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Perspectives Psy
Volume 54, Numéro 4, octobre-décembre 2015
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Page(s) | 293 - 295 | |
Section | Avant-Propos | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ppsy/2015544293 | |
Publié en ligne | 15 janvier 2016 |
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées… dix ans après
The February 11th, 2005 bill on the rights for handicapped people, ten years later
1
Université Paris 7 Denis Diderot et Unité de Recherche Santé Mentale et Handicap Psychique, EPS de Ville Evrard, 93330
Neuilly-sur-Marne, France
2
Praticien hospitalier, Pédopsychiatre, chef du pôle 93I03, EPS de Ville Evrard, 93330
Neuilly-sur-Marne, France
*
alain.leplege@univ-paris-diderot.fr
**
b.welniarz@epsve.fr
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées modifie, 30 ans après la loi de 1975, l’appréhension légale de la notion de handicap. La loi de 1975 érigeait en obligation nationale « le droit au travail, le droit à une garantie minimum de ressource par le biais de prestations, le droit à l’intégration scolaire et sociale »; la loi de 2005 donne une définition du handicap, définit une politique de compensation du handicap et substitue la notion d’inclusion sociale à celle l’intégration. Cette loi n’a pas été pensée pour le handicap psychique et des adaptations ont été nécessaires pour son application dans le champ de la santé mentale. Dix ans après sa promulgation, nous proposons ce dossier en guise de bilan provisoire pour contribuer à la rélexion sur certaines des modifications des pratiques induites par ce texte tant au niveau du handicap psychique de l’adulte que de l’enfant.
Parallèlement à l’avènement de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui a reconnu les situations de handicap associées aux maladies psychiques, on a assisté à un déplacement de personnes atteintes de maladies psychiques du secteur sanitaire vers les secteurs médico-social et social. Ceci a conduit à bouleverser les modalités d’accueil et de prise en charge et à repenser la mise en œuvre des soins (somatiques, psychiatriques et psycho-éducatifs) pour un accompagnement optimal de ces personnes. En effet, si les sujets en situation de handicap psychique ont besoin d’aides de vie et d’accompagnements, ils continuent d’avoir besoin de traitements médicaux et de soins. La nécessité de cette conjonction de traitements, de soins et d’aides de vie dans le domaine de la santé mentale et du handicap psychique pose de nombreux problèmes conceptuels et pratiques qui sont abordés dans l’article d’Alain Leplège, G. Bruneau et J. Boudvin.
L’objectif de la loi du 11 février 2005 est clairement celui d’une inclusion sociale des personnes handicapées et de l’individualisation des réponses au plus près du droit commun accessible à tout citoyen. Cette loi a profondément remanié le paysage institutionnel en confiant aux nouvelles Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) des missions d’accueil, d’accompagnement, d’évaluation des besoins, de proposition de réponses, de décision et de suivi des situations de handicap. Ces missions vont bien au-delà de la vérification administrative de conditions d’ouverture de droits, de l’évaluation de la situation et des besoins devant s’appuyer sur une approche globale et multidimensionnelle, conforme à la définition du handicap. Dans ce nouveau cadre, le certificat médical qui doit être obligatoirement fourni à la MDPH est une première étape essentielle, conditionnant la qualité et la fluidité de l’évaluation et des propositions de réponses qui vont suivre. Mais le seul diagnostic médical de l’affection causale ne saurait à lui seul informer sur la situation de handicap. En particulier pour les personnes handicapées par des troubles mentaux chroniques, une vision dynamique de l’ensemble des composantes de sa situation, et notamment de son environnement, est indispensable. Dans son article, Pascale Gilbert attire l’attention sur l’importance du partage d’information avec l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH qui implique un échange entre les acteurs et une connaissance mutuelle des rôles de chacun.
Les placements en Belgique de personnes handicapées françaises ont récemment fait l’objet de bruits médiatiques à la suite de la parution de plusieurs livres et rapports. Le manque de place en France a été dénoncé et l’État a été mis en cause pour ne pas avoir satisfait à ses obligations légales imposées par la la loi du 11 février 2005 et la Convention des Nations Unies de 2006. Qu’en est-il en réalité ? S’agit-il d’un manque effectif de places et de moyens ? S’agit-il d’une population à étiologie particulière et à besoins spécifiques ? S’agit-il d’un écart de compétences entre les équipes françaises et belges ? S’agit-il de l’évolution des demandes et d’une inadaptation des réponses à cette évolution ? L’article de Corinne Bebin, J.J. Detraux, A. Marques, M. Di Duca, L. Fabas et A. Leplège n’a pas pour objet de comparer les prises en charges en France et en Belgique; il a pour seule ambition de soulever des questions et, à partir des éléments chiffrés disponibles, de proposer des pistes de réflexion qui pourraient conduire à des réponses à mettre en place.
Si la loi de 2005 a été généralement favorablement accueilli par les psychiatres d’adulte, il en a été tout autrement par les pédopsychiatres. Une enquête a été réalisée en 2008 auprès des pédopsychiatres de trois départements français (Welniarz, 2005). Ils ont exprimé leurs critiques sur l’application de la nouvelle loi et, après avoir déploré l’extension de la notion de handicap à l’inadaptation scolaire, ils ont souligné que cette loi désorganisait le partenariat qui avait été patiemment tissé à partir des institutions de la loi de 1975 (par exemple : CCPE, CCSD). De plus, l’allongement des délais de traitement des dossiers inhérents à la mise en place des nouvelles équipes des MDPH ne répond toujours pas dans certains départements aux exigences de réactivité de l’évolution clinique des patients. La place du soin psychique n’a pas été pensée par cette réglementation (Welniarz, 2011) et il occupe une position satellite du Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS) renvoyant ainsi l’enfant avant tout à sa qualité d’élève plus que de personne. Dix ans après force est de constater que la nouvelle définition du handicap – celle de situation de handicap – n’est toujours pas intégrée par les familles et que le ressenti des familles devant remplir une dossier MDPH pour obtenir, par exemple, quelques heures d’auxiliaire de vie scolaire pour un enfant de petite section de maternelle agité, est traumatique. Il s’agit d’un traumatisme d’annonce de handicap sans que rien ne soit en place pour un accompagnement de la famille. Le court-circuit des institutions de pédopsychiatrie publique, des Centres Médico-Psychologiques (CMP), qui avaient auparavant un rôle de pivot, d’orientation et d’accompagnement, laisse les professionnels de terrain de l’éducation nationale – directeurs d’école, psychologues scolaires, rares médecins scolaires – en prise directe avec l’annonce de ce handicap psychique.
Néanmoins cette loi a aussi des aspects positifs qui ont entrainé une modification des pratiques de la pédopsychiatrie.
Le texte de Catherine Isserlis nous relate sa participation à une expérimentation réalisée il y a déjà plus de 5 ans par la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) portant sur l’évaluation conjointe des équipes de pédosychiatrie et de la MDPH pour des personnes souffrant d’un handicap psychique. Depuis, un rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) sur le fonctionnement des MDPH a donné quelques préconisations destinées à mieux positionner leur rôle. Les MDPH ont elles-mêmes rendu un rapport d’activité avec des pistes d’amélioration de leur fonctionnement. Mais leur accès reste souvent difficile et leur délais d’instruction des dossiers trop longs. Son texte nous conduit à mesurer les difficultés de l’évaluation globale pour les enfants souffrant de troubles psychiques et à questionner le rôle que le CMP peut y tenir.
Enfin, l’article de Denis Bochereau et Isabelle Lemaistre montre comment la pratique de la pédopsychiatrie de secteur a su s’adapter avec intelligence à la nouvelle réglementation au travers une mobilisation considérable de la part de multiples partenaires autour des enfants présentant des troubles du spectre autistique. Ce « remodelage » du réseau partenarial peut réellement apporter des aspects positifs pour l’enfant. Néanmoins il demande une plus grande implication prenant beaucoup de de temps à des structures de soins souvent déjà débordées.
Ce dossier se veut un outil de réflexion face aux nombreuses questions qui restent ouvertes. Nous en formulerons une dernière : devant le nombre de patients et surtout d’enfants sans solution; c’est à dire demeurant à la maison entièrement à la charge de leurs parents – et ce sont les patients les plus lourds – comment se fait-il que la MDPH n’ai pas la possibilité d’imposer ses choix plutôt que de faire des notifications et ensuite de laisser les établissements choisir leurs patients. Pourquoi le secteur médico-social, financé par l’assurance maladie ne serait-il pas astreint à des responsabilités de service public ?
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
- Welniarz B., Lecocq, D. Betremieux, M. Entre soins et éducation : comment les pédopsychiatres perçoivent-ils la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005. Psychiatrie Française, 2008, no 2, pp. 82–90. [Google Scholar]
- Welniarz B. Les nouvelles articulations entre l’école, les structures médicosociales et les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile induites parla loi du 11 février 2005. (Communication au colloque de la SFPEADA du 11 décembre 2009). Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence, 2011, 59, 4, pp. 235–239. [CrossRef] [Google Scholar]
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