. La deuxième se réfère à la fameuse abstraction théorique. Si cette suspension de la référence théorique permet cette ouverture à « l’inédit » (Guillemette, 2006), il est illusoire de prétendre à une tabula rasa théorique du chercheur qui s’approcherait de son objet de recherche vierge de tout a priori. Les résultats d’une recherche ne pourront jamais être totalement et purement construit a posteriori. La troisième limite se rapporte à l’interprétation par les acteurs de la recherche euxmêmes. Le chercheur propose une interprétation de données déjà pondérées d’un univers théorique qu’il doit prendre en compte. Cette considération articule des aspects spéculatifs et des aspects déductifs (Strauss et Corbin, 1990).
Discussion
L’une des difficultés de l’utilisation de la GT est de savoir; de quelle GT parle-t-on ? D’autant plus, lorsqu’elle est utilisée dans des disciplines, où l’analyse qualitative n’est pas une démarche habituelle. Cela demande un travail de clarté et d’explication de la part des auteurs.
Pour exemple, est-ce que ces derniers abordent une voie comme celle de Charmaz, qui assume les effets du chercheur sur les données, ou plutôt celle de Katz en 1983, qui affirme : « la présence de l’enquêteur ne transforme pas la nature des interactions observées ».
Ce travail d’explicitation de la méthodologie utilisée est nécessaire à toute étude utilisant la GT. Il facilite la compréhension de la voie utilisée par les chercheurs, mais cet effort de transparence contribuera également à la clarté de la GT dans la recherche en général. Grâce à cela la GT ne sera pas confondue et perdue dans un amas d’outils qualitatifs.
La principale ambition de la GT est de faire émerger des théories du terrain, pour cela un des gages donnés est la mise à distance des théories préexistantes qui pourraient étouffer cette émergence. Se défaire de ses théories ne serait-il pas une utopie ? Oui, en partie. Mais pour tendre vers cette utopie, le travail de groupe et surtout l’interdisciplinarité élargissent les préconceptions.
Pour se rapprocher encore plus de cette utopie, on peut ajouter la confrontation aux données empiriques; bien que soumises à des catégories propres aux chercheurs, ces données apporteraient variations, modifications et pas de côté aux cadres préconçus des chercheurs.
On peut donc définir deux mises à distance : celles des préconceptions propres à celles du chercheur, que l’on vient de décrire; puis la mise à distance des théories de la littérature concernant l’objet de la recherche. Cette démarche, poussée à l’extrême, amène à une sorte d’abstraction des données existantes et peut avoir comme défaut de réinventer la roue. Néanmoins, même si cela peut être vrai au cours de certaines étapes de l’analyse, d’autres étapes peuvent améliorer cette roue déjà inventée en contribuant à sa description d’une autre manière.
On comprend très bien que l’étape abductive de Angot et Milano, décrite dans cet article lors de l’étape de catégorisation, peut modérer ce risque en comparant les théories de la recherche avec celles déjà existantes (si elles existent sur le sujet).
Une autre ambition de la GT est la généralisation. Plusieurs éléments peuvent à l’inverse amener vers une fermeture du sujet de recherche, si des précautions ne sont pas prises, ou si la méthodologie n’est pas comprise. Le choix du terrain de l’étude peut d’ores et déjà porter à critique. Néanmoins, nous avons souligné que l’objet de la recherche n’est pas défini en amont de l’étude. C’est l’analyse des premiers entretiens et leur comparaison qui fait apparaitre l’objet, ou une nouvelle partie de celui-ci, et qui le modifie par la suite. De ce fait, ce n’est plus le terrain qui est étudié mais bien la personne ayant vécue, grandie, habitée sur ce terrain. Ce sera de l’étude du cas de la personne que la généralisation deviendra alors possible.
Ou plutôt de l’étude de plusieurs cas, qu’une théorie pourra émerger. Une théorie qui s’appliquera soit à une zone bien délimitée; un champ précis de connaissance, soit à un domaine plus vaste.
On peut prendre pour exemple de cette généralisation notre étude sur les AFT. En fonction des données retrouvées et de leur analyse notre théorisation portera :
-
De façon limitée; aux autres personnes placées en AFT.
-
Plus largement; aux enfants placés en général.
-
Au plus général; à toute séparation.
Partir du singulier pour aller vers l’universel; aller du cas à la généralité, quoi de plus proche que de l’oeuvre de Freud ? Avec Cinq psychanalyses, les cas uniques de l’Homme aux rats et du petit Hans, permettent une réflexion sur la psychopathologie d’un grand nombre de personnes.
Les similitudes, ou tout du moins les points d’appuis avec la psychanalyse ne s’arrêtent pas là. Autre point : le début de l’analyse. Que ce soit dans la cure ou dans l’analyse des données, les sujets questionnant n’apparaîtront qu’après une première phase d’approche. L’objet de recherche dans la GT n’est que supposé en début d’analyse, puis il se précise et s’affine pour devenir un objet de recherche définitif, sur lequel l’analyse se concentrera. Quant à la cure, les premiers sujets de l’analyse ont vite laissé place à d’autres au fil des séances. Le changement d’objet apparait commun à ces deux domaines.
Toujours au sujet des ponts entre GT et psychanalyse, notons l’importance primordiale donnée à la place du chercheur, de l’analyste ou plus généralement de la personne qui fait face au sujet, dans ces deux disciplines.
Cette place dans la GT est au centre d’une tension permanente qui s’établie entre imagination et scientificité, entre subjectivité et objectivité. À ce sujet, Charmaz en 2005, assume la position constructiviste de la position du chercheur sur les données. Comme Widlöcher en 1996 qui souligne que le cas rapporté est une coconstruction, qui engage la subjectivité de l’analyste. Ce n’est pas une observation mais le récit d’une interaction psychique. Malgré tous ces liens possibles, la pratique de ces deux disciplines est différente. Notamment au sujet de la demande qui ne vient pas de la même personne. Le chercheur est venu généralement demander du temps au participant à un moment propice pour l’étude. Ce qui dénote de la position analysant/analysé.
D’ailleurs certains auteurs se sont arrêtés sur cette position chercheur/sujet. Pour Bowers (1988), ce n’est pas l’enquêteur qui possède l’expertise du sujet mais plutôt l’interviewé, Néanmoins, cette position évolue très souvent dans le temps de(s) l’entretien(s). La position de l’enquêteur devient celle du sachant. La place interlocutive du chercheur varie entre position d’expert, de complice ou de juge.
Pour terminer cette mise en perspective entre GT et psychanalyse, rappelons que Laplanche disait que la psychanalyse pouvait s’étendre à des productions humaines pour lesquelles on ne dispose pas de libre association. La position d’écoute, de travail clinique du psychanalyste est une position sans a priori sans hypothèse avant de le rencontrer, sans être de la psychanalyse et même sans évaluer l’effet du transfert/contre-transfert. La GT rejoint la psychanalyse sur le souhait de laisser émerger du terrain les données et les pensées. Cette émergence ne doit et ne peut se faire qu’avec un cadre laissant apparaître. Un cadre qui rappelle les qualités d’un bon thérapeute « sans mémoire ni attente » selon Bion3.
Conclusions
Cet article permet de découvrir, d’approfondir et de discuter de l’intérêt de la GT dans la recherche, notamment dans la recherche médicale française, et psychiatrique tout particulièrement. De notre point de vue, cette méthode apporte un avantage conséquent sur le travail d’interdisciplinarité. Elle est un lieu de rencontre pour que des personnes avec des outils de réflexion différents se regroupent et éclairent de leur lumière respective un discours, une personne.
Le terme d’interdisciplinarité est souvent utilisé de manière maladroite et de façon très floue. Il prend dans cette méthode un sens clair. Lors des premières étapes de l’analyse (codification et catégorisation) le regard des différents professionnels (sociologue, psychologue, psychiatre, anthropologue, etc.) sur un même texte permet à chacun d’entre eux de rester à sa place, avec sa sensibilité. Grâce à cette possibilité offerte par ce lieu de rencontre, le codeur/le chercheur ne se prend pas pour un autre professionnel. Il n’essaye pas de s’accaparer pour l’occasion d’une recherche, des concepts qui lui étaient inconnus auparavant, et qu’il utiliserait maladroitement. La GT permet un travail que nous appelons : l’interdisciplinarité maîtrisée.
De quel type de GT s’agit-il ? On a pu souligner les différentes évolutions et les dénominations variées qui abordent ce sujet. La GT, la TA, la théorisation enracinée ne sont pas des termes qui s’opposent en tous points mais il est important d’en comprendre les subtilités. On y trouvera notamment la position du chercheur dans son étude et son niveau d’implication dans les résultats finaux.
Comme nous le disions dès les premières lignes de cet article, la GT a 50 ans cette année. Pourquoi ne l’utilise-t-on pas depuis ? Si elle est si bien pourquoi n’est-elle pas apparue plus tôt ? La contrainte de temps, le travail de groupe et donc l’énergie importante qui doit être déployée sont certaines des raisons de la sous-utilisation.
Comme dans toute recherche, mais encore plus dans ce domaine, la GT demande beaucoup de temps, une honnêteté intellectuelle et une rigueur scientifique. C’est l’évaluation du discours d’humain par des humains. Une activité longue mais riche de découverte sur le chemin.
Mais une raison plus linguistique de cette sous-utilisation est à noter. Pendant longtemps nous devions étudier en France l’ouvrage en anglais de Glaser et Strauss ou des analyses et des réinterprétations de textes secondaires en français. Ceci peut expliquer une utilisation tardive et hétérogène de cet outil. Quarantequatre ans ont été nécessaires pour que l’ouvrage soit, en 2010, officiellement traduit en français. Cette lecture francophone explique très certainement l’engouement croissant à l’utilisation de cette technique.
La GT apparaît donc comme une méthode facilitant le développement de nouvelles façons de comprendre. Dans notre étude sur les AFT, nous l’avons associé à des données quantitatives. Non pas pour y mettre des éléments scientifiques validés par tous, mais pour y trouver des liens, des concordances. Nous souhaitions rechercher des variations entre des données qualitatives et des données quantitatives qui peuvent apparaître trop brutes pour certaines analyses de faits humains.
C’est pour ces raisons que nous trouvons un intérêt particulier à l’utilisation de la GT mais encore plus à l’association de la GT avec des méthodes quantitatives. Les objets de futures études pourront donc être appréhendés selon ce canevas mais également des anciens objets. Ceux qui persistent flous, ceux dont on ne comprend pas encore tous les tenants et aboutissants ou qui ne s’expliquent pas au moyen des théories existantes. Ces objets-ci gagneraient à être étudiés sous l’angle de la GT.
Cette envie de mêler GT et quantitatif est une confirmation de l’interdisciplinarité intrinsèque à l’esprit qui entoure cet outil. Une sorte de nouvelle façon de faire de la recherche, avec un ton polémique et dynamique.
Un ton et une liberté d’émergence qui nous a fait penser à la psychanalyse. Nous traiterons plus en détail dans un autre article, des comparaisons mais surtout de l’utilisation de la GT dans la recherche en psychanalyse. Néanmoins plusieurs liens mis en exergue précédemment laissent à penser que la GT et la psychanalyse peuvent travailler dans une interdisciplinarité maîtrisée.
Pour poursuivre cette idée et conclure cet article, nous parlerons de l’élément le plus important de la GT : la variation qui est également l’essence du fait humain, et qu’il faut entendre dans sa définition musicale. Cette variation qui laisse le thème original discernable, mais change le ton, la mesure ou le rythme. Elle constitue l’instrument clé de la GT. La GT apporte à des textes et également à des données quantitatives, de façon méthodique et rigoureuse, une polyphonie probablement inaccessible autrement.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Remerciements
Cette recherche a été approuvée le 10 mars 2015 par le Conseil d’Évaluation éthique pour les Recherches En Santé (CERES) no 2015/10.
Nous remercions toutes les personnes qui ont accepté de participer à cette recherche et ainsi que les anciennes et actuelles familles d’accueil pour leurs liens si importants. Nos remerciements s’adressent également à tous les anciens et actuels membres des équipes d’AFT des secteurs de 86-I-06, 75-I-03, 75-I-01 et 91-I-05, et ainsi qu’à leurs établissements de rattachement le CH Henri Laborit de Poitiers, les EPS Maison Blanche de Neuilly-sur-Marne et Barthélémy Durand d’Étampes et les Hôpitaux de Saint Maurice pour leur support technique.
Cette recherche a été cofinancée par l’Observatoire National de la Protection de l’Enfance (ONPE ex- ONED) et le Réseau d’Intervenants en Accueil Familial d’Enfants à dimension Thérapeutique (RIAFET).
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