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Perspectives Psy
Volume 50, Numéro 4, octobre-décembre 2011
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Page(s) | 354 - 358 | |
Section | Libre cours | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ppsy/2011504354 | |
Publié en ligne | 9 février 2012 |
« Je voulais te dire… »
«I wanted to tell you…»#
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Éducatrice spécialisée, Hôpital de jour du Centre Marie-Abadie, 41, rue Raymond Losserand, 75014 Paris, France
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Psychologue-psychothérapeute, Hôpital de jour du Centre Marie-Abadie, 41, rue Raymond Losserand, 75014 Paris, France
La présentation de notre travail s’est faite à la journée nationale des hôpitaux de jour par l’Association Nationale des Hôpitaux de Jour (ANHDJ). C’est un moment d’échange sur nos pratiques professionnelles. Le sujet commun de cette année est : « Parents-Institution : l’invention d’une rencontre ».
À l’heure ou les méthodologies comportementalistes sont souvent présentées comme devant prendre le relais des méthodologies psycho-dynamiques qui seraient à bout de souffle, il nous semble important de nous recentrer sur le sujet de notre pratique, c’est-à-dire l’enfant dans le travail de lien avec les familles.
Nous avons mis au travail une situation récente d’intégration auquel les parents n’ont pas souhaité donner suite. Cet événement clinique dans notre institution nous rappelle que chaque famille interroge, dans les dits et dans les non-dits, la prise en charge proposée.
Le débat a porté sur les questions suivantes : y a-t-il une spécificité d’accueil des tout-petits ? La découverte de la pédo-psychiatrie par les familles ? Quelle transmission aux familles de nos méthodes de soin afin d’avoir un consensus ?
La prise en charge, dans sa singularité, s’inscrit dans une méthode de travail qui pour être efficiente doit être sans cesse interrogée. Les échecs de prise en charge font partie intégrante du travail institutionnel et doivent être travaillés particulièrement.
La préparation de cette journée des hôpitaux de jour, autour de la réflexion du travail avec les parents, nous donne l’occasion de réfléchir sur une situation récente.
Elle interroge notre pratique dans un moment particulier qui fut celui de l’accueil et des premiers mois d’un enfant et de sa famille au sein de notre institution. Un accueil interrompu au bout de quelques mois par la décision des parents de retirer leur enfant et de lui proposer un nouvel établissement.
Notre questionnement a commencé dans l’après-coup du départ de l’enfant, par l’équipe éducative avec laquelle il avait noué une relation. Le ressenti était resté sur une question hypnotisante et non travaillée, « que s’était-il passé » ?
Mais notre réflexion fut orientée par le comportement de Tobias lors des deux dernières semaines avant son départ. Ainsi une interrogation s’est précisé « qu’est-ce que nous aurions pu accompagner du dire de Tobias auprès de ses parents ? »
Du côté parental quelque chose nous avait échappé et que pouvions-nous retenir de ce que Tobias nous avait montré ?
En partant, cet enfant nous a laissé un message sur ce que nous aurions à travailler et sur ce que nous n’avons pas pu dire à ses parents, afin que nous puissions être plus vigilants dans nos accompagnements des enfants autistes à Marie Abadie
Une annonce bien difficile à recevoir
Invitée par le directeur, l’équipe éducative du groupe le suivent dans son bureau. S’y trouvent déjà tous les cadres puisque cela fait suite à une réunion de travail les concernant. Le directeur annonce « Tobias…s’en va, il arrête M.A (Centre Marie-Abadie) aux vacances de Février, c’est-à-dire dans deux semaines. Les parents ont choisi un autre établissement pour leurs fils ». Nous apprenons qu’il a été accepté dans un autre établissement sans visite préalable et qu’il n’y a pas de désir de leur part de nous contacter. Coup au cœur dans les poitrines, des « gloups » coincés dans la gorge, interloquée, un silence s’impose à nous. Les questions que l’on se pose d’emblée laissent apparaître notre difficulté : « pourquoi ? », « qu’est ce qui s’est passé ? » « C’est pas juste pour leur fils », « qu’est ce qu’on a fait ou pas fait ? ».
Figée dans ce moment, l’équipe aura bien dû mal à le dépasser d’autant plus que le temps d’avant les vacances donne l’impression « d’un compresseur ». Il renforce le sentiment d’être pris au dépourvu et lié avec celui d’une l’impuissance, d’un « on ne peut rien y faire, c’est comme ça ».
La rencontre
Lors d’une admission, il y a eu plusieurs étapes à M.A. Les parents sont amenés à rencontrer le médecin psychiatre, la pédiatre et le (ou la) psychologue qui suivra l’enfant. L’éventuelle admission est discutée en CME (commission médicale d’établissement) et les différents professionnels nous parlent de l’enfant et des parents qu’ils ont rencontrés au cours de leurs entretiens et nous proposons des jours d’observations sur le groupe.
Ceux-ci permettent à l’équipe éducative d’évaluer la possibilité d’accueillir ou non cet enfant et de mettre en jeu « notre désir ».
Pour accueillir Tobias dans le groupe des petits, nous sommes deux éducatrices, Marie et moi-même, et une infirmière Isabelle, ainsi que les cinq enfants du groupe présent.
Bien que les parents de Tobias soient séparés, nous les avons rencontrés tous les deux durant les trois demi-journées. Leur présence est bienveillante et ils passent du temps avec Tobias sur le groupe. Ils demandent le prénom des autres enfants, aident leur fils à découvrir les objets du groupe, posent quelques questions comme « comment cela se passe avec Tobias ».
La maman est anglaise et parle dans sa langue maternelle à Tobias. Elle y associe le français qu’elle maîtrise par ailleurs très bien. Le père est français mais il peut aussi parler en anglais à son fils.
La première journée, Tobias arrive avec sa maman. Quand je m’approche de lui pour me présenter, il veut me griffer et me tirer les cheveux. Il me regarde, semble là, présent. Le contact avec Tobias est physique, beaucoup de choses passent par le corps.
Les parents sont désolés des agressions que Tobias a envers nous, la maman s’en excuse.
Les parents précisent qu’il avait arrêté ses agrippements agressifs mais qu’il a recommencé depuis peu, de même qu’avec le mouvement du frottement de sa tête sur des surfaces dures. En effet, nous constatons qu’il a une tonsure importante.
Je lui montre le groupe mais il ne veut pas y rentrer tout de suite, il regarde les plafonds du couloir ou s’occupe de la porte dans un mouvement de va et vient.
C’est avec sa maman qu’il entre sur le groupe mais rapidement il colle son dos contre le mur. Il va du mur aux bras de sa maman. Je lui dis « qu’il peut effectivement prendre le temps de s’assurer qu’il peut venir ». Il laisse partir sa maman sans difficulté.
Il se place alors dans un coin de la pièce, sans nous regarder, le dos contre le mur lui permettant de frotter sa tête et nous laisse ainsi nous occuper des autres enfants à qui on le présente.
Ce même jour, il y a chorale au centre Marie Abadie. Dans ce lieu, il est toujours en mouvement. Il ne se pose pas. Il veut aller jouer du piano, tire les cheveux des enfants. Son visage est crispé dans un sourire bien singulier. Je me mets à le tenir fermement lui expliquant la chorale. Il veut me faire mal et s’échapper, mais j’insiste sur le maintien que je lui propose. Au fil de la chorale, quand je desserre un peu mes bras qui l’entourent, il se met à me tenir mes deux index avec chacune de ses mains. Lui aussi me tient. Vers la fin de la chorale, il se met debout tenant toujours mes index et on danse. Son sourire est plus adressé et ses mouvements sont rythmés par la musique.
Le deuxième jour, il arrive avec son papa, il rentre directement sur le groupe puis se poste à côté de la porte. Ce matin là, il veut aller plusieurs fois sur les autres groupes voir ce qui s’y passe. Il montre une curiosité pour M.A. Avec Isabelle, il joue à cache-cache. Elle se cache, il va la chercher, elle lui court après, il se sauve, il rit. Il aura ce jour des larmes silencieuses qui coulent le long de ses joues. La première fois lors d’un jeu avec des voilages qui viennent se poser sur lui. Une autre fois lors du repas alors que tout avait l’air de bien se passer.
Quand son père vient le chercher, il est debout devant le miroir et a l’air de regarder ses pieds tout en faisant des mimiques. Son père se mettra devant pour qu’il arrête. Tobias fait un mouvement pour le pousser, étant absorbé par ce qu’il fait.
Le troisième jour, il arrive avec sa maman et reste entre le couloir et le groupe. Il ouvre et ferme la porte, car il y a un carillon qui fait un son. Marie lui dit bonjour et il l’a regarde.
Il explore le groupe puis joue seul avec des cubes en bois qu’il brasse dans un bac. Il le renverse puis le remplit à nouveau.
Au moment du départ il regarde bien Marie quand elle lui dit « au revoir et peut-être à bientôt. »
Au bout des trois jours d’observation, les parents nous font savoir qu’ils ont très envie que leur fils vienne et disent « j’espère qu’il pourra venir ». Souvent, pour les familles, une tonalité d’urgence existe mais ici nous prenons comme un accord de leur part le fait que Tobias vienne.
En ce qui nous concerne, nous avons envie de le rencontrer. Sa vivacité qui peut être stimulante mais aussi désorganisante serait un point à accompagner. Son sourire et les quelques regards déjà adressés nous laissent penser à une ouverture possible de la relation à l’autre. Nous avions idée qu’il pourrait trouver, à son rythme, une réassurance, tendre vers un apaisement et chercher ensemble ce qui pourrait au mieux lui convenir pour se « rassembler » autrement que dans la tension corporelle et psychique dans laquelle il nous semble être.
Nous l’accueillons à MA en septembre 2007, il a 3 ans et demi.
Notre histoire avec Tobias
Dans le groupe, il commence par explorer tous les bords, il se déplace le long des murs et des coins. En restant en périphérie, il ouvre et ferme la porte, mouvement pour lequel il semble observer ou expérimenter quelque chose. De plus, il allume et éteint la lumière.
Lors des déplacements dans l’institution, il nous suit volontiers vers la cuisine, aux toilettes, pour les récrés, les activités extérieures, bien qu’il ait fait quelques grimaces d’angoisse au début quand on approchait du réfectoire.
À la piscine, il commence aussi par explorer les bords, faire le tour du bassin avant d’apprécier d’y être dedans et accepter quelques jeux avec l’adulte.
Sur le groupe de vie, Tobias choisit les moments et les personnes avec qui il entre en relation. L’infirmière et les éducatrices auront une relation plus ou moins satisfaisante dans les premiers contacts avec lui. Petit à petit Tobias en privilégie une. Il choisit la stagiaire éducatrice que nous avons accueillie quelque temps après lui. Il montre une grande détermination pour que ce soit elle qui s’occupe de lui. Il l’a choisie quand il faut donner la main pour aller jusqu’au bassin de la piscine. Avec elle, il peut accepter quelques moments de calme et répondre à quelques sollicitations de jeux éducatifs.
Il montre qu’il aime les petits jeux de poursuite avec les enfants, les jeux de cache-cache ou encore courir et se laisser tomber sur des coussins, cela le fait beaucoup rire. Il commence à faire quelques sons autres que ceux habituels. À la chorale, nous chantons quelques chansons en anglais qu’on lui dédie.
Nous remarquons que quelques stéréotypies s’amoindrissent et par là même favorisent la repousse d’un duvet de cheveux. D’autres comportements disparaissent un temps comme tirer les cheveux violemment ou mordre.
Cet apaisement nouveau nous montre que Tobias a pris sa place dans le groupe et qu’une autre étape, à partir de la relation que nous avons tissée ensemble, s’engage. Nous commençons quelques propositions d’ateliers.
Dans ce même temps, nous avons une demande de la maman pour qu’on lui écrive un peu plus sur le cahier de liaison ce que Tobias fait la journée.
En effet, nous nous rendons compte que nous ne voyons plus les parents, les ambulanciers ayant pris le relais dans les accompagnements des trajets.
Cette demande pose la question de ce qui se partage, et comment, dans l’arrivée d’un enfant à M.A ?
Six mois se sont écoulés et l’annonce du départ vient questionner notre lien à Tobias.
La reconnaissance de notre lien envers lui est mise à mal. La rencontre avec Tobias a eu lieu mais avec ses parents elle se pose.
Le corps qui parle
Passé le temps de l’annonce, notre préoccupation est « comment l’accompagner dans ce départ, quelle préparation pour lui, quels souvenirs … » Comme le temps est court, nos questions tournent autour de comment lui dire « au revoir » ? Comment lui parler de son passage à Marie Abadie ?
Une première étape s’effectue lorsque Tobias a connaissance par ses parents de son départ. Nous nous autorisons à en parler avec lui et les enfants du groupe.
Assises en rond par terre avec quelques enfants, Tobias nous tourne le dos. Marie évoque son départ et son changement. Il commence à écouter en arrêtant de bouger face à ce mur. Elle parle de son départ de Marie Abadie pour une autre structure : « Nous avons appris que tu allais partir de M.A. Papa et maman ont pensé que se serait bien pour toi d’aller dans un autre établissement.
Tu vas y rencontrer d’autres adultes qui vont t’apprendre des choses nouvelles et t’aider à continuer de grandir. Nous on a été contentes d’être avec toi et toi aussi tu as montré que tu étais content de venir avec nous. Après les vacances, tu ne reviendras pas à M.A mais nous on pensera à toi, dans ton nouveau lieu et on te souhaite de continuer à grandir ». Durant tout cet échange, Tobias se retourne vers nous, se rapproche, s’allonge sur Marie qui parle, tend un bras à la stagiaire éducatrice, puis donne un pied vers un des enfants du groupe et me regarde. Il est calme, fait du lien avec son corps entre toutes les personnes réunies autour de lui. Un lien qui dans son corps a pris corps.
La dernière semaine, dès le lundi matin, il arrive sur le groupe en courant, très déterminé, se plante au milieu de la pièce puis s’arrête, tendu comme un « i ». Puis repart fermer la porte violemment. On lui dit notre étonnement et on lui signifie qu’il n’est jamais arrivé comme cela dans le groupe. Toute la semaine, il sera sensible d’une autre manière au mouvement de la porte car chaque fois qu’elle s’ouvre, il grimace comme d’une douleur ou d’une colère peut-être et va la refermer. Il fera ainsi visant à dire peut-être dans « ses derniers appels », ce quelque chose de sa place à Marie Abadie. Déterminé par une « mise-en-corps de la parole » (Claire Duguet, 2008).
De cette rencontre qui s’est opérée aussi pour lui, mais… qui pourrait le dire à ses parents ?
Cela nous laisse le sentiment qu’il est le seul à croire à sa place qu’il défend. On peut l’imaginer dans l’urgence qu’il y a pour lui à refermer la porte du groupe.
Les professionnels de l’institution ne sachant où situer une intervention possible, une parole.
La fête organisée pour son départ est un « éparpillement », d’abord du gâteau puis du cadeau et au fait qu’aucun d’entre nous n’arrive à retenir son attention, il est comme désorganisé, bouge dans tous les sens.
Ses parents l’attendent avec la psychiatre et quand j’arrive avec Tobias, sa maman prononce son prénom, son papa s’accroupit et lui tend les bras. L’accompagnant, je suis sur le côté et la psychiatre de l’autre côté de Tobias. Il me surprend car il ne va voir aucun de ses parents, il trépigne sur place, je crains même qu’il ne recule. Quelques secondes plus tard son papa l’attrape.
Mon malaise, pour ma part, se fait sentir, je sens que quelque chose ne se transmet pas. La maman s’excuse que cela se passe si vite.
Je ne peux répondre, mes idées s’ordonnent mal dans ce moment.
Cependant, je continue de suivre Tobias avec ses parents à l’extérieur où attend l’ambulance. Les parents réglant entre eux quelques points, je profite de ce moment pour lui dire ce que je crois comprendre : « peut-être que tu es en colère que nous n’ayons pas défendu auprès de tes parents ta place. J’en suis désolée, je me rends compte de tout ce que tu nous as montré ces derniers jours mais je ne peux rien faire ».
Cette parole, qui me traverse, m’étonne et me révèle ce que je ressens.
Comment dire notre ressenti de ce que nous avons perçu de la posture de Tobias ?
Hypothèses et réflexions
Il y a plusieurs aspects dans ce travail, avançons-nous de trois pas.
Un premier pas concerne ce qui est exposé de notre position auprès de l’enfant.
Je rappelle que à M.A nous nous appuyons sur la psychanalyse et puisque nous travaillons avec cet outil c’est qu’elle est pour beaucoup d’entre nous « notre boussole, et que nous supposons qu’il y a là un sujet à qui l’on tente de donner une parole » (L. Mazza-Poutet, 2008).
Donner un sens aux manifestations des enfants autistes n’est pas facile au quotidien et pour les parents et pour l’institution, même si cela est un des éléments de notre travail, puisque nous leur prêtons nos mots, notre ressenti et donc une part de nous-même. Pouvoir repérer alors leur propre décalage subjectif, c’est-à-dire en dehors de nous-même, demande souvent beaucoup de temps. Le restituer encore un autre et encore un autre temps pour qu’il fasse lien entre tous mais c’est essentiel.
Le « dit » de l’enfant se comprend dans une dimension relationnelle, c’est notre travail d’accompagnement quotidien pour les amener vers une relation plus ouverte sur le symbolique et l’autre. Dans le quotidien des rituels de l’enfant, petit à petit nous amenons du différent, une remarque, une coupure, une ponctuation. Faire exister le monde qui les entoure sans être trop intrusif ou persécuteur.
Un deuxième pas est celui de l’institution. Cette situation nous montre comment l’institution peut aussi se laisser prendre par une pensée collective, « on ne peut rien y faire, c’est comme ça » et par l’effet de surprise alors que nous pouvons encore œuvrer jusqu’au bout à garantir à un enfant l’écoute de son vécu et en faire un lien avec ses parents quelle que soit leur position.
Peut-être là avons-nous failli de ne pas avoir pu signifier aux parents ce que nous percevions des positions subjectives montrées par leur enfant.
Dire aux parents comment leur enfant a réagi avec nous suite à l’information de son changement de soin, c’est redonner à Tobias toute sa place en tant que sujet.
Cela peut les amener à repenser leur démarche prise comme un « passage à l’acte » et les amener à ce qu’elle ne s’inscrive pas dans une répétition.
La rupture n’est pas forcément « passage à l’acte ». Dans certains cas, nous pouvons faire un travail d’accompagnement, dans d’autres nous pensons « subir » les décisions par exemple ici parentales.
Nous pouvons penser qu’une lanterne rouge devrait s’allumer chaque fois que nous serions dans un état de « subir » une situation. Nous réunir et poser les choses afin que notre réflexion se remette en route paraît nécessaire. Se poser la question : pourquoi on se laisse « subir » dans cette situation ? Que se passe t-il ?
Prendre le temps de la réflexion pour ne pas donner des réponses « en miroir » d’une attitude parentale.
Cette situation rappelle l’importance de resserrer notre travail auprès des parents, notamment en passant par le travail institutionnel.
Par ailleurs, il est important de prendre au sérieux cette demande parentale que je traduirai par : « Que fait notre enfant à l’Hôpital de Jour, à quoi passe t-il son temps » ?
Si nous ne travaillons pas suffisamment avec les parents nous risquons les pentes glissantes d’une position de toute-puissance, qui consisterait à exclure l’un des termes de la triade.
Nous avons vu que pour Tobias, il était entré dans l’institution, y avait trouvé une place dans l’accueil que lui avait fait les intervenants de M.A. mais pour ses parents le vécu n’était pas le même. Se posait la question de la bonne place pour leur fils.
Il faut un temps pour que s’inscrive quelque chose, un ancrage. Le temps de Tobias ou des enfants en général n’est pas le même que le temps parental. Et le temps que chacun va prendre pour entrer en institution relève du particulier, chacun inscrit dans son histoire et son évolution.
Alors quel travail avec les parents ou, pour en revenir à ce qui nous concerne, quelle invention ?
Tout en restant prudent, on peut avancer qu’accueillir l’enfant est notre tâche quotidienne mais que le travail avec les parents est un enjeu institutionnel. Sans les parents point d’enfant. Sans un minimum de collaboration de l’institution avec eux pas de rencontre possible.
Entendre là où en est chaque parent avec leur enfant permet une « collaboration raisonnée » d’ou peut se déduire une logique d’accompagnement ajustée car singulière. Un fil conducteur que chacun pourrait tenir, tisser dans le suivi et qui, dans notre situation présentée, semble ne pas s’être trouvé.
Ainsi, chaque parent nous oblige à cette mise au travail, car dans chaque rencontre existe le risque de la rupture.
Un autre point de travail, qui sera notre dernier pas, pourrait être de repérer dans les départs qui ne sont pas « organisés » quelle peuvent être les motivations parentales.
Quelles ont pu être les motivations parentales pour Tobias ?
Il est intéressant d’essayer d’y réfléchir même si nous savons que beaucoup d’éléments de leur réflexion nous échappent.
Comme beaucoup d’autres parents, ceux de Tobias ont fait beaucoup de démarches vers d’autres institutions avant que leur enfant ne soit accepté à M.A.
Ils se sont sans doute plus ou moins projetés dans les différentes institutions, équipes et méthodes qui leur ont été proposés.
Néanmoins, il nous a semblé que leur choix en cours de route n’était pas motivé par un élan de reproche envers M.A.
Nous supposons par exemple que la langue maternelle dans laquelle baigne Tobias a pu être un élément important dans la décision de ce changement.
Pour finir, il nous semble que travailler autour de leurs différentes motivations peut ouvrir sur un échange et nous permettre d’évaluer les perceptions que les parents ont de ce que l’on propose à leur enfant.
Références
- Duguet, C. (2008). Une pratique clinique de l’anorexie. In La clinique de l’enfant et de l’adolescent dans l’institution. Mensuel de l’École de psychanalyse des Forums du Champ Lacanien (EPFCL), 34 : 42. [Google Scholar]
- Mazza-Poutet, L. (2008). Un enfant dans l’institution. In La clinique de l’enfant et de l’adolescent dans l’institution. Mensuel de l’École de psychanalyse des Forums du Champ Lacanien (EPFCL), 34 : 16. [Google Scholar]
© GEPPSS 2011
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