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Perspectives Psy
Volume 48, Numéro 1, janvier-mars 2009
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Page(s) | 22 - 30 | |
Section | Dossier : Soins sous contrainte | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ppsy/2009481022 | |
Publié en ligne | 15 janvier 2009 |
Clinique, problèmes et perspectives des soins avec ou sans consentement
Issues and perspectives in psychiatric treatment over the last decades
CH Thuir, 66300, France.
L’auteur décrit les multiples évolutions intervenues ces 30 dernières années dans le dispositif de psychiatrie publique. Les réponses se sont diversifiées avec de plus en plus de soins extrahospitaliers dans la cité et de nouveaux partenaires. Le temps soignant disponible auprès du patient tend à diminuer. Les types de pathologies prises en charge évoluent. À l’évidence, la loi du 27 juin 1990, totalement hospitalo-centrée, n’apparaît adaptée ni aux besoins ni aux possibilités de soins extra-hospitaliers alors que ceux-ci augmentent et que les durées de séjour en hospitalisation à temps plein ont considérablement diminué. Le développement des neurosciences, des techniques d’imagerie fonctionnelle et l’augmentation des demandes adressées à la psychiatrie préfigurent de nouvelles évolutions. En conclusion, l’auteur plaide pour que le modèle d’organisation de demain reste sectorisé, souple, ouvert et adaptatif.
Abstract
The author describes the many evolutions in the public mental health care system in the last 30 years. The answers varied with more and more follow-up care in the city with new partners. Time directly devoted to the patient is decreasing. Type of pathologies are changing. The Act dated 27 june 1990 is still centered toward the hospital and seems outmoded while ambulatory care or extra-hospital structures are increasing and hospital stays are shorter. Neurosciences and functional imagery development, as well as growing requests lead us to foresee new evolutions. In conclusion, the author pleads for an open, flexible, adaptable model based on the psychiatric sector for tomorrow.
Mots clés : soins psychiatriques / internement d’un malade mental / troubles mentaux / application de la Loi
Key words: psychiatric nursing / commitment of mentally Ill / mental disorders / Law enforcement
© EDK, 2010
Incontestablement, si l’on compareobjectivement les soins psychiatriques il y a 20 ans et ceux proposés aujourd’hui, les derniers apparaissent plus précoces, plus diversifiés, et plus efficaces. Et pourtant, subjectivement, le niveau de satisfaction, des « usagers » comme des soignants, ne semble pas s’être amélioré. La perception des prises en charge par ceux qui les proposent comme ceux qui les « subissent » est loin d’être toujours positive. Au contraire c’est même l’impression d’une dégradation qui prévaut, impression qui s’est accentuée ces dernières années…
Une clinique qui s’inscrit dans uncontexte différent
La fin de l’unité de lieu
Jusque dans les années 70, l’offre de soins en psychiatrie publique se limitait le plus souvent à des hospitalisations et à quelques consultations en « dispensaire »…Dans les années 80, à leur rythme et en fonction du contexte local, tous les secteurs de psychiatrie générale se sont plus ou moins ouverts sur des relais extra-hospitaliers comme l’illustre le Tableau I (Coldefy, 2004).
Principales structures de soins dans les secteurs évolution nationale 1989-2000.
Mais une loi qui reste « hospitalocentrée » et ambiguë
Le passage de la loi de 1838 à la loi de 1990 correspond à un changement de paradigme en privilégiant avant tout la liberté du citoyen. Or la clinique quotidienne nous apprend qu’en psychiatrie, celui qui va être l’objet du soin n’est pas toujours demandeur. L’une des principales missions de la relation soignante, c’est justement de conduire vers la demande et la participation au traitement.
La loi du 27 juin 1990 soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Elle est relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation :
Elle stipule dans son article 1er que « la lutte contre les maladies mentales comportedes actions de prévention, de diagnostic, de soins, de réadaptation et de réinsertion sociale ».
Mais son intitulé fait référence aux personnes hospitalisées, comme si les soins se résumaient à l’hospitalisation alors que les modalités de réponses se sont considérablement diversifiées. De plus la notion de troubles mentaux fait disparaître la maladie derrière celle beaucoup plus vague de « troubles » pouvant ouvrir à de nombreuses interprétations et dérives.
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En pratique, on voit se multiplier des utilisations détournées :
• recours à l’HDT pour s’assurer d’un lit
• prolongation des sorties d’essai, faute de dispositions relatives à une obligation de soins ambulatoires…
Un temps et une société« post-modernes »
Plus que toutes les autres disciplines médicales, la psychiatrie est très étroitement liée à l’évolution de la société et aux représentations sociales de la folie avec lesquelles elle est en inter-relation et qu’elle illustre.
Dans la société « moderne » les lendemains étaient porteurs d’espoir et de progrès.
Plusieurs générations ont pu ainsi se projeter de façon linéaire dans un avenir relativement « prévisible ». Dans notre société « post-moderne », nous ne pouvons que nous interroger sur la multiplication des clivages et des antagonismes, au détriment des complémentarités et de la compassion. Les profonds changements géopolitiques, socio-économiquesou technologiques bouleversent les possibilités d’anticipation, rendant les lendemains plus incertains et anxiogènes. Le temps se contracte. Les réponses sont attendues dans l’immédiateté. Les passages à l’acte se multiplient. Pour Zaki Laïdi (2000) : « le présent a cessé d’être une brèche entre le passé et l’avenir. Il s’apparente désormais à une nasse décidée à s’affranchir symétriquement de ces deux bornes du temps. Le présent veut et prétend se suffire à lui-même. C’est là que se loge le nouveau locataire du temps : l’homme présent… l’autarcie temporelle traduit un refus nécessairement inquiet de l’idée de liaison. L’autarcie renvoie toujours à un acte de déliaison, à une volonté de rupture avec l’autre… »
L’éclatement des modèles d’étayage traditionnellement structurants famille, armée, environnement professionnel – isole de plus en plus le sujet malade et « libre » qui peut de moins en moins s’appuyer sur des personnes ressources... La rassurante logiquede la modernité ouverte sur des lendemains meilleurs laisse la place à une société décrite par Jean Baudrillard où la notion d’individu « obligé d’être libre » supplante celle du Sujet : « n’étant plus inscrit dans un ordre qui le dépasse, mais en proie à sa propre volonté, sommé d’être ce qu’il veut et de vouloir ce qu’il est, l’individu moderne finit par s’en vouloir à lui-même, et par s’abîmer dans l’épuisement de ses possibilités » (Baudrillard, 1999).
Ce rappel constant à la liberté, valeur suprême, n’est pas sans conséquence dans la réorganisation des dispositifs de soin. L’expérience clinique conduit toutefois à souligner l’importance des nuances en la matière. Que peut en effet signifier l’obligation d’être libre en toutes circonstances ? Qu’en est-il de l’égalité des individus quand leurs facultés de socialisation se trouvent compromises par des facteurs pathologiques ? Doit-on abandonner le psychotique à son univers délirant dés lors qu’il ne dérange personne et ne trouble pas l’ordre public ? Alors qu’émerge, au plan international, la notion de « droit d’ingérence » cette approche réductrice du « devoir d’assistance » de la société ne conduit-elle pas à augmenter, dans des proportions inquiétantes, le nombre de SDF malades mentaux ?
Une image « différente » de l’hôpital
L’hôpital qui n’a jamais été un lieu sûr, le devient de moins en moins… Comme d’autres institutions désacralisées, l’hôpital n’est plus un sanctuaire dans une société où les passages à l’acte se banalisent. La violence de la cité s’y immisce de plus en plus ouvertement. Son image se trouble. Quelques scandales médiatisés contribuent à diminuer la confiance qu’on lui porte mais aussi le respect qu’on lui doit. Augmentation d’un sentiment d’insécurité, morcellement des tâches, impression de courir après le temps, multiplication des contraintes, diminution des gratifications, effritement des modèles de référence… Comme d’autres institutions, l’hôpital perd sa dimension de « grande famille » pour les soignants…
Des équipes soignantes différentes
Le « cadre unique » en vigueur jusque dans les années 80, a vécu. S’il avait l’avantage d’une formation et d’une culture spécifiques de base, il en découlait des dérives, comme le ménage confié aux malades, pas toujours, loin s’en faut, dans un but de réhabilitation, moyennant un pécule dont on mettra longtemps, à se questionner sur le sens. Il y a aujourd’hui davantage de psychologues et d’assistants sociaux mais aussi des aides-soignants, des agents de service, des éducateurs, des sociologues…
À titre d’exemple, l’effectif soignant de notre service qui était féminisé à 50 % il y a 20 ans, l’est à 75 % aujourd’hui. Par ailleurs, du fait d’un renouvellement de génération, la très grande majorité des soignants a moins de 3 ans d’ancienneté…
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Le temps, médical et paramédical, fait défaut. Alors que l’accroissement de la file active des secteurs psychiatriques est estimé, en moyenne, à 5 % par an, l’effectif soignant moyen d’un secteur de psychiatrie générale est passé d’après la DREES de 86,8 ETP en 1989 à 79,8 ETP en 2000 (Coldefy, 2004). Et la diminution du temps soignant disponible s’est encore accentuée avec le passage aux 35 heures insuffisamment compensé… De surcroît les soignants sont de plus en plus dispersés, accaparés par des tâches annexes qui les éloignent du soin direct. La rotation des soignants dans les services tend à s’accélérer. Les équipes ne s’inscrivent plus dans la durée ce qui rend de plus en plus difficile la définition d’une philosophie du soin, partagée et structurante. Les soins apparaissent de plus en plus ponctuels, protocolisés, symptomatiques, basés sur des réponses immédiates, véritables passages à l’acte en miroir… Le temps consacré à la relation avec chaque patient ne cesse de diminuer, ce qui permet de moins en moins l’anticipation des passages à l’acte et se traduit par une augmentation des petites (ou parfois grandes) violences au quotidien. S’instaure par ailleurs la crainte d’une dérive procédurière qui conduit les professionnels de santé à une multiplication de mesures de précaution non plus uniquement dans l’intérêt du malade mais pour éviter d’éventuelles poursuites.
La loi du 4 mars 2002 a eu pour effet indirect de renforcer cette tendance. De plus en plus, les soignants s’interrogent d’abord sur ce qu’ils ont « le droit » de faire plutôt que sur ce qu’ils « devraient faire » pour aider et/ou soulager le patient. En la matière, la réalité des faits aujourd’hui ne confirme pas vraiment ces craintes car les poursuites restent rares mais les mesures défensives s’enracinent… La pression sociale sécuritaire, comme le poids de plus en plus important des médias et des images, à chaque fait divers impliquant quelqu’un souffrant de troubles mentaux, contribuent à cette évolution des services de soins vers une surveillance renforcée, recentrée sur les murs et les portes faute de moyens humains suffisants… De plus, le temps soignant « restant » se trouve dévoyé par une inflation de tâches annexes, véritable caricature d’une bureaucratie kafkaïenne n’épargnant aucune catégorie de personnel. Cette bureaucratie dont Edouard Zarifian nous rappelle (1999) « qu’elle s’autoentretient et s’auto-justifie, ses procédures consistant à produire toujours plus de procédures… ». Le cadre réglementaire ne devrait exister que pour permettre et faciliter la mise en œuvre de réponses thérapeutiques diversifiées et adaptées à chaque cas particulier. Là où la souplesse devrait être de rigueur, se dessine, de plus en plus, un cadre rigide, tourné vers sa propre conservation, standardisant des procédures défensives visant à limiter les risques officiellement pour le patient, mais ne serait-ce pas, de fait, pour l’institution elle-même ?
Des malades différents
Aujourd’hui, l’approche diagnostique apparaît plus symptomatique et moins figée avec une vision moins tranchée, moins dichotomique :
association fréquente « dysthymie-schizophrénie » remettant à l’ordre du jour la question des liens entre les pathologies psychotiques déjà posée par Griesinger ;
association schizophrénie-troubles de la personnalité ouvrant sur la question de la dangerosité et des passages à l’acte ;
la prise en compte de co-morbidités de plus en plus fréquentes, notamment pour ce qui concerne les conduites addictives…
Les pathologies donnant lieu à hospitalisation aujourd’hui, si elles sont globalement les mêmes que par le passé, se répartissent statistiquement de façon sensiblement différente. Ainsi, en moins de 20 ans, les pathologies « déficitaires » ont nettement diminué. L’hôpital se recentre sur le soin et a perdu sa dimension d’asile… La Figure 1 illustre l’évolution dans le service entre 1988 et 2005.
Des attentes différentes et contradictoires des acteurs concernés
Les patients glissent d’une position passive à celle plus participative « d’usagers de la psychiatrie. » Ils se regroupent en associations de plus en plus représentatives et efficaces, au point de mettre en œuvre des Groupes d’Entraide Mutuelle qui permettent d’ouvrir de nouveaux espaces relationnels et de resocialisation. Si l’on peut s’en féliciter, cela ne manque cependant pas de poser des questions en cascade. Quel est le « choix éclairé » qui demeure possible pour un malade délirant ? Quelle est sa part réelle de liberté ? Jusqu’où une contrainte aux soins se justifie-t-elle ?
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Pour les familles, on connaît l’action déjà ancienne des associations de familles. Cette action a largement contribué à la promulgation de la loi du 11 février 2005 qui reconnaît le handicap psychique dans son article 2, définissant le handicap comme « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie par une personne dans son environnement en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques… » La prise en compte de la dimension psychique dans cette définition très large du handicap englobe ainsi toutes les personnes souffrant de troubles psychiques qui ont des répercussions dans la réalisation des activités quotidiennes.
Dans un numéro de Rhizome, le docteur Pierre Baud de l’UNAFAM nous rappelle les attentes, relevant du bon sens, des proches en cas d’hospitalisation (2002) : il s’agit de « donner un diagnostic, un pronostic et un traitement, et de faire participer le malade et son entourage, de mettre en place, dès l’entrée du malade à l’hôpital, une équipe d’accompagnement où la famille puisse avoir sa place, de préparer une sortie qui ne soit ni trop précipitée ni trop tardive… » Mais les familles qui sont les premiers « partenaires » dans les projets de soins peuvent-elles être considérées comme toujours et systématiquement aidantes ? On connaît les remaniements familiaux douloureux ou les dysfonctionnements induits par la maladie pouvant contribuer parfois à des décompensations… La loi du 5 mars 2007 portant reforme de la protection juridique des majeurs, en recentrant systématiquement les mesures sur la famille, risque de générer des difficultés en grand nombre…
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Figure 1 Diagnostic des patients hospitalises à Temps Plein. |
La société ne cesse de renvoyer des messages contradictoires, multipliant lesmesures de reconnaissance et d’aide d’une part, de stigmatisation et de défiance d’autre part, jusqu’à confondre symboliquement dans un même projet de loi troubles mentaux et délinquance…
Des réponses « institutionnelles » qui changent et se différencient
Depuis l’instauration de la loi du 27 juin 1990, le nombre d’hospitalisations sous contrainte n’a cessé d’augmenter. La conjonction de l’accent mis sur la liberté des patients, et du renforcement de leurs droits dans la loi du 4 mars 2002, conduit à des attitudes plus défensives dans les soins, avec le sentiment que la forme des réponses proposées pourrait compter plus que le fond…Par ailleurs, la reconnaissance du « rôle propre » des infirmiers, et la possibilité de rechercher leur responsabilité personnelledonnent lieu à des interrogations quotidiennes sur la conformité des prescriptions médicales au cadre législatif ou réglementaire. Comment répondre aux problèmes d’hygiène à l’arrivée de certains patients opposants ? Peut-on aujourd’hui imposer une douche ? Parfois la seule depuis plusieurs mois ? Mais est-ce une justification suffisante ? Doit-on l’écrire dans le dossier ? Y parler d’incurie ? Serait-ce une atteinte à la dignité ? On n’aurait donc plus le droit à quelques écarts en matière de propreté ? Mais à partir de quel niveau de sur-stimulation olfactive, de quel envahissement, par quel type d’effluves, la contrainte au shampooing s’imposerait-elle ?
En hospitalisation libre, les accommodements « pour le bien du patient… » se trouvent ainsi fortement remis en question. Les traitements injectables imposés ou les isolements en chambre, même très limités dans le temps, sont réservés aux patients hospitalisés sous contrainte. Cela entraîne, de plus en plus souvent, des transformations d’hospitalisations libres en HDT, au sein même des services. À titre d’exemple, en 2006 dans le service, sur 468 hospitalisations, 132 l’ont été en HDT et 51 en HO soit 39 % d’hospitalisations sous contrainte. Parmi les HDT, 29 ont été initiées dans le service soit 22 %… Le recours à des sorties d’essai prolongées se banalise, faute d’obligation de soins ambulatoires. Dans le service, au 31 décembre 2006, il y avait 31 patients en SE d’HDT et 20 en SE d’HO… Les plus anciennes mesures remontent à 2003 en HO et 2001 en HDT. Indiscutablement, ce type de réponses contribue à stabiliser des patients psychotiques peu compliants et limite le nombre de leur hospitalisation en décompensation aiguë. Mais cela ne peut manquer de soulever des questions éthiques. Comment ne pas maintenir le patient « captif » d’un dispositif de soin ? Comment pour les professionnels savoir mettre fin à une prise en charge et quand ? À l’inverse, comment éviter que certaines personnes ne s’excluent des soins au terme de la crise, n’obtenant de réponses que dans la répétition de passages à l’acte ou de tableaux aigus ?
Des hospitalisations de plus en plus courtes et une référence au secteur de plus en plus aléatoire en intra-hospitalier
Si on se réfère aux admissions dans le service, on constate en effet un raccourcissement des durées moyennes de séjour (DMS) et des durées de séjour annuel par patient (DMSP) (Tableau II).
Évolution des hospitalisations (secteur 66G04 au CH de Thuir).
Depuis plusieurs années, on constate qu’un En 2006 ils étaient 108 (130 en 2005) soit nombre élevé de patients est hospitalisé 32,3 % des patients. La même évolution en dans le service pour le compte d’autres terme de DMS peut être retrouvée au niveau secteurs. national (Coldefy, 2004) (Tableau III).
Évolution des hospitalisations au plan national.
Il est à noter que 82 % des secteurs sont – Seulement 35 % des secteurs étaient en mesure amenés à faire prendre en charge certaines d’hospitaliser un patient le jour même.hospitalisation par d’autres secteurs ou des – 29 % des secteurs ont mis en place d’un cliniques privées. 19 % de ces secteurs le dispositif d’hospitalisation intersectoriel font souvent [4]. autonome.
Les conditions hôtelières sont très Variables d’un endroit à l’autre. Dans l’ensemble, elles sont peu satisfaisantes (Alezrah & Bobillo, 2004) :
61 % de chambres à 1 lit, 26 % à 2 lits et 13% à 3 lits et plus.
Moins de 25% des chambres disposent d’une douche ou baignoire.
41% sont équipées de toilettes.
Dans des pavillons de plus en plussouvent fermés
Une enquête nationale (Alezrah & Bobillo, 2004) réalisée en 2003 auprès des services de psychiatrie générale fait apparaître que :
Environ un tiers des services ne dispose que d’unités de soins ouvertes… mais celles-ci ne le sont pas en permanence. Seuls 10% des services déclarent que les unités sont toujours ouvertes.
65% des services ont des unités de soins fermées et 19% n’ont que des unités de soins fermées.
La majorité des services dispose, en moyenne, d’une unité ouverte et d’une unité fermée. Dans ces services les unités de soins fermées sont souvent « ouvrables » à la demande et les unités ouvertes peuvent être temporairement fermées.
8,9% des services n’ont aucune chambre d’isolement, 31% en ont 1, 36% en ont 2, 11% en ont 3 et 8% en ont 4…
Lorsque l’on se penche sur l’analyse des pratiques, on constate que dans seulement 43% des services les patients en hospitalisationlibre disposent d’une réelle liberté de circulation. Dans 70% des services, ils peuvent quitter l’unité de soins en informant simplement les soignants mais dans 15% des services les patients en HL ont des restrictions de circulation permanentes… La « mise en pyjama » est largement utilisée dans une majorité de service, comme modalité de surveillance de proximité, complémentaire et moins contraignante pour les équipes soignantes.
Les restrictions de circulation sont le plus souvent formalisées pour chaque patient à travers un contrat de soins inscrit dans un projet thérapeutique individualisé. Les services justifient ces restrictions pour des raisons de sécurité concernant les patients, notamment du fait des pathologies présentées, avec en premier lieu le risque suicidaire. De fait, au delà de la seule nature administrative des hospitalisations (HL, HDT, HO) si des limites à la liberté de déplacement sont posées, c’est en premier lieu pour protéger le patient (Alezrah & Bobillo, 2004).
Le recours à l’isolement en chambre
Il existe peu de données nationales. Dans le service, on constate une propension à l’augmentation des isolements en chambre. Alors qu’ils étaient exceptionnels il y a 10 ans, les statistiques sont en augmentation ces dernières années (Tableau IV).
Évolution du nombre de patients en isolement. Secteur 66G04.
Les raisons nous semblent multiples :
problèmes posés par des états aigus ou suraigus plus fréquents
inexpérience des équipes profondément remaniées en peu de temps et moindre tolérance de celles-ci
diminution sensible du temps médical et paramédical limitant l’anticipation des situations « à risque »
des malades en hospitalisation d’office D 398 de plus en plus nombreux (6 venant du SMPR en 2006)
L’apparition de réponses spécifiques
Sans être exhaustif, on peut citer la multiplication de dispositifs « sur-spécialisés », le plus souvent intersectoriels, selon différentes approches :
• En fonction de l‘âge
pour les adolescents
les personnes âgées
• Par pathologies
psychotiques
toxicomanes
troubles alimentaires
• Sur d’autres critères
malades profondément déficitaires
malades dangereux
services d’urgences
unités d’accueil et d’orientation des admissions
unités mobiles pour les personnes en situation de précarité
unités de réhabilitation et de réinsertion…
Il nous semble cependant essentiel ne pas substituer à la logique généraliste et la temporalité du secteur un autre type de réponses qui pourraient rapidement devenir ultra-segmentées, dans une spécialisation excessive, et limitées dans le temps, multipliant ainsi les ruptures de prises en charge et le renvoi systématique à « d’autres intervenants »…
L’intersectorialité doit être conçue comme un atout supplémentaire et non en compétition avec le dispositif sectoriel, dans une logique de mise en commun des moyens et de complémentarité, faute de pouvoir, chacun, répondre à tout.
Quelles perspectives demain ?
Des missions à redéfinir et des partenariats qui vont se multiplier
Le principe de réalité, à travers la confrontation quotidienne à des demandes qui dépassent les possibilité de réponses du seul appareil sanitaire, conduit à rechercher davantage de relais et de complémentarités… Dans le soin direct, avec les structures privées, cliniques, centres de post-cure, ou des intervenants libéraux, psychiatres, médecins généralistes, infirmiers…
Dans le soin direct
Dans le soin direct, avec les structures privées, cliniques, centres de post-cure, ou des intervenants libéraux, psychiatres, médecins généralistes, infirmiers…
Dans le soin indirect
en psycho-gériatrie, avec les établissement d’accueil de personnes âgées ou les dispositifs d’aide à domicile…
avec les Maisons d’Accueil Spécialisées, pour les patients polyhandicapés.
pour les patients marginalisés et SDF, avec les Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale, les associations caritatives ou les lieux d’accueil de jour…
avec les Services d’Accompagnement Médico Social pour Adultes Handicapés dont on commence à voir la multiplication des projets dans le champ du handicap psychique.
Dans la réhabilitation et la réinsertion
avec les structures de travail protégé qui manifestent un regain d’intérêt pour les
handicapés psychiques
avec les GEM, les SAVS
avec les relais associatifs, particulièrement dans le monde artistique et de la culture
La psychiatrie n’est pas qu’une simplediscipline médicale
La psychiatrie garde une spécificité forte malgré une relative banalisation dans des lieux de soins, de plus en plus souvent à proximité des autres services médicaux. Mais là où la médecine s’appuie trop souvent sur une approche centrée sur un organe et des principes de causalité linéaire, la psychiatrie se doit de continuer à privilégier une vision globale du sujet dans ses différentes composantes qui transcendent la partie. L’appareil psychique qui conserve bien des mystères ne peut être simplement assimilé au fonctionnement du cerveau comme une succession de réflexes ou de processus neurobiochimiques…
La demande en psychiatrie apparaît parfois étrangement absente dans des situations de souffrance extrême. Mais inintelligible serait plus juste qu’absente. C’est le cas chez beaucoup de psychotiques bien sûr, mais également chez certains sujets en situation de précarité. Cette ambiguïté quant à la demande révèle en écho l’ambivalence des soignants. Soigner en psychiatrie, c’est s’efforcer de restaurer la part de liberté perdue, d’aider à recouvrer un libre-arbitre. Nous sommes ainsi, en permanence, écartelés entre deux tentations :
celle de ne pas continuer à stigmatiser les malades, de couper avec des siècles d’exclusion et de rejet en rapport avec une représentation de la maladie mentale renvoyant à des stéréotypes plus qu’aux réalités,
celle de reconnaître une spécificité et d’entretenir des réponses de nature différente. La maladie mentale n’est pas toujours perçue, ou parfois avec un certain retard. Mais lorsqu’elle l’est, elle entraîne crainte et méfiance plutôt que compassion. Les relations intersubjectives, au sein de la cellule familiale, au plan socioprofessionnel mais également avec les soignants s’en trouvent profondément modifiées.
L’intérêt renouvelé de la recherche dans les neurosciences, le développement de nouvelles techniques d’investigation en neuro-radiologie l’implication des laboratoires pharmaceutiques dans un marché « prometteur », la prise de conscience, à travers le rapport de l’OMS1, du poids que prendront les troubles mentaux au XXIe siècle, la meilleure prise en compte des enjeux par les responsables politiques, tout cela contribuera à modifier considérablement la prise en charge des troubles mentaux. Quel que soit le modèle retenu, il nous paraît indispensable qu’il reste basé sur une organisation sectorielle généraliste souple susceptible de promouvoir les initiatives et de permettre un ajustement aux réalités locales de terrain, la nature des demandes pouvant sensiblement fluctuer d’un endroit à l’autre, d’un moment à l’autre… Il nous semble également essentiel qu’il mobilise les acteurs du soin car aucun dispositif sanitaire, en psychiatrie moins qu’ailleurs, ne peut fonctionner sans leur implication forte. Les équipes restent une somme d’individualités où les soignants ne sont pas interchangeables du jour au lendemain et où l’arithmétique ne peut être l’ultime référence…
Références
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- Zarifian, E. (1999). La force de guérir. Paris : Odile Jacob. [Google Scholar]
Liste des tableaux
Principales structures de soins dans les secteurs évolution nationale 1989-2000.
Liste des figures
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Figure 1 Diagnostic des patients hospitalises à Temps Plein. |
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