Numéro
Perspectives Psy
Volume 50, Numéro 2, avril-juin 2011
Page(s) 133 - 138
Section Articles originaux
DOI https://doi.org/10.1051/ppsy/2011502133
Publié en ligne 23 septembre 2011

© GEPPSS 2011

Pourquoi « Jeff », cet inconnu, consacre-t-il tant d’énergie à exhiber une certaine image de son soi sur Internet ? « C’est comme lancer une bouteille à la mer » répliquerait un patient expliquant son abandon sur les sites de réseaux sociaux cybernétiques : ce flot d’informations personnelles s’adresse à un inconnu qui saura les intercepter. En effet, dès le premier regard posé sur la page Web de « Jeff » nous sommes déjà pris dans une relation, une relation virtuelle, avec cette équation à double inconnue : qui sommes-nous pour « Jeff » et que représente ce dernier pour nous ? Ce lien s’établit tout naturellement tant qu’il reste virtuel ! Nous avons en effet, lors d’un travail récent (Le Bourlot, 2010), tenté de passer d’une relation exclusivement virtuelle avec des internautes à une rencontre dans l’actuel (Virtuel est étymologiquement issu du terme Virtualis lequel signifie qui est en puissance, c’est-à-dire, contrairement à un acte réalisé, ce qui est susceptible d’advenir à la réalité. Comme de nombreux auteurs nous opposerons le virtuel à l’actuel et non au réel ou au corporel). Mais le statut de virtuel ne semble pas si facilement détrônable et quand il eût pu l’être ce ne fut qu’à une seule condition : l’existence d’un tiers actuel, connaissance commune entre nous et le personnage virtuel.

C’est cette « équation » et la complexité de ce lien virtuel que nous tenterons d’éclairer sur le plan psychopathologique tout en inscrivant la question dans le contexte sociétal d’aujourd’hui dont Internet s’avère être à la fois moteur, maillon et conséquence.

Situation de la problématique au sein de la société actuelle

Internet pourrait être un emblème du développement effréné de la science et de la technologie caractérisant notre société actuelle. La technologie est une création de l’homme, mais pas seulement déclare J.-C. Liaudet : « entre eux s’instaure un rapport de mimétisme et de rivalité […]. Le computer raisonne comme l’homme et l’on peut se complaire à craindre que son “intelligence artificielle’’ ne lui donne un jour le pouvoir sur nous. » (Liaudet, 2004, p.170). L’objet technique façonnerait en retour son créateur.

Le règne de la sensation et de l’immédiateté

L’homme d’aujourd’hui semble bombardé d’éléments bêta (au sens bionien) trop nombreux pour être métabolisés par quelque capacité de rêverie, tel ce flux d’images médiatiques vectrices de sensations. La recherche d’éléments bêta pour eux-mêmes est devenue un loisir à l’image des sports extrêmes tant prisés, générant des sensations dont la transcription verbale pourrait se limiter à un « Yahoooooo » (tel le nom d’une célèbre société Internet). Seulement, les sensations n’ont pas en elles-mêmes la qualité de l’affect lequel, selon A. Green, permet l’évolution du « surtout corporel » au « surtout psychique » (Green, 1973). Sans métabolisation par le psychisme, la sensation ne persiste pas dans l’appareil psychique, elle ne dure que le temps de la perception immédiate. Elle devra être répétée autant que ce peut si l’individu a le besoin de la ressentir à nouveau. Nous comprenons que, dans cet univers culturel, la communication faite de successions de phrases et d’action courtes et rapides séduise. Cette immédiateté est renforcée par les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Aujourd’hui, l’Homme, de son canapé, a (l’illusion d’avoir ?) le pouvoir de posséder tout objet à tout instant. Il en est de même pour les informations multiples qu’il perçoit (de manière sensationnelle) à une vitesse jamais égalée.

Des liens modifiés

Retraçant les origines de la société post-moderne, Le philosophe G. Lipovetsky (Lipovetsky, 1989) explique que dans l’élan révolutionnaire et de démocratisation prônant la liberté et l’égalité, les grandes instances traditionnelles et leurs valeurs n’ont cessé d’être attaquées. On peut en avoir une illustration au travers de l’art : l’avant-garde moderniste, depuis les environs de 1800 n’a de cesse de rechercher le nouveau, de casser les conventions, de mettre à mal les valeurs bourgeoises. Jusqu’alors il existait un aspect subversif avec une certaine tension entre le spectateur et l’artiste. Mais à ce modernisme artistique va coïncider le capitalisme qui, lui, va favoriser les aspirations hédonistes de tous en donnant accès à la jouissance immédiate avec l’apparition de la consommation de masse dès les années vingt aux États-Unis; cet hédonisme allant à l’encontre des valeurs puritaines et ascétiques du protestantisme. Peu à peu, l’individu ne défendra plus les valeurs traditionnelles, et l’avant-garde va perdre cette qualité subversive. Et, surtout depuis les années soixante, cette rage moderniste va s’essouffler, n’ayant plus de cadre rigide de valeurs contre lequel il pouvait se confronter.

L’Homme tendrait alors à se séculariser. En occident, on a en effet assisté au déclin des valeurs sacrées de certaines religions majeures (avec une diminution constante du nombre de chrétiens pratiquants), des valeurs familiale traditionnelles, désacralisation également de l’instance politique (des illustrations étant données par nombre de figures politiques n’incarnant plus leur fonction sacrée en s’efforçant de se montrer sous un jour ordinaire, utilisant notre jargon, partageant nos aspirations à la jouissance).

Freud tend à montrer que toute cohésion de groupe passe par l’existence d’un meneur ou d’une idée meneuse, et de liens libidinaux (Freud, 1921). Or, d’après la description qui vient d’être donnée, on constate dans notre société contemporaine la fragilité des identifications aux meneurs et aux idéologies communes. Freud ajoute que lorsque le meneur disparait, la foule se désagrège et s’instaure alors un état de panique. Mais Il ne nous dit pas quel est alors, selon lui, le destin des pulsions qui avaient été investies sur le meneur et entre les membres de la foule. Freud a pourtant une vision très économique de la pulsion : quand celle-ci se désinvestit d’une représentation il va subsister une énergie libre qui tendra à se lier à une nouvelle représentation ou, à défaut, se retourner sur le corps. Mais quel est l’investissement le plus « rentable » lorsque les grandes figures d’identifications ont perdu de leur aura et menacent de disparaître à tout moment ? On peut émettre l’hypothèse que l’énergie ainsi libérée aura d’avantage tendance à se replier sur le moi du sujet (c’est la définition que donne Freud du Narcissisme).

L’investissement de l’autre devient donc plus périlleux, car le lien risque de se rompre à tout moment. Avoir un lien ni trop fragile, ni trop engageant (avec le risque qu’il se brise). Cette difficulté est bien décrite par le sociologue S. Bauman dans l’Amour liquide (Bauman, 2003) où il décrit un sujet d’aujourd’hui incapable de créer des liens fixes et durables. Et Internet pourrait satisfaire ce besoin de maîtrise du lien en permettant la connexion/déconnexion à l’autre, de virevolter d’une communauté à une autre au bon vouloir du sujet.

La position de l’autre dans ce lien virtuel

L’autre virtuel et la position d’idéalité

En 1914, Feud introduit une nouvelle instance psychique, le moi idéal, reliquat du narcissisme infantile : « ce qu’il [l’Homme] projette devant lui comme son idéal est le substitut du narcissisme perdu de son enfance » (Freud, 1914, p. 98). Le moi serait en permanence mesuré à ce moi idéal par une autre instance (dont Freud spécule l’existence, qui serait en lien avec la « conscience morale ») qui aspirerait à la pleine satisfaction du moi idéal. Avec ce lien entre narcissisme et moi idéal, nous saisissons d’avantage les affinités qu’il peut y avoir entre narcissisme et réseau social sur Internet. En effet, comme nous le notons sur ces sites, tous les éléments de soi que l’on soumet au regard des internautes (qu’il s’agisse de sa photographie, de ses propos, de ses relations) sont parfaitement contrôlés afin d’embellir, d’idéaliser son image. Il semblerait que ce qui est généralement exposé sur la toile n’est autre que l’incarnation dans le virtuel du moi idéal. Ceci expliquerait cette complexité à passer de la relation virtuelle à la relation actuelle. Nous tenons là une explication possible à nos difficultés à rencontrer ces personnages virtuels ! En effet, comment ces derniers peuvent-ils supporter narcissiquement de chuter brutalement de ce piédestal ? D’où l’importance d’une médiatisation, préalable à la rencontre, par un tiers commun qui permettrait un ancrage dans la réalité actuelle. Cet ancrage permettrait au sujet de l’étude, d’une part d’amorcer un processus de désidéalisation de la partie accessible de soi, et d’autres part d’atténuer les projections angoissantes dont notre propre personne peut faire l’objet (« encore un pervers »…).

Cela fait écho avec le discours d’une jeune patiente de 19 ans très adepte des rencontres virtuelles sur Internet et qui nous confiait qu’elle refusait systématiquement la rencontre « physique » (selon ses termes) de peur de donner une nouvelle image d’elle décevante.

Pourtant certains sujets investissent le média d’Internet de manière à rendre possible la rencontre dans l’actuel :

L’un des cas rencontrés, une jeune femme de 28 ans, avait connu quelqu’un par le biais d’un site de rencontre, et elle nous expliqua pourquoi, selon elle, elle n’avait pas été déçue par sa rencontre actuelle avec cet homme : elle avait commencé par regarder son profil virtuel, puis ils avaient dialogué sur le chat (Anglicisme désignant une discussion instantanée sur Internet), ils avaient échangé d’autres photos, ensuite ils avaient discuté longuement par téléphone puis via Skype (site permettant un dialogue en direct par le biais de la vidéo, de la voix et de l’écrit) et enfin ils s’étaient rencontrés.

Dans cette description, nous notons une interaction grandissante et l’ouverture progressive à de nouveaux canaux sensoriels, ce qui permettrait d’atténuer l’effet d’idéalisation du virtuel. Mais l’écran semble également jouer un rôle de pare-excitations dont on s’affranchit au fur et à mesure que l’on s’approprie la relation, évitant ainsi un rapproché initial trop effractant.

L’autre virtuel : un double persécutant

Lors de notre travail, quand la rencontre dans l’actuel avec un autre jusqu’alors uniquement virtuel devenait irrémédiable, c’est-à-dire à l’instant précis où une date et un lieu d’entrevue était fixés, une forte angoisse s’est activée en nous : jusqu’alors l’autre virtuel, en deux dimensions, était une incroyable surface de nos propres projections, une construction en double de nous-mêmes. Finalement au moment même de la rencontre, toute angoisse s’apaisait : nous avions affaire à un Sujet et non plus à ce double redouté.

L’angoisse suscitée par la rencontre avec ce double fantasmatique peut s’éclairer avec la pensée de Lacan. L’auteur va apporter une forte contribution à l’évolution du concept de narcissisme, en particulier en développant la notion de stade du miroir. Ce stade correspond au moment où l’infans va reconnaître son image dans le miroir de manière jubilatoire, ce qui va lui permettre d’accéder à une forme constituante d’une image totale (et non plus morcelée) du corps et ce, d’abord dans une relation imaginaire entre son moi et son double spéculaire (que l’auteur qualifie de moi idéal). Pour Lacan si cette relation imaginaire n’est pas soutenue par le symbolique, il y a angoisse d’anéantissement, d’écrasement sur ce double.

Nous supposons qu’Internet viendrait réactiver cet axe imaginaire. Il y aurait ainsi un affaiblissement de la médiation symbolique dans cette relation virtuelle, mais quelles en seraient les conditions ? Comme nous l’avons vu, la temporalité sur Internet est différente et confère une certaine immédiateté à la relation, laquelle doit apporter une satisfaction immédiate. Or, si nous suivons la position lacanienne, ce qui va pacifier la relation imaginaire est l’avènement de l’idéal du moi, qui lui, a une fonction symbolique. Selon Lacan (Lacan, 1975), c’est suite aux acceptations et refus de ses désirs (qui passent initialement par l’axe imaginaire) que l’enfant va faire l’apprentissage progressif de l’ordre symbolique. Et pour lui c’est de cette castration symbolique que va naître l’idéal du moi lequel temporisera la relation imaginaire (Lacan, 1966). Cette illusion de la satisfaction immédiate du désir que donnerait Internet tendrait donc à ramener le sujet dans cette relation plus archaïque moi-moi idéal.

L’autre virtuel : un personnage numérisé

Winnicott va réprondre aux écrits de Lacan dans son article pour conférer au visage de la mère le statut de premier miroir pour l’enfant : « dans le développement émotionnel de l’individu, le précurseur du miroir, c’est le visage de la mère » (Winnicott, 1975, p. 203). Quand la mère regarde le bébé, ce qu’exprime son visage, dit Winnicott, est en relation directe avec ce qu’elle voit. Lorsque ce rôle de miroir du visage de la mère fait défaut, c’est-à-dire lorsque la mère ne reflèterait que « ses propres états d’âme » ou « la rigidité de ses propres défenses », il en résulte des failles dans le développement de l’enfant : sa « capacité créative » va s’atrophier et sa capacité d’un échange interactif et significatif avec le monde va être entravée.

Dans la relation sur Internet, où il y a prédominance du visuel, l’image de l’autre reste figée et ne peut venir refléter notre moi dans la même temporalité que celui du visage de la mère. On peut imaginer que les internautes puissent venir rechercher cette même réflexivité primaire sur la toile, mais cette recherche risque de s’avérer frustrante. En effet comment peut-t-on concevoir un échange interactif assimilable à l’interaction mère-bébé et plus globalement aux interactions du monde analogique ? Premièrement, Internet ne médiatise que certains sens ce qui limite cette interaction. Mais même en investissant pleinement les modalités sensorielles disponibles, la communication reste formatée, préétablie par les concepteurs d’une plateforme virtuelle : il n’y a pas de contiguïté entre les différents niveaux d’affects exprimés, mais uniquement des stades numérisés, symbolisés de temps, de lieu et d’intensité d’affects préétablis. Sur une plateforme Internet nous sommes plus proches d’une interaction affective que D. Stern qualifierait de « catégorielle », contrairement à ce qu’il désigne par l’« affect de vitalité » (Stern, 1985), lequel saisit la continuité des nuances d’affects. Dans les affects catégoriels il y a la joie, la tristesse, la crainte, la colère, le dégoût, la surprise, l’intérêt et leurs combinaisons. Prenons l’affect de la colère. Sur Internet celle-ci pourra être exprimée, et avec certaines nuances, mais des nuances symbolisées, numérisées : styles et tailles préétablis des lettres choisies, nombre de points d’exclamation Mais il n’y a plus de place pour le creux entre ces nuances, l’interstice, le non conceptuel. C’est en ce sens que l’internaute ne pourra jamais totalement retrouver cette interaction avec les objets actuels et plus particulièrement avec l’objet primaire (interaction en-deçà de la symbolisation).

Internet : un rempart face à la solitude ?

Avec ces connections immédiates nous semblons pouvoir échapper à cet état de la condition humaine : la solitude. Solitude source d’angoisse mais également nécessaire à la maturation psychique. Dans l’article de D. Anzieu les antinomies de la solitude (Anzieu, 1987) l’une de ces antinomies est qu’il dit aimer la solitude dans la mesure où il ne se sent pas seul car il écoute les étrangers qui parlent en lui. J.-F. Chiantaretto introduit le concept du Témoin Interne (Chiantaretto, 2005), le ou les semblables en soi avec qui dialoguer et partager la solitude. Ce semblable qui a permis la résistance psychique des victimes des expériences de deshumanisation de l’histoire. Il s’en dégage l’importance qu’ont ces témoins internes dans la subjectalisation. En effet ces interlocuteurs internes sont le fondement de notre singularité : avant même de naître nous avons été parlés, ces interlocuteurs préexistent donc à notre condition d’être. Et finalement ce qui fait notre singularité humaine est cette coexistence unique de tous ces interlocuteurs qui nous ont préexistés, transmis de la psyché maternelle par le langage, mais ayant également pris naissance au fil des échanges multiples avec l’autre au cours de notre vie (nos parents, nos amis, nos maîtres). Et c’est seulement en acceptant de se confronter à ce moi unique dans cette pluralité que l’on peut véritablement créer. Et pour cela il faut savoir se retrouver seul. Cela étant, il faut pouvoir dialoguer avec des semblables et non des similaires, ce qui suppose la rencontre avec l’autre (externe) dans l’existence.

Tout cela n’est pas sans rappeler la pensée de H. Arendt et ses notions d’isolement et la désolation (Arendt, 1951). Elle décrit l’isolement comme l’impossibilité des hommes à agir (politiquement) ensemble et en cela l’isolement serait favorable à l’instauration du totalitarisme (elle parle de pré-totalitarisme); mais dans l’isolement, la sphère privée, l’invention de chacun, la pensée sont laissés intacts. L’isolement est même nécessaire à la fabrication d’œuvre et permet la créativité. Arendt rappelle également que toute pensée naît d’un dialogue avec soi-même, avec nos semblables qui sont représentés dans le moi, mais pour que ce dialogue ait lieu il faut un lien avec les semblables pour les faire exister en soi mais également pour pouvoir se différencier d’eux : il faut avoir la reconnaissance de l’autre pour pouvoir se rassembler en un soi cohérent. Ce que ne permettrait pas la désolation, état où le sujet est déserté par tous les autres, des autres non fiables. Il vit alors « cette expérience d’absolue non appartenance au monde »; le sujet est alors réduit à la pensée froide et unique de la logique. La désolation serait le terreau du totalitarisme. Et elle serait de plus en plus fréquente; Arendt prend l’exemple de la condition des personnes âgées, or ce texte aux résonnances actuelles date de 1951 et, avec les bouleversements sociétaux que nous avons décrits nous pouvons nous demander si aujourd’hui l’Homme n’est pas de plus en plus désolé, tourné vers lui-même et donc déserté de l’autre. En somme, si nous nous appuyons sur la pensée de Arendt, ne tendons-nous pas à vivre dans une société insidieusement totalitaire, entravant nos facultés de création ?

P. Gutton expose une thèse très proche dans son article Solitude et désolation (Gutton, 2005) qu’il présente « schématiquement » ainsi : « dans la solitude, le travail des objets internes est incité au risque du plaisir et de la position dépressive. Dans la désolation, ce travail est impossible : le sujet est déserté ». Il existe pour l’auteur un risque de passage de la solitude à la désolation mais également une chance de sortir de la désolation avec l’émergence d’objets internes.

Internet nous permet-il d’accéder à l’autre en tant que sujet d’identification ou méduse-il son utilisateur dans une captation imaginaire, dans une relation purement narcissique ? En effet, pour se (re)peupler de l’autre interne il faut pouvoir connaître ce sujet du dehors dont nous semblons nous éloigner de jour en jour et en partie avec cette possibilité qu’offre le Net de pouvoir rester replié chez soi et en soi. Pourtant, paradoxalement, Internet nous connecte les uns aux autres via des relations virtuelles potentiellement illimitées. Mais, cet autre semblable, pour enrichir nos processus identificatoires, ne doit pas être un « similaire » à l’instar de la relation narcissique (en miroir), type de relation dans laquelle Internet semble nous précipiter. Nous tiendrons donc pour certain que la relation virtuelle médiatisée par Internet ne suffira jamais, à elle seule, à raviver des objets internes. Mais, alors que les individus de notre société actuelle deviennent particulièrement vulnérables à une rencontre trop proche, Internet semble apporter un pare-excitation nécessaire et pouvoir ainsi les préparer d’avantage à une rencontre actuelle avec le sujet du dehors.

Finalement, Internet pourrait-il rectifier certains travers (et particulièrement l’atomisation des citoyens) d’une société qu’il a lui-même contribué à façonner ?

Références

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