Numéro |
Perspectives Psy
Volume 43, Numéro 4, octobre-novembre 2004
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Page(s) | 259 - 260 | |
Section | Dossier | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ppsy/2004434259 | |
Publié en ligne | 15 octobre 2004 |
États limites et troubles de la personnalité. Éclairages contemporains (1re partie)
Université de Montréal, Association de Santé Mentale. La Nouvelle Forge, 16 bis, rue Alphonse Cardin, 60800 Crépy-en-Valois, France.
Ce dossier thématique croise différents regards actuels sur la question des états limites et des troubles de la personnalité chez l’adulte aussi bien que chez l’enfant et l’adolescent. Les contributions des collègues européens et canadiens, rassemblées dans ce numéro de Perspectives Psy et dans le suivant , s’enracinent dans des traditions épistémologiques qu’il convient de brièvement distinguer :
une tradition psychanalytique qui de l’accompagnement minutieux des analysants, a dégagé en terre américaine, le concept d’organisation de personnalité limite (borderline personality organization) et en Europe, celui d’état ou d’aménagement limite ;
un renouveau de la recherche empirique, né sous l’impulsion de l’Association Psychiatrique Américaine, qui a conduit au manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM-IV (APA, 1994) où sont décrits plusieurs troubles de personnalité (personality disorders) en fonction de leurs caractéristiques sémiologiques observables. O. Kernberg [2] définit l’ organisation de personnalité limite comme étant une organisation psychique qui sous-tend la majorité des troubles de personnalité observables et répertoriés au sein de la classification du DSM-IV. Ce concept se distingue donc clairement du trouble de personnalité limite (TPL) (borderline personality disorder), au sens du DSM. Ce dernier n’est ainsi que l’une des expressions comportementales possibles de l’organisation de personnalité limite (borderline personality organization). Les autres voies évolutives étant notamment schizoïde et narcissisque. Plusieurs courants contribuent actuellement à la réflexion psychanalytique autour des états limites :
un courant nouveau-venu où des auteurs comme le Britannique Peter Fonagy, traquent les débuts du trouble de personnalité limite dans les aléas des premiers attachements ;
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une réflexion sur la relation d’objet, menée principalement chez les auteurs anglo-saxons, soit avec John Gunderson, en approfondissant la nature des relations déployées par les états limites, soit avec Otto et Paulina Kernberg en analysant l’internalisation de ces relations et comment elles contribuent à la structuration du Soi. Cette réflexion autrefois menée plus avant avait conduit W. Reid à fonder une 3e topique soi/objet et à rejoindre ainsi les repères métapsychologiques classiques ; - enfin, un courant nourri d’une clinique de la pulsion, prévalent chez les auteurs français, attend de la question limite une remise sur le métier de la psychanalyse dans ses aspects théoriques autant que pratiques. Dans ce dernier courant de pensée, la sexualité infantile et l’interprétation des conflits qui y sont liés, conservent une place centrale. Le concept de narcissisme plus tardivement ré-élaboré, reste souvent cantonné à la problématique économique des investissements libidinaux, sans remettre en cause la place princeps de l’Œdipe. Les états limites sont ainsi sous le feu de ces regards croisés. Sabine Vuaillat et Bernard Golse nous proposent une réflexion sur l’irruption de l’attachement dans le champ théorique, l’une en dialogue avec les travaux de Fairbairn sur la relation d’objet, l’autre en référence à la métapsychologie de la pulsion. S. Vuaillat, en écho aux travaux de D. Widlöcher, voit dans l’apport de Fairbairn à la psychothérapie, une opportunité d’ouvrir l’espace fantasmatique des personnalités schizoïdes, et sur le plan théorique, un pont entre attachement et théorie des pulsions grâce à une modélisation du lien aux objets dans ses aspects réels et fantasmés. Prolongeant la réflexion de D. Anzieu afin de dépasser une simple juxtaposition de travaux inspirés des théories de la relation d’objet et d’analyses conduites en référence à la théorie des pulsions, Bernard Golse nous invite à approfondir la notion de « pulsion d’attachement » qu’il voit comme un pont entre les deux modélisations théoriques. La lecture qu’il offre de la littérature analytique permet de réintégrer le sexuel dans le champ de l’attachement. Le premier temps de la pulsion d’attachement est ainsi auto-conservatoire avant qu’intervienne une libidinisation secondaire. C’est dans cette ligne qu’il faut lire le texte suivant sur l’enveloppe psychique, bref exemple d’application des formulations heuristiques de D. Anzieu au domaine des états limites. Les deux textes suivants éclairent de leurs repères théoriques, la pratique clinique auprès des organisations limites. Se saisissant de la question de l’épigenèse familiale, Herta Gutman et Lise Laporte nous introduisent au modèle de Lyman Wynne. Celui-ci intègre l’attachement au sein d’une approche systémique. Leur texte illustre bien la pertinence du modèle de Wynne pour bâtir les pré-requis de l’alliance thérapeutique auprès de patients présentant une organisation limite. Face aux familles qui fonctionnent en homéostasie de la souffrance, il éclaire la transmission transgénérationnelle et guide le thérapeute en combinant approche systémique et soutien individuel. W. Reid, ensuite, nous entraînant dans une relecture de D.W. Winnicott, dessine un modèle du fonctionnement narcissique/ limite de la psyché et de son impact sur le contre-transfert. Faisant écho aux vignettes cliniques présentées dans ce dossier, son texte éclaire les (d)ébats entre le soi et l’objet, entre l’interne et l’externe, et traque les mécanismes à l’œuvre dans l’évitement de la conflictualité psychique.
En rappel du dossier, le lecteur accompagnera enfin Gianluigi Moniello et Valentina Biaggini dans leur revue critique de la littérature concernant les rapports entre dépression et états limites. En effet, de nombreux cliniciens s’interrogent pour savoir si la dépression est un trait sémiologique des états limites ou bien si à l’inverse, le trouble de personnalité limite constitue une forme mineure de trouble bipolaire tel que le défend Akiskal. Prenant position en faveur de la stabilité du construit borderline à l’adolescence, ce qui n’est pas définitivement accepté [1], les auteurs se tournent vers l’expérience subjective de dépressivité et de vide que nous constatons chez les patients présentant un état limite, pour en souligner le caractère propre à la dépression des états limites de l’adolescence. Le prochain numéro de Perspectives Psy apportera un complément à ce débat en abordant cette question sous l’angle neurobiologique avec Chantal Henry et Donatienne Van den Bulke. La seconde partie du dossier « États limites et troubles de la personnalité », qui sera présentée dans le numéro suivant, regroupera des contributions de recherche canadiennes et européennes concernant principalement l’enfant, le bébé et leur mère.
Références
- Bondurant H, Greenfield B, Sze W. Validity of the borderline construct in adolescence. Can Child Adolesc Psychiatr Rev 2004; 13(3): 53-58. [Google Scholar]
- Kernberg O. Severe personality disorders: psychotherapeutic strategies. New Haven CT : Yale University Press, 1984. [Google Scholar]
© EDK, 2010
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